Journaliste scientifique, ayant étudié la biologie et l'écologie,
Barbara Kingsolver est militante depuis longtemps, notamment contre les différentes interventions militaires américaines, au Vietnam, pendant la guerre du Golfe ou en Afghanistan.
Je l'avais découverte grâce à
Un été prodigue, roman développant les thèmes de la préservation de la nature et du féminisme.
J'ai retrouvé ce côté militant dans cet essai datant de 1989, témoignage portant sur l'attitude complétement folle de l'entreprise Phelps Dodge, exploitant des gisements de cuivre en Arizona.
Nous sommes en 1983 et pour faire face à l'inflation, on demande aux employés de faire une croix sur leurs jours de congé et d'accepter un gel des salaires. Face à la grève du personnel, certaines entreprises signent des accords, mais pas Phelps Dodge ... la grève perdurera 18 mois.
Barbara Kingsolver réussit avec brio à nous dépeindre l'atmosphère de ces villes minières, notamment Clifton et Morenci, sous la complète dépendance des compagnies minières. "Toutes les fonctions municipales sont aux mains de la Phelps Dodge Corporation, comme le sont l'unique centre commercial, le bowling et le snack; même les livres de la bibliothèque sont soumis à l'approbation de l'administration P.D."
L'entreprise prive ainsi les mineurs en grève d'accès à l'hôpital et fait pression sur la justice pour obtenir l'interdiction des piquets de grève et sur le gouverneur qui envoie la police et la garde nationale.
Les grévistes étant licenciés, ils partent chercher un emploi ailleurs ... Restent les femmes qui se mobilisent et tiennent les piquets de grève, conspuant les "jaunes", venus remplacer les absents.
Témoignage superbe de la détermination de ces femmes, cet essai dénonce aussi les conditions de travail déplorables des mineurs, les dangers pour leur santé et pour l'environnement, le manque total d'humanité quand une crue détruit la moitié des logements, la perte de la confiance des citoyens en leurs institutions politiques et médiatiques et met en avant la prise de conscience féministe de ces femmes auparavant sujettes à la culture machiste de leur environnement familial et professionnel.
"Nous ne sommes pas stupides; nous voyons bien ce qui se passe. Ils nous disent : "oh, nous pensons à votre bien-être, nous allons prendre soin de vous." Je pense que l'heure est venue de leur dire que nous ne voulons pas qu'on prenne soin de nous, parce qu'ils ne s'en sont pas très bien sortis jusque là. Désormais nous allons prendre soin de nous-mêmes."