On aurait envie de qualifier ce livre atypique d'Ovni littéraire. Et on aurait tort de le faire tant cette expression galvaudée et employée souvent mal à propos ne rendrait pas justice à ce grand et beau livre.
Alors disons tout simplement que c'est un grand et beau livre, l'une des très bonnes surprises de cette rentrée qui finalement se révèle assez prometteuse (*)
Tout commence comme un roman psychologique : divers citoyens de la ville norvégienne de Bergen prennent tour à tour la parole, selon la technique du roman choral ; nous suivons leur courant de conscience et les événements de leur vie et du monde sur une période de deux jours, émaillée de flash-back dans leur histoire ; tous traversent une crise existentielle qui va connaître une acmé, liée à un phénomène, il faudrait dire une catastrophe au sens de la tragédie grecque
Une étoile nouvelle d'une taille inusitée apparaît soudain dans le ciel de Bergen.
Il y aurait bien sûr une explication rationnement : une super-nova ; mais ce n'est pas que cela.
Dans la tradition des phénomènes célestes du passé, son surgissement s'accompagne en effet de phénomènes qu'on ne peut qualifier autrement que de surnaturels, qui bouleversent la vie de nos personnages dans ses aspects les plus intimes, de phénomènes surnaturels, disais-je, si du moins ils correspondent à une réalité objective
Mais précisément, et c'est une autre dimension du livre, il nous conduit à interroger la notion de réalité objective, dans le cadre d'une réflexion philosophique et théologique, qui englobe Dieu et les dieux, l'existence de l'âme, la nature de la vie et de la mort et de la réalité.
Et cette étoile nous envoie à l'Étoile du Matin, au Lucifer des textes sacrés, et aussi, selon une exégèse surprenante, serait aussi le Christ
Et c'est aussi l'Étoile Absinthe de l'Apocalypse, cette apocalypse, au sens étymologique de révélation de choses cachées, et aussi au sens courant du terme, si courante dans les préoccupations de nos contemporains et qui donne lieu à une toute une littérature, sans rapport cependant avec celle du livre, cette Apocalypse donc appairait de plus en plus dans le récit.
Nos personnages sont-ils en train de la vivre ? Ou autre chose ?
Je suis hélas conscient de n'avoir donné qu'une bien pauvre idée de toute la richesse thématique du livre.
Mais surtout que cela ne vous décourage pas, ne croyez pas que c'est un livre difficile. Cette philosophie, comme toute pensée vraie qui ne cache pas son vide sous l'obscurité des mots, s 'énonce clairement.
Encore un mot ; si vous aimez qu'une livre se termine par une conclusion définitive, qui explique tout, vous serez déçu.
Mais c'est à vous de tirer vos propres conclusions, quoique les dernières lignes du texte du personnage nommé Egil, qui est aussi le dernier chapitre du livre, paraissent en indiquer une
Mais c'est le texte d'Egil
Pour information, Knausgaard est également l'auteur d'un cycle autobiographique d'une dizaine de volumes, également publiés chez Denoël
(*) Ainsi l'excellent
Déserter de
Mathias Enard, dont j'ai dit ici le bien que j'en pense et dont je me permets de conseiller la lecture