Parfois, il est impossible de dire pourquoi et comment une œuvre d'art agit sur l'individu. Je peux me tenir face à un tableau et être rempli d'émotions et de pensées, apparemment transmises par ce tableau, sans pouvoir pour autant retracer ces émotions et ces pensées et, par exemple, dire que le chagrin provient des couleurs ou que le désir résulte des coups de pinceau, ou encore que la soudaine prise de conscience que la vie n'est pas éternelle se trouve dans le motif.
C'est ce qui m'est arrivé avec un tableau qu'Edvard Munch a peint en 1915. Il représente un champ de choux. Les choux au premier plan sont peints grossièrement, voire esquissés, et se dissolvent en arrière-plan avec ces traits verts et bleus. Un peu à côté du champ, il y a une zone jaune pâle, au-dessus une surface avec du vert foncé et encore au-dessus une étroite bande de ciel qui s'assombrit.
C'est tout, voilà le tableau.
Pourtant, il est magique. Si chargé qu'il a presque quelque chose qui se brise en moi quand je le regarde. Et pourtant ce n'est qu'un champ de choux.
(Incipit)
Cinq romans, cinq destins inoubliables avec Bernard Stora, Denis Dercourt, Alexis Salatko, Jacqueline Crooks et Karl Ove Knausgaard.