J'ai pris ce roman par curiosité et par devoir professionnel et l'ai finalement fini d'une traite par intérêt.
Ce n'est pas le premier roman que je lis sur la vie des Allemands pendant la période nazie, ni le premier roman autobiographique que je lis sur cette période.
Cependant, les souvenirs d'
Ilse Koehn ont réussi à faire entendre leur petite musique individuelle car elle dépeint la vie d'une famille de paysans soudés autour de la survie des membres de la famille. Ils ne se préoccupent pas de l'idéologie hitlérienne; ce qui compte pour Grossmutter et Grossvater (les grands parents un peu "brut de décoffrage") d'Ilse, c'est la terre et ce qu'elle donne, c'est de pouvoir se nourrir et affronter les temps difficiles, c'est de faire en sorte que leur fille et leur petite-fille survivent.
Je connaissais mieux l'Allemagne intellectuelle, tournée vers l'Europe d'avant l'arrivée du nazisme et moins celle du monde rural plus occupée des rendements de la terre et de la vie de la communauté. C'est chose faite avec ce roman.
Le roman d'Ilse Koeh dévoile également l'envers du décor des brillantes idées nazies : la brillante façade des idées hitlériennes qui cache les petites compromissions personnelles, les abus humains, l'absurdité des règles qu'on applique sans comprendre.
Il montre aussi cette résistance passive du peuple allemand dont certains adhèrent à fond au dessein d'Hitler mais dont la majeure partie fait mine de plier pour s'en sortir mais garde son humour pour tourner en dérision ce qui leur arrive (quand des amis se quittent, ils se saluent par "reste en vie!").
C'est cette vie quotidienne faite de crainte, de rationnement, de petites histoires de voisinage puis de raids aériens incessants à partir de 1944 que la petite Ilse raconte.
Elle ne comprend pas tout mais relate avec fidélité : la séparation des parents due aux origines juives de la grand-mère paternelle, les camps où sont envoyés les enfants, les files d'attente interminables, à la fin les débordements de l'armée russe, les suicides allemands; c'est un témoignage d'une rare puissance.
Le seul bémol que j'apporterai tient à cette précision documentaire qui fait que l'auteure redonne, par exemple, les éléments exacts des décrets hitlériens et que l'on a plus l'impression de lire un cours d'histoire qu'un roman.
D'autre part, j'ai lu cette oeuvre dans une édition de 1981 donc un texte très dense, une mise en page austère et une petite marge. Ce qui fait que cette oeuvre salutaire qui pourrait parler au jeune public risque de les rebuter par sa forme.
En résumé, un magnifique témoignage très détaillé d'une page de l'histoire d'une famille allemande qui ne partage pas les préceptes nazis mais a dû s'adapter pour vivre sans compromission.
A partir de 12 ans