Vous voulez lire un
Lovecraft vraiment mauvais et vraiment ennuyeux ? Choisissez Prisonnier des Pharaons : bâillements garantis (et vous ne risquez pas d'avoir peur avant de vous endormir).
C'est l'histoire d'un type qui s'appelle Harry Houdini (oui oui oui). En fait, la nouvelle a été publiée sous le pseudonyme de Harry Houdini, et l'auteur de la nouvelle, qui en est également le héros, est censé être le véritable Houdini (c'était bien pratique pour un passage que j'évoquerai plus loin, mais ce n'est pas toujours indiqué dans les différentes éditions). Harry s'offre de petites vacances avec sa femme en Égypte et il nous fait profiter de ses impressions de voyage, du genre "Nous avons visité le souk du Caire, c'était chouette, mais pas tant que ça", ou bien "Abou Simbel, c'est super !", ou encore "Quelle grande civilisation que l'Égypte ancienne !" Oui, parce que
Lovecraft était fan des anciennes civilisations, en particulier de l'Égypte et de la Grèce, et donc il ne peut s'empêcher de pérorer sur la majesté de l'Égypte ancienne, sur ses monuments, sur l'Égypte actuelle, ma foi bien décevante, etc., etc. Et ça dure, ça dure, ça dure... Avant de lire cette nouvelle, je ne connaissais pas l'aspect guide touristique de l'oeuvre lovecraftienne, voilà qui est fait. Ça aurait été dommage de passer à côté de ça !
Harry commence à s'ennuyer (mais quand même pas autant que nous), le voilà donc qui décide d'aller se promener à dos de dromadaire et qui loue les services d'un guide local carrément louche, duquel il se méfie, mais qu'il suit quand même à la nuit tombée au pied du Sphinx, le guide louche en question ayant rameuté une bande de potes à lui. Là, il est question... du Sphinx, de la pyramide de Képhren et du fait que Képhren aurait fait retailler le visage de la très très très ancienne statue du Sphinx pour la refaire à son image. Bref, ensuite, croyez-moi ou pas, Harry tombe... non, vous ne devinerez pas ! Il tombe dans un p-i-è-g-e. Bonjour la surprise ! du coup, le voilà tout ligoté, trimballé on ne sait trop où et jeté dans un trou hyper profond. C'est là que s'appeler Houdini s'avère vachement pratique, parce que du coup, notre héros va pouvoir se défaire de ses liens. Bon, bien que ce soit sa grande spécialité, il y met le temps (les liens magiques, ça craint, même pour Houdini), mais enfin, il s'en sort. Après avoir disserté des heures (qui nous semblent des années) en solo sur le Ka et autres sujets religieux ou ésotériques. Enfin, sur le chemin de l'évasion, il se retrouve à espionner les vilains Arabes qui l'ont enlevé, et qui sont quand même plus malins que les habituels pieds-mous qu'on retrouve ici et là chez
Lovecraft (ça nous fait un peu de changement).
Alors, comment dire... Là, ça ressemble à
La cité sans nom, mais en nul. J'hésite à vous révéler la fin, bien qu'elle n'ait, à mon avis, aucun intérêt, si ce n'est un caractère carrément grotesque. Mais allons-y, haut les coeurs ! Soudain, surgit des profondeurs de la terre une créature vachement bizarre. Bon, allez, devinez quelle est cette créature... Bravo, vous avez trouvé : c'est le Sphinx en personne ! Une espèce de gros truc qui n'a pas de cou, un corps cylindrique et cinq têtes de différentes tailles collées sur son corps, qui est tellement mal foutu qu'on se demande bien comment il fait pour se mouvoir. Bref, Harry en profite pour se sauver hyper discrètement, c'est-à-dire en montant un escalier monumental devant des centaines de personnes. Mais bon, les mecs sont en train de se taper un gros délire relatif à l'apparition du Sphinx, donc on va dire que ça passe... Et
Lovecraft nous quitte sur cette révélation absolument - j'insiste - inattendue, bien qu'il nous ait auparavant lancé tellement d'allusions à ce propos qu'il eût été difficile de passer à côté : la statue du Sphinx que tous les touristes admirent représentait en fait le monstre hideux des profondeurs souterraines, monstre à l'âge canonique mais toujours en vie et auquel on voue un culte idolâtre depuis des millénaires.
Bien. Déjà, j'aimerais qu'on m'explique comment la statue originelle qui représentait le véritable Sphinx, tel que je vous l'ai décrit (cinq têtes collées sur un gros cylindre, je le rappelle), comment cette statue des origines, donc, a pu être juste légèrement retaillée de façon à ce qu'elle ressemble au Sphinx que nous connaissons tous et qui n'a rien, dans sa morphologie, en commun avec la créature bizarrement foutue que
Lovecraft nous a décrites. C'est le premier point. le second point concerne le culot de
Lovecraft, qui nous inflige des notes de voyages à n'en plus finir, ennuyeuses à mourir, qui remplissent des pages, des pages, et des pages, pour conclure sa nouvelle sur un grand n'importe quoi. Son style est pénible, on ne sent aucune tension dans le récit, et on voit arriver la fin à des kilomètres à la ronde... Mais que lui est-il passé par la tête ???
Heureusement pour nous, le motif de la créature hideuse et fantastique adorée par des humains dégénérés inspirera deux ans plus tard une oeuvre autrement plus intéressante, à savoir
L'appel de Cthulhu.