Cet élégant roman, "Dans le goût espagnol", car il s'agit d'un roman, est bien dans les manières de Jean de la Varende.
Car si l'homme est normand de pleine terre, et quelque peu breton à fleur d'eau, il y a par contre chez l'écrivain quelque chose d'espagnol qu'indique de la fierté, de l'originalité et un certain apparat dans le style de son écriture.
"Dans le goût espagnol" est un livre que La Varende a dû aimé écrire.
C'est un livre sur l'amitié, empreint de mysticisme et d'un traditionalisme religieux quelque peu exacerbé.
Mr de Manarès, le véritable héros du roman, est un personnage forgé à l'aune du grand écrivain normand.
Sa noblesse est faite d'un sentiment de supériorité mêlé à une haute exigence du devoir.
"Dans le goût espagnol" est un roman en trois parties, et non pas un recueil de nouvelles comme il est souvent présenté.
Il est additionné de deux textes courts d'une vingtaine de pages chacun, l'un en préface et l'autre en postface :
- "L'exode de Mr le marquis de Herrera"
Le marquis de Herrera, fidèle à son souverain, avait décidé de suivre dans son exil le roi Philippe V d'Espagne.
Mais le marquis n'était pas sorti de chez lui depuis cinq ans et il avait plus de cent ans ...
- "Pavane pour une infante défunte"
Madame Infante languit. Madame Infante souffre.
Madame Infante est princesse des Asturies, duchesse de Galice et de Saragosse, grande maîtresse honoraire de Saint-Jacques et de Calatrava.
Madame Infante se meurt. Madame Infante a huit ans ...
Hors ces deux nouvelles ajoutées, le roman fait un peu moins de deux cent pages.
Il est articulé en trois parties et un épilogue : l'ânesse, la bicyclette et l'hippogriffe.
Mr de Manarès, espagnol révolté s'est exilé au pays d'Ouche.
Il est, au goût espagnol, à la fois monarchiste, carliste et anarchiste.
Il a pris sous sa protection la jeune Carmen dont le père vient d'être mis à mort dans les fossés de Barcelone.
Le jeune Jean de Fréville, petit châtelain de quinze ans, va éprouver d'abord de l'amitié pour le vieil homme, puis les premiers frissons de l'amour pour la jeune fille ...
Ce livre n'a rien à envier aux plus grandes réussites de La Varende.
Pourtant, il serait périlleux par sa lecture d'entrer pour une première fois dans l'oeuvre du grand écrivain normand.
L'envie d'y revenir pourrait s'en trouver diminuée.
Le rythme est un peu lent.
Derrière la longueur d'un récit qui semble s'étirer, comme derrière la vie tranquille, presque morne, de cette campagne du pays d'Ouche, un ressort dramatique est tapi.
Mais le style de l'écriture fait beaucoup pour le livre.
Il le transforme en un véritable petit bijou façonné au goût espagnol ...
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Que la nuit eût été belle, près de l'enfant ! Cela restait très pur, le seul sentiment de la présence toute proche, le contentement qu'elle eût été là. Ne pas s'écarter d'elle, et, dans la nuit, la nuit merveilleuse qui gratifie les êtres d'une sincérité suprême, qui rend toute leur force aux sentiments épuisés par le jour !... Cela ne serait jamais. Seulement se griser un peu d'elle, du peu qu'on obtenait avec tant de peine ; de cette petite prédilection qu'elle finissait, après tant de patience dépensée, par marquer, tout à fait à la fin de la visite.
C'était un révolté perpétuel et essentiel, mais ses révoltes ne s'en prenaient qu'à la facilité, à la nonchalance, à l'oubli ou la bassesse.
Il s'était établi en Normandie après un transbordement difficile qui l'avait, de Bilbao, jeté à Trouville ...
Et elle lui apportait des livres de poèmes où elle venait de découvrir des stances terriblement amoureuses, des stances de feu ! Il s'appliquait, et parfois, durant le travail, la main, l'extraordinaire main de fleur, de jasmin, s'arrêtait, se posait sur la main du garçon, sur celle qui appuyait la page.
Il travaillait, alors, heureux jusqu'au bout des ongles, parcouru d'ondes qui le suffoquaient. Cette petite main, il la voyait s'imprimer en lui avec ses moindres linéaments, ses moindres ciselures.
Il ne faut d'ailleurs jamais mentir, ni tenter d'arranger la vie.
La vie se charge de dépouiller bien vite la peau de mouton qu'on jette sur ses épaules de loup ...
Un homme qui roule les R de cette manière-là aime l'exceptionnel et le tragique, et pourrait bien les faire naître ...
Mademoiselle de Corday
Jean de la Varende
Éditions Via romana
Initialement paru en 1939, ce portrait psychologique de Charlotte Corday est l'occasion pour l'auteur, royaliste et contre-révolutionnaire, de reconnaître la diversité des oppositions à la Révolution française. Il résume l'essence de l'assassin de Marat à une identité fantasmée : fille de gentilhomme, païenne, vierge, viking et normande. ©Electre
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