« Il suffit que je sois bien malheureuse pour avoir droit à votre bienveillance » ces lignes adressées par Marie Anne Charlotte Corday au citoyen Marat enluminent l'essai qu'
Astrid de Laage consacre à sa lointaine cousine qui assassina l'Ami du peuple le 13 juillet 1793.
Fort bien écrit, cet ouvrage décrypte les vies de Charlotte Corday,
Jean-Paul Marat et de la romancière.
Qui est Charlotte ? une républicaine, une royaliste, une normande âgée de 24 ans, une résistante manipulée par des émigrés, nul ne le sait avec certitude car les documents manquent, offrant un vaste espace au talent des écrivains, et
Astrid de Laage, encense une statue de la liberté et, non sans anachronisme, en fait une icône féministe. La descendante de
Pierre Corneille clame au tribunal « J'ai tué un homme pour en sauver cent mille » et préfigure
Sophie Scholl guillotinée par les nazis le 22 février 1943.
Qui est Marat ?
Madame de Staël, sa compatriote suisse, constatait «jamais on n'avait vu la parole humaine aussi dénaturée ; les hurlements des bêtes féroces pourraient être traduits dans ce langage.» La romancière est beaucoup plus clémente et retrace l'itinéraire d'un médecin né en Suisse (d'un père immigré argentin ?), passé par l'Angleterre, avant de revenir en France au service du Comte d'Artois, plonger dans la révolution, diriger des brulots en traitant une santé délabrée … Michelet peignait un démagogue «échappé de sa cave, sans rapport avec la lumière, ce personnage étrange, au visage cuivré, ne semblait pas de ce monde-ci. Il voyait bien l'étonnement des simples, il en jouissait. le nez au vent, retroussé, vaniteux, aspirant tous les souffles de la popularité, les lèvres fades et comme vomissantes, prêtes, en effet, à vomir les injures et les fausses nouvelles». J'avoue donc ne pas partager la bienveillance de l'auteur pour celui qui provoqua les massacres de septembre.
Qui est
Astrid de Laage ? Lointaine cousine de Marie Anne Charlotte de Corday d'Armont, admonestée par une enseignante « Mademoiselle, vos ancêtres ont été d'horribles exploiteurs » … elle explore les archives familiales en espérant dénicher un écrit de sa parente et apprécier l'apport de sa famille à la Normandie. La révolution a contraint une branche familiale à trouver au refuge au Danemark et en Europe du nord (origine de son prénom) et Astrid part sur leurs traces et découvre ainsi ses cousins danois.
Cette exploration généalogique rappelle le bouleversant témoignage d'
Agnès Bastien-Thiry «
Mon père le dernier des fusillés » dans lequel la psycho-généalogiste remonte jusqu'au 21 mars 1804 et à l'exécution du duc d'Enghien pour enraciner le geste paternel.
Ecrit «
de la main d'une femme », cet essai, aussi personnel que palpitant, dévoile sans doute plus son enquêtrice que la martyre normande ou l'ami du peuple. Puisse-t-il donner envie aux lecteurs d'étudier l'année 1793, l'une des plus tragiques de notre histoire.