Jean accepte l’inquiétude. Il se dit que l’inquiétude est un pis aller. Il se dit que l’inquiétude est un dommage collatéral de la guerre pour vivre. Il se dit que peut-être l’inquiétude est une bonne chose, que peut-être l’inquiétude le protège du plus instable, du plus malade, du plus fou à l’intérieur de lui. Il se dit qu’avec le temps, peut-être, il parviendra à oublier l’inquiétude. Il se dit qu’avec le temps, peut-être, l’idée d’un danger disparaîtra. Il se dit parfois que si l’idée d’un danger disparaît, l’inquiétude s’éteindra.
L’homme imprévisible me tient en son pouvoir. Il m’écarte de ma route. Je dépends de son bon vouloir. Il me ballote, il sape ma confiance en un éclair. Contrairement à l’homme inépuisable qui court autour de moi, l’homme imprévisible n’a pas de corps propre. Il s’incarne en n’importe qui, n’importe quand. J’éprouve toutes les difficultés du monde à y faire face. Je ne saurais l’affronter. Je cherche plutôt à l’éviter, sans jamais y parvenir vraiment.
Qui a inventé le mot posséder ? Dans quelle imagination ce mot a-t-il connu sa gestation ? Il n’y a pas dans mon vocabulaire d’angoisses, de construction possible autour de ce verbe, il n’y a pas d’à moi, mon vide reste à combler. Posséder, ça s’écrit sur le papier. Ça se signe. Mais non, mon nom ne s’inscrit pas au bas de la page. Je le vois au bas du contrat, certes, mais il ne s’inscrit pas dans la réalité de l’espace m’appartenant. Comment le pourrait-il ? Comment l’espace de ma chambre, suspendu cinq mètres au-dessus du sol pourrait-il m’appartenir soudain, en toute exclusivité, après les millénaires, les saisons et les générations, comment une simple signature au bas d’un contrat pourrait-elle soudain faire de moi le destinataire ?
Le courant électrique qui parcourt les murs viendra fournir son énergie aux multiples ampoules. Tout sera clair dans ma chambre, tout le monde sera content et ainsi, je dissimulerai le futur possible et sa fin prévue.
Je suis un homme, j’efface les traces.
Mieux vaut travailler que ne rien faire. Mieux vaut s’affairer au milieu des autres que se ronger seul.
Teaser de l'émission "Dans le Texte" présentée par Judith Bernard, sur le site Hors-Série. Invité : Denis Lachaud, à propos de son livre "Ah ! ça ira…".
http://www.hors-serie.net/Dans-le-Texte/2016-05-14/De-la-violence-politique-id181