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Adrien Lafille (Autre)
EAN : 9791093160313
104 pages
Editions Vanloo (02/03/2021)
4.07/5   7 notes
Résumé :
Chaque matin Antoine accompagné de son chien Rotor va à la rivière. Arrivé au pont il se retourne et Violette, qui est son amour, lui fait signe depuis la porte. Un jour Rotor meurt. Le lendemain à la rivière Antoine se retourne et Violette ne fait pas signe. Il comprend qu'elle s'était toujours adressée au chien. Alors il part.
Ensuite Violette attend Antoine. Quand arrive Lucie elles sont deux. Elles décident de vivre une attente pure. Sans cet être dont l'... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Implacable, extraordinaire, « Milieu » est un phénomène éditorial. Serré comme un café fort, magistral, on ne peut achever « Milieu » sans la certitude de le relire encore et encore tant les degrés pourvoient à la haute intelligence. Vous avez tout : les cartes en main pour apprendre un langage venu des profondeurs intrinsèques. Reste le mot, l'alphabet épuré, une écriture signifiante. Un avant-gardisme de renom, atypique, un pas de côté libre, immensément libre. Voyez ces 108 pages incontournables et chanceuses pour le lecteur (trice).Le récit se juxtapose dans ce style original. Malgré l'histoire tourmentée, n'ayez aucune crainte. Ici, c'est le poli d'une littérature qui se donne sans attente de retour, digne et humble. Écoutez l'histoire :
« A partir du village, c'était pareil, impossible de partir, les villageois ont dit à Antoine que c'était un risque trop grand sans pouvoir lui expliquer quoi que ce soit… Voilà pourquoi Violette et Antoine avaient construit à l'écart du village pour ne pas y être coincés. »
Violette en Antoine vivent ensemble. Assignés au cynisme tel Diogène, le spartiate est leur loi. L'habitus au centre de la terre sans limite. Un noyau dans le monde plein des autres. Dans ce hors temps, sans espace, ni lieu, leurs regards percent les montagnes voisines, la forêt interdite, le pont qui tremble. Métaphysique, le récit se teinte d'une intériorité hors norme. Antoine va partir. Quitter Violette. le signe oublié, message parabolique. Dans un rythme pavlovien le récit semble un cercle labyrinthique. Un fil rouge infini, l'échappée vers ce qui surpasse le regard. On est transis sous le choc de la trame intense. Violette attend le retour d'Antoine. Chaque moment fait voler la poussière, dérange la normalité. L'attente est le plein vertueux de ce livre. Pas de dépendance, mais la juxtaposition du langage sur l'effacement de l'ordinaire.
« Lorsqu'on pense on ne peut pas attendre et voilà tout le problème. » « Attendre, c'est attendre et rien d'autre. »
Arrive Lucie.
« « Lucie ne savait pas d'où elle venait et qu'on trouvait ça étrange qu'elle habite avec Violette. Elles n'avaient rien expliqué de leur attente à qui que ce soit, pour quoi faire ? » « A partir de maintenant, les paroles extérieures nous glisseront dessus et c'est tout. »
« Milieu » dévore l'histoire. Ici, résiste ce magnétisme, l'arrêt des conditionnements extérieurs. Plus d'horloge, l'attente sacrée d'Antoine qui coule dans les veines. Vivre à attendre. La conjugaison des corps confondus dans cette rectitude. Ce milieu où le choix refuse la quête invincible. Attendre, cette virginale apothéose d'un enracinement existentialiste, message subliminale. « Milieu » est érudit. Un livre sans hasard, initiatique. Adrien Lafille est digne d'un génie évident.
« Violette a encore demandé à Lucie d'où elle venait en disant où. Lucie a montré les montagnes. »
Conte macrocosme et désigné comme garant des maîtrises intérieures.Le langage n'est plus. C'est la désignation de la pureté qui est le point à suivre. A dépasser à l'instar du chant de la parole avant sa chute ultime. Cette histoire n'est pas. Elle est gémellaire aux volontés, ressac et transmutation. L'alphabet muet, l'attente divine car miraculée à lames d'épreuves. Violette et Lucie, siamoises et lianes, bien au-delà de « Milieu » ce livre est la différence. Oublier jusqu'au prénom d'Antoine, pousser le vent de la main, risquer sa mort spirituelle jusqu'à en perdre la raison. Plus que tout « Milieu » est un allié. Beau à pleurer.
« Dans l'attende pure il y a des actions pures, elles arrivent et on ne peut rien y faire. »
Si : LIRE « MILIEU » !
Publié par les majeures Éditions Van-Loo.



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Une formidable et cruelle expérience poétique, un exercice discret et brutal de linguistique appliquée pour explorer le sens des mots et des vies. Dans la petite maison près du pont.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2021/06/30/note-de-lecture-milieu-adrien-lafille/

Un lieu également éloigné de toutes les extrémités, une position située entre d'autres, une indétermination entre deux décisions ou possibilités opposées, un environnement (naturel ou artificiel), un groupe de personnes partageant une activité ou des intérêts communs, une mafia même (comme le souligne joliment L'Espadon sur son blog, ici) : un milieu est tout cela, et « Milieu » pourrait l'être également.

Publié aux éditions Vanloo en mars 2021, le premier roman d'Adrien Lafille, commençant à l'exact mi-chemin du conte et du récit réaliste, avec un demi-deuil domestique et un départ seulement à moitié inattendu, place avec un soin extrême les jalons physiques (maison, petit pont, village) et les grandes étendues (forêt, montagne) d'un environnement matériel oscillant joliment entre le très concret et le générique. de ce décor, puis des deux personnages sommés de l'habiter, décor pouvant convenir sans doute aussi bien à un inquiétant remake à petite échelle des « Saisons » de Maurice Pons qu'à une expérience basique d'intelligence artificielle des années 1960-1970 (une émulation locale du « Simulacron 3 » de Daniel F.Galouye pourrait se dissimuler aisément dans quelques plis de cette carte), l'auteur extrait, en une langue étrange, inscrite dans l'ordre du froid constat comme dans celui de la boucle cybernétique au feedback imparfait, plutôt que la tentative d'épuisement d'un lieu, la volonté de circonscrire un mot – par tous les moyens techniques et narratifs disponibles.

Oui, ce « Milieu » a de quoi savamment dérouter, sous son extrême simplicité apparente et ses à peine 100 pages. Autant fable qu'expérimentation biologique et chimique, cette exploration patiente et presque exhaustive des possibilités signifiantes d'un mot équivoque soumis à de méthodiques variations de ses paramètres extérieurs, traquant ce qui rend indépassable un horizon à l'intérieur de vies simulées, de relations humaines réduites à leurs interactions les plus fondamentales (et rendues progressivement à la fin de partie et à la vie nue, comme une étude de cas où auraient été consultés conjointement Samuel Beckett et Giorgio Agamben), lorsque les êtres se dépouillent peu à peu de tout, du langage comme du mouvement, pour se réduire à une impossible essence secrète et brute. Et c'est en inventant la langue qui permet une telle expérience, cruelle et poétique sans en endosser officiellement le nom, que la littérature nous enchante, et qu'Adrien Lafille s'inscrit d'emblée en caractères de feu sombre sur nos tablettes.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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Expérience littéraire inédite et inouïe, Milieu nous propose une plongée littéraire radicale. Une centaine de pages pour signifier l'attente pure, voilà le pari de Adrien Lafille. Mon entrée dans le catalogue des éditions Vanloo s'est faite avec panache tant ce roman m'a étonnée et réjouit. Dire que ce livre est singulier est presque un euphémisme.

Violette et Antoine s'aiment et vivent ensemble à l'écart du village avec leur chien Rotor. Chaque matin Antoine va à la rivière avec Rotor. Il fait signe à Violette qui de sa fenêtre lui répond toujours. Un jour Rotor meurt. le lendemain, Violette ne répond pas au signe d'Antoine. Il se rend alors compte qu'elle faisait signe au chien et non à lui. Il décide de partir. Violette se met à attendre Antoine. Elle est rejointe par Lucie dans son attente. Pour lutter contre la douleur de l'absence et de l'attente, commence un processus d'effacement de la langue et des émotions.

Dans un espace isolé, cerné de montagne et de forêt, les protagonistes évoluent de manière routinière. L'univers du roman est restreint à ce que les personnages connaissent. Ils écoutent les injonctions et les peurs des villageois. Ils sont isolés et regardent avec crainte les montagnes et la forêt dont personne ne revient jamais. L'environnement de deux jeunes femmes induit des comportements répétitifs et favorise l'effacement de tout rêve. le lecteur évolue de cet univers étroit et pesant, dans ce paysage qui semble immuable et sans surprise.

A mesure que l'attente de deux femmes avancent, l'effacement des émotions et des mots s'accentue. Elles réduisent leur vie et leurs actes au strict minimum. Seul ce qui est absolument nécessaire est accepté. de la même manière, l'auteur nous propose un récit épuré seulement centré sur l'action. Pas de place pour la psychologie, l'introspection ou la description de l'environnement. Tant sur le fond que sur la forme nous sommes dérouté et confronté à une expérience ultime de littérature.

J'ai aimé perdre mes repères, plonger dans cet univers à la fois décalé et sérieux. J'ai ressenti l'attente pure, frémi sous la colère aveugle et lu sans attente précise. L'importance est donnée à la langue, à la manière dont elle devient récit. le travail sur l'écriture est puissant et évolué au fil du temps. le langage des deux héroïnes s'épurent pour disparaître presque totalement. Les mots deviennent inutiles, dispensables. L'auteur semble presque se retenir d'écrire. Il hésite, semble ne pas savoir grand-chose de ses personnages et se questionne même parfois sur ce qu'il pourrait bien dire.

Roman comme nul autre, Milieu ne ressemble à rien que vous auriez pu lire. En nous proposant une expérience littéraire unique, il redonne du souffle et de l'élan aux lecteurs éreintés par tant de livres similaires. A tenter !
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Violette est sortie un matin pour prendre des œufs dans le poulailler, elle est tombée sur une femme qui cherchait un endroit pour attendre et qui a demandé si elle pouvait le faire ici. Violette a dit d’accord parce qu’Antoine était parti depuis deux ans et qu’elle trouvait ça difficile d’attendre toute seule sans Antoine et sans Rotor. Cette femme s’appelait Lucie et elle a tout de suite demandé quelle sorte de poisson il y avait dans la rivière parce qu’elle ne savait pas qu’il n’y en avait pas. Violette a répondu qu’il fallait faire attention car il y avait un renard et que son chien Rotor était mort à cause de lui et qu’Antoine n’était plus là. Lucie a demandé qui est Antoine et Violette a répondu que c’est son amour et qu’il est parti. Lucie a dit que tout ça était triste et Violette a dit ça aussi.

Maintenant elles vivaient ensemble, ça s’est fait comme un éclair. Violette aimait bien Lucie mais elle lui a dit qu’elle n’avait qu’un seul lit. Lucie a répondu qu’elle pouvait dormir dedans avec elle alors Violette a dit qu’elle voulait bien mais elle a prévenu Lucie qu’il faudra penser à regarder l’heure parce qu’une fois ils n’ont pas pu sortir du lit avec Antoine à cause de l’obscurité. Lucie a répondu d’accord et Violette lui a demandé de ne plus jamais parler de ça et Lucie a encore répondu d’accord.

Lucie a dit qu’elle était venue ici pour attendre et Violette comprenait mais elle n’avait pas compris ce qu’elle voulait attendre et pour combien de temps. Elle lui a demandé mais cette question a mis Lucie en colère. Voilà le genre de choses qu’elle a crié à Violette : on ne doit pas cher- cher quoi attendre, il faut attendre et rien d’autre, tout le monde doit attendre. Alors Violette a dit qu’elle attendait aussi, qu’elle attendait les poissons. Et Lucie a encore crié qu’elle attendait quelque chose et que ça n’allait pas, parce qu’un poisson c’est quelque chose, et qu’elle n’avait rien compris si elle attendait les poissons. Violette supportait très bien qu’on lui crie voire qu’on lui hurle dessus, grâce à Lucie elle a compris ça : qu’elle allait retourner vers la rivière, elle n’y était pas allée depuis le départ d’Antoine parce qu’elle avait peur de se tromper sans lui, peur de penser qu’il y avait des poissons alors qu’il n’y en avait pas ou l’inverse. Comment on peut se tromper sur le sujet ? Impossible à dire.

Violette s’est dit que c’était ça qu’elle cherchait, attendre tout juste, elle appellera ça l’attente pure. Donc elle a décidé de retourner vers la rivière tout en se fichant des poissons. Elle l’a dit à Lucie et alors Lucie a tout de suite arrêté les cris, et elle s’est sentie mal de s’être emportée et ce genre de mal-être n’est pas facile à supporter. Elle s’en voulait d’avoir crié maintenant que Violette avait compris. Pourquoi Lucie avait crié sans attendre que Violette comprenne, elle qui attendait tant ? Elle n’a pas pu l’expliquer ni faire une simple hypothèse.

Elles étaient d’accord de toute façon, il s’agissait de viser l’attente pure et c’est ce qu’elles feraient ensemble.

Lucie a dit qu’elles verraient bien, qu’il arriverait peut-être quelque chose et elle a ajouté que si elles s’agitaient elles rateraient cette chose et qu’après ce serait foutu. Elles devaient être certaines qu’il s’était passé quelque chose ou qu’il ne s’était rien passé. Lucie a dit encore ceci à Violette : on peut attendre une chose inconnue, parce qu’il y aurait bien une chose à un moment donné et ce serait ridicule de penser le contraire, mais on ne doit pas essayer de prévoir cette chose, c’est interdit alors il faut respecter l’interdiction, c’était interdit et impossible. Attendre il s’agissait de le faire en étant sur ses gardes.
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Elle lui a toujours fait signe de la main lorsqu’il sortait de la maison et ce matin rien. Ce qu’il avait compris c’était ça : pars et ne reviens jamais.

Chez eux c’est seulement chez elle maintenant, ce n’est pas loin d’une rivière on peut dire ça, on peut aussi dire qu’il n’y a jamais eu aucun poisson dans cette rivière. Un jour quelqu’un du village leur a demandé des détails à ce sujet alors ils ont répondu qu’ils attendaient les poissons et qu’ils ne pouvaient rien faire d’autre. Ils pensaient que chercher les poissons ailleurs c’était malhonnête, que ce ne seraient pas les bons poissons mais on ne sait pas bien pourquoi et c’est comme ça.

Il allait tous les matins vers la rivière pour deux raisons. Pour savoir si des poissons s’y trouvaient enfin, c’était la première raison. La deuxième : vérifier que le pont était toujours là, un petit pont en bois qu’il n’avait jamais traversé mais il valait mieux qu’il soit là parce qu’on ne savait jamais. Il avait toujours dit comme ça : heureusement qu’il y a un pont. Après il revenait vers la maison pour dire ce qu’il avait vu et c’était toujours la même chose, il n’y avait aucun poisson et le pont était encore là. Ça les rassurait de savoir ces choses-là mais ils se disaient aussi que le pont était en bois et qu’il allait s’effondrer un jour à cause de sa nature de pont en bois et voilà qu’ils n’étaient plus rassurés du tout.

C’est Antoine qui est parti ce matin, Violette est l’amour d’Antoine. Violette a toujours dit d’Antoine que c’est son amour. Il a toujours dit la même chose d’elle. Ils continueront à le dire malgré le départ parce que ça ne pouvait pas changer.

Maintenant il faut dire ceci : ils étaient tous les deux tristes ce matin parce que leur chien est mort hier. Ce chien c’était un grand lévrier et il s’appelait Rotor. Un renard a voulu manger une poule du poulailler d’Antoine et Violette il y a dix jours, Rotor a essayé de l’en empêcher mais aucun lévrier ne sait se battre on le sait très bien. Le renard a blessé Rotor à la patte avant gauche et la blessure s’est infectée alors Rotor a attendu de mourir et Antoine et Violette ont attendu aussi. Ils ont construit un radeau pour Rotor et puis ils l’ont déposé sur la rivière avec des fleurs mais la suite on ne savait pas. C’était un bon chien, voilà ce qu’on pouvait dire de Rotor. En tout cas Antoine avait compris ça : elle ne lui a jamais fait signe le matin, elle faisait signe à Rotor lorsqu’il allait vers la rivière avec lui et qu’elle les attendait près de la maison. En comprenant ça il ne pouvait que partir c’est certain.

Violette savait qu’elle était toute seule maintenant, elle le savait parce qu’il revenait toujours de la rivière à onze heures et il était déjà seize heures, il ne reviendrait pas.
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Dans l'attente pure il y a des actions pures, elles arrivent et on ne peut rien y faire.
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Video de Adrien Lafille (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Adrien Lafille
Adrien Lafille vous présente son ouvrage "La transparence" aux éditions Vanloo. Rentrée littéraire automne 2022.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2662679/adrien-lafille-la-transparence
Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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