Retour à la citadelle est une pièce courte et sèche. le nouveau Gouverneur est là. Sa famille, père, mère, soeur sont là pour l'accueillir, un ami aussi. Les autres l'ancien Gouverneur et sa femme, font leur adieux. Et l'Intendant est le passage entre l'ancien et le nouveau. Disons que c'est la figure neutre de cette histoire. Ne connaissant pas le Nouveau Gouverneur et "son passé" dans cette ville. Cette cité qui si l'on en croit l'ancien Gouverneur et sa femme ressemblait à un trou à rat quand ils sont arrivés. Est-ce pour cela que le nouveau Gouverneur, enfant du pays est parti ? Est-ce pour fuir ce morne pays ? cette famille ? là, je pense à Jan dans le "Malentendu" de Camus qui a fuit lui aussi une famille et un pays mortifères. Mais la comparaison s'arrête là. Dans la pièce de
Jean-Luc Lagarce on ne sait pas très bien pourquoi cet homme est parti. Peut-être par dépit, par défi, pour faire parler de lui, pour se faire regretter, pleurer, par sa famille (il le dit lui-même, mais il dit aussi beaucoup d'autres choses en peu d'interventions et on ne l'écoute pas vraiment) par goût de l'aventure, pour réaliser ses rêves. Il revient là, à son point de départ comme il dit "la boucle est bouclée" et comment cela aurait pu finir autrement ? le destin ? L'absurdité de la vie ? le père est muet, la mère essaie de se rassurer sur le retour de ce fils incompréhensible, la soeur est remplie de griefs. D'ailleurs personne n'est sincèrement enthousiaste de ce retour. La pièce s'ouvre sur la soeur. Elle le croyait mort et ma foi, cela allait de soi,de le croire mort. L'ami est là, il cherche à se faire vainement reconnaître comme seul ami d'enfance mais craint que sa présence soit perçue comme opportuniste. L'intendant qui n'a pas connu le nouveau Gouverneur "avant", qui ne connaît pas sa mauvaise réputation, qui a entendu "les rumeurs", l'intendant qui fait son discours de bienvenue, interminable, mais il parle surtout de lui, de sa valeur à lui et ses griefs contre cette ville qui ne lui a rien offert, en définitive, malgré son dévouement. L'ancien gouvernement et sa femme, se jettent des fleurs tout le long de la pièce. C'est un dialogue de sourd. C'est une pièce sur la rancoeur, l'amertume, le pouvoir, la reconnaissance et l'envie. le nouveau gouverneur semble absent à sa famille, aux autres et à lui-même, malgré ses explications "il était loin, ses lettres se sont perdues en route, etc..." malgré une "joie" d'être parmi les siens, tout sonne creux, vide. D'ailleurs sa soeur se pose la question : est-il sincère ? Il revient non comme un conquérant ou comme un homme qui veut prendre une revanche, il revient comme une sorte de fantôme fataliste venant hanter les lieux qui l'ont vu grandir. Aucun lyrisme chez Lagarce, C'est une plume sèche, satirique aussi, mais teintée d'émotion, de non-dits et aussi d'un malicieux désenchantement.