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EAN : 9782359700749
247 pages
Le beau jardin (05/05/2023)
3.88/5   13 notes
Résumé :
«J'étais le veilleur. Celui qui veillait, ou était censé veiller, sur Raya. Pendant cinq jours. Pas un de plus. Il fallait rentrer à l'heure dite à la clinique. Aucun retard, quelle qu'en soit l'excuse, ne serait toléré.» Pour cette première sortie depuis tellement longtemps, il emmène Raya à Ostende. Goûter au vent de la mer, de la liberté retrouvée. Il va y en avoir, des choses à rattraper. Retrouver la parole. La proximité. L'intimité. Apprendre, aussi, que le mo... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
« Il faudra être vigilant » a averti le médecin. Alors, c'est avec la sensation de « bombes invisibles » les attendant « à chaque coin de rue, à chaque coin de pensée », ne sachant trop à quoi s'attendre sinon à n'avoir « plus droit à l'erreur », que le narrateur Thomas Noble emmène son épouse pour sa première autorisation de sortie depuis son hospitalisation en établissement psychiatrique. Plutôt que leur domicile bruxellois, où l'on devine que c'est là qu'eut lieu l'ultime crise, violente, probablement dépressive, qui fit exploser leur vie, l'homme a choisi de passer ces cinq jours de retrouvailles à Ostende, où doivent précisément se dérouler le Carnaval et le Bal du Rat Mort, une trêve symboliquement placée sous les auspices de la fraternité et de la bonté.


Mais, en fait d'exorciser leur malaise, le climat ambiant d'insouciance joyeuse de la ville balnéaire ne soulignera-t-il pas plus cruellement encore le tragique de leur situation ? Alors que l'un et l'autre s'évertuent tant bien que mal à se montrer naturels et enjoués dans leur rôle, l'angoisse les étreint et les paralyse, lui d'ailleurs plus encore qui devrait pourtant s'avérer le plus solide des deux. Il s'agit chez lui d'un sentiment diffus et d'autant plus pernicieux, mêlant à des bouffées de « frayeur subite et sans fondement » une sensation d'impuissance honteuse et coupable. Coupable des mauvaises nouvelles - la perte de son travail, la mort d'un ami, ses errances et trahisons amoureuses - que, dans sa fragilité à elle, il ne se sent pas de lui annoncer, mais que, dans sa maladresse à lui mentir, alors qu'à fleur de peau elle devine et pressent tout, il finit par lâcher un peu à tort et à travers. Coupable, peut-être, comme dans le cas de cet ami en réalité suicidé, de quelque responsabilité – que n'a-t-il dit, fait ou pas fait, manqué ou provoqué, qui ait pu contribuer au désespoir de deux de ses proches ? Coupable enfin de sa honte et de ses difficultés face à cette maladie, de sa peur alors que sa femme et sa vie lui échappent désormais, de son malaise en société quand il faut assumer le regard d'autrui.


En réalité, la maladie psychiatrique de son épouse a transformé la vie du narrateur en champ de mines. Tout est devenu imprévisiblement dangereux et explosif, et tandis que le monde poursuit sa course – « cette vie qui éclatait partout » –, lui se sent à ce point dépossédé qu'il pense à qui il était avant comme à un autre, « cet homme qui lui ressemblait ». Déstabilisé et incertain, voulant bien faire mais ne sachant s'y prendre, il en vient à paraître encore plus déséquilibré que sa moitié, pour sa part sagement résignée à son protocole médical et réussissant aussi dignement que bravement à faire face à toutes les embûches de ces cinq jours. Et finalement, c'est grâce à son calme à elle, alors qu'elle se montre souriante et aimante, pressée de parler à son fils envolé outre-Atlantique, rassurée de se sentir utile lorsqu'il lui arrive même de remonter le moral d'un couple d'amis, qu'en dépit des maladresses et des faux-fuyants, cette parenthèse de tous les doutes prend le virage de la tendresse. Ces deux-là s'aiment toujours, et si leur avenir reste pavé d'incertitudes et d'interrogations, au moins ce séjour les aura-t-il rassurés sur ce plan.


Avec un art consommé de la suggestion, Michel Lambert use de mille détails, comme l'état changeant du ciel du nord semblant refléter tout au long de la narration les émotions des personnages, l'ambiance carnavalesque évoquant jeux de masques et faux-semblants, le tableau de couverture mais aussi celui dont le narrateur ne parvient pas à décider s'il veut le garder ou le vendre, ce chapeau qui ne cesse de se perdre ou cette maison rose inaccessible depuis la plage, pour souligner sans les dire la souffrance des personnages, leurs fêlures et leurs ambiguïtés, leur sentiment de perte et d'impuissance, leurs doutes et leurs contradictions. Alors, plongé dans leur vie le seul temps de ce bref intermède, ne pouvant que conjecturer, et leur passé, et leur avenir, sur la base d'indices ouvrant toutes les questions, c'est un peu de leur égarement et de leur vacillement face à cette maladie aux contours impalpables dont le lecteur se sent à son tour envahi.


Un livre qui vous taraude longtemps, entre ambiguïtés de ses personnages, souffrance et désarroi face à la maladie mentale et, au final, persistance des sentiments chez ce couple naufragé. A l'image du tableau d'Edward Hopper figurant en couverture et ouvrant si largement le champ de ses interprétations possibles, de l'isolement, l'anxiété et la solitude, à l'introspection, la respiration et la sérénité, les pages de ce roman ne cesseront de vous suggérer mille lectures et perceptions différentes, aussi changeantes et nuancées que le ciel d'Ostende.


Un grand merci @Denis3 de me l'avoir conseillé.

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Tangue le bateau
ET
vogue la galère.


Deux couples,bien mal- en- point . Dans chaque couple, une personne, elle-même bringuebalante, qui essaye de remonter son ou sa partenaire.
Mais pendant que l'histoire évolue, les rôles en font autant.

Thomas et Raya, personnages principaux. Lui, homme assez faible, indécis, assez bonnasse, plutôt généreux. Naïf aussi. Un brave type, sans qu'il y ait grand chose à rajouter au chapitre des qualités. Il y a longtemps, il a épousé Raya, fille de bonne famille, qu'il avait, sans trop y penser, rendue enceinte. Les parents de Raya, reconnaissants, ont doté le couple d'une maison de campagne et d'un capital permettant à Thomas de devenir associé dans une affaire de fret maritime. Ils avaient oublié de préciser que Raya souffrait d'une hypersensibilité aiguë, qu'elle avait des mouvements d'humeur extrêmes, incontrôlables et fréquents. Comme la plupart des problèmes mentaux non traités, ceux-ci ont empiré avec l'âge. Il y a quelques semaines, Raya a été hospitalisée en service psychiatrique dans un état chaotique. Maintenant, les psychiatres estiment qu'elle est en mesure d'assumer une sorte de permission : cinq jours de vacances avec son mari. Il l'emmène en voiture à Ostende, leur ancien lieu de villégiature, où il lui a reservé quelques surprises qu'on espère bonnes.

A Ostende, Olga a une relation avec Franck. On ne sait trop de quoi elle vit. Franck, pilote de jets privés et, quand il ne vole pas, véritable entonnoir à whisky. Par peur de s'ennuyer, de se poser des questions quand il s'ennuie, dit-il. Olga a son studio et Franck vit à l'hôtel.

Le roman est l'histoire de ces cinq jours, où Thomas essaye de reprendre le contact avec sa femme, de lui redonner le goût de vivre, de reprendre le fil de leur vie en commun. Il y a des approches, des bévues, des rires,des cris et des larmes. Peut-être que le thème du Bal du Rat Mort, célèbre bal masqué du Mardi-Gras associé à Ostende, est le fil conducteur de cette histoire. Tout le monde est masqué, tous essayent de s'amuser ou font semblant, il y a de l'alcool, de la musique, des danses et on claque de l'argent comme si demain commençait le carême. Mais au fil des jours, les masques tombent: Thomas et Raya se parlent. Beaucoup moins Franck et Olga.
Et la bonté dans tout ça ? Il s'agit de gens vulnérables, déjà sérieusement abîmés. Leurs vies ont été cousues d'héritages insoupçonnés ( la présumée bipolarité de Raya), ils sont passés par des décennies de disputes, ils sont désorientés, certains, comme Franck, boivent pour ne pas penser, d'autres, comme Olga, sont des immigrés qui vivent comme ils peuvent. Où est la bonté dans cette histoire si noire ? Elle est disséminée. Dans l'amour qu'éprouve , malgré tout, ce ballot de Thomas pour Raya. Dans le courage dont Raya témoigne en assumant le traitement qui l'attend à son retour. La dévotion d'Olga pour un type qui est toujours bourré. Type qui, d'ailleurs, passe une nuit à écouter les malheurs de Thomas. Des pauvres gens, tous plus ou moins brisés, qui essayent de s'épauler mutuellement, comme une troupe ivre qui vire de gauche à droite sur la route. C'est là que se trouve la beauté dans ce récit ; une beauté éparse, précieuse, peu spectaculaire. La beauté des petits gestes.





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« Cinq jours de bonté », irradiant, magnétique, riche d'émotions, ce livre est un battement de coeur.
Le relationnel mise son atout. Cinq jours pour que tout change et pour que le flottement des aiguilles se meurent sur la pendule.
Livre d'amour inestimable, d'une maturité inouïe, patient, obstiné, d'un calme olympien. La porte s'ouvre subrepticement sur un récit socle, profondément humain. Faire dire aux mots ce qui ne se murmure jamais. Cinq jours cruciaux pour que la rédemption advienne. C'est dire l'alliage de ce livre et sa portée immense.
C'est un hymne sentimental. Un havre où deux êtres vont communier au retour. « Cinq jours de bonté » (mais que ce titre est beau!) qui arrime la force des épreuves à vaincre. Renaître tel le Phénix.
Ce serait donc l'heure une de la marée-basse. le commencement de la chance, la lumière noire et son contraire. La majuscule de ce récit , celle de la réalité. « L'homme qui me ressemblait avait été heureux à une certaine époque de sa vie, vraiment heureux… Ce qui était cassé était cassé. Il devait se faire une raison, d'autant qu'il était un piètre bricoleur. On ne lui avait pas appris. Il pleurait souvent ».
La traversée du miroir. le double cornélien de Thomas, le narrateur. L'histoire efface ses secrets. Résurgence, l'heure tourne et les jours sont perfectibles.
Thomas et Raya vivent ensemble. Jusqu'au jour où Raya est hospitalisée en psychiatrie. Thomas se rend à la clinique. Puisqu'il est l'heure. le Dr Bernier a autorisé Raya à franchir le dehors, l'avant. Cinq jours de confrontation pour réapprendre la gestuelle quotidienne.
Refouler l'antre, s'émouvoir d'une immobilité mensongère. La concorde sera pour demain. Dans ce temps présent, rassembler l'épars. Chercher les points sensibles et se risquer au contre-jour. Thomas est un homme tout aussi fragile. Tourmenté, en perte d'emploi et de sens, il est son propre anti-héros. Les non-dits comme des chapes de plomb sur sa conscience. Il doit mettre son masque. le dilemme, le paradoxe, la sincérité comme le bas qui blesse. Les faux-semblants comme du lait qui déborde, devenu trop brûlant.
« Cinq jours de bonté », de tendresse, de fiançailles apeurées. Apprendre à se méfier à l'instar de Prosper Mérimée. Il a promis, l'attention, le soin, la prise de médicaments ponctuelle. Raya est-elle vraiment la plus malade ? Les psychologies vives, les sociologies d'un habitus mis à rude épreuve. Cinq jours pour changer la donne, cinq jours pour que la bulle éclate. Cinq jours d'initiation à la vie. Ils vont partir à Ostende. Un périple où le paysage sera pavlovien, le changement de décorum comme un outil. Bousculer le passé, les remords, les fausses pistes, les infidélités, et le manque du fils, si loin si loin.
« Chacun d'entre nous a besoin d'un témoin de sa vie, Franck, ce jour-là, jusque tard dans la nuit a été le témoin de la mienne ». L'exutoire crépusculaire, la parole salvatrice, le bréviaire du repentir. Ostende et son labyrinthe et les méandres des vies qui vont avouer. Ouvrir l'armoire des jours et jeter les habits mités. Bien au-delà de cet amour singulier, écorché vif, ce livre est vivifiant et la preuve des possibles. Tous, vont revenir vivants, (peut-être). L'obsession cardinale des infinies douleurs. Mais, ici, rayonne le pouvoir d'une trame annonciatrice. « J'étais le veilleur. Celui qui veillait, ou était censé veiller sur Raya ». Cinq jours pour lâcher prise avec l'adversité. « Cinq jours de bonté » de volupté, de grâce virginale.
Michel Lambert est doué, très. Auteur aux nombreux livres reconnus et souvent primés, ici, c'est une mise en abîme conjugale et ce serait comme une démonstration rimbaldienne des drames de l'amour. Ce livre excelle de magnanimité, d'approche et d'une formidable intuition de l'âme humaine. Prodigieux. Publié par les majeures Éditions l'Herbier & le Beau Jardin . En lice pour le prix Hors Concours 2023 des éditions indépendantes.
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Voilà un roman où, d'une certaine manière, il ne se passe pas grand-chose : un homme va passer cinq jours à Ostende avec sa femme, internée dans une clinique psychiatrique dont le directeur, le docteur Bernier, va le hanter pendant tout le séjour, sorte de figure tutélaire qui jugera de la réussite ou non de ces courtes vacances. On est au début de mars, Ostende se prépare au traditionnel Bal du Rat mort. le premier jour, l'angoisse règne dans la voiture, le voyage de Bruxelles à la côte va durer toute la journée. Arrivés dans leur hôtel de prédilection, la relation se renoue difficilement.

Le lecteur va découvrir un homme, Thomas, dont la tête déborde de préoccupations : renouer avec sa femme, vendre un petit tableau (un Poliakoff) pour renflouer ses finances vacillantes, donner des nouvelles de leurs amis à Raya, rompre par téléphone (et en direct) avec sa maîtresse, perdre et retrouver son chapeau… tout cela pouvant être en mode « ou pas… » Ses nuits sont agitées et occupées par des promenades dans la ville, des conversations dans une autre chambre d'hôtel avec un ami alcoolique. Quant à Raya, elle reprend pied dans la vie « normale » et même si elle ne paraît pas très sympathique – un peu plus que lui quand même -, on la plaint de reprendre vie dans ces circonstances.

Michel Lambert, surtout auteur de nouvelles, a l'art de jouer avec les non-dits, il jongle avec les ombres du passé et du présent. J'ai beaucoup aimé ses courtes descriptions de l'état du ciel et de la météo, qui accompagnent le flux et le reflux de cette vie de « couple ». Pour être honnête, c'est Thomas qui aurait sans doute besoin d'être soigné, plus que sa femme, qui semble avoir appris à vivre avec sa dépression. Si le premier jour m'a paru un peu invraisemblable, j'ai, je ne sais trop comment, été ferrée par ce récit fluide qui décortique si bien les aléas de ce couple dans une ville à la fois indifférente à leur souffrance et semblable à leurs ombres et lumières.

Le tableau de Hopper choisi pour la couverture est très parlant. Quant au titre, il nous interpelle sur le sens réel de la bonté !
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Que reste-t-il de nous, quand les vicissitudes de la vie nous ont malmené ? Que devient notre mental, si fragile parfois ? On peut essayer de se conduire de diverses manières dans l'espoir qu'une convienne pour s'en sortir. Même si ça implique que ça aille dans tous les sens, et quitte à passer pour quelqu'un d'instable ou de versatile. Se chercher dans la multitude - ou dans la solitude - se confronter à notre part sombre, l'embrasser par dépit, s'en détourner pour retrouver le droit chemin, recommencer jusqu'à ne plus savoir qui on est tout en espérant un jour se trouver.

Ces errances qui ponctuent parfois les chemins de vie sont souvent propices à des impasses émotionnelles. Bien malin celui qui trouvera la porte de sortie ! Thomas et Raya en savent quelque chose. Alors que Raya a une permission de sortie de clinique de cinq jours, Thomas, perdu lui aussi dans un quotidien englué de soucis, peine à trouver la bonne attitude pour accueillir sa femme et lui offrir "cinq jours de bonté ". Cinq jours nécessaires pour redonner de l'élan à sa femme et à leur couple, et redonner l'espoir d'une guérison pour ce mal être diffus et pernicieux. Cinq jours sonnant comme un couperet mais aussi cinq jours comme une nouvelle chance de réécrire sa vie.

Être en paix avec soi-même, être en empathie avec l'autre, trouver la voie donnant sur l'espoir. On croque ici quelques jours de cette recherche existentielle, douloureuse, chaotique mais aussi réjouissante, offrant un panel varié d'émotions et de péripéties. C'est que trouver la bonne contenance et le comportement le plus adapté à cette situation inédite est périlleux !

Trébuchant, se vautrant même parfois, Thomas n'aura pas la vie facile. Mais l'amour toujours présent et l'envie d'y arriver vont le soutenir sur ce chemin de fugaces retrouvailles et se révéler être de redoutables leviers d'espoir de réussite.

Une tranche de comédie humaine, révélatrice de nos ambivalences, et de la difficulté d'être dans le creux de la vague, de tenir bon pour ne pas s'éparpiller.

Un roman parfois mystérieux comme peut l'être l'âme humaine, mais un roman qui accepte l'être humain avec toutes ses failles, sans hypocrisie, et avec l'honnêteté de tirer des leçons de ses erreurs. de quoi faire méditer sur la folie qui semble nous guetter parfois, et adoucir le regard que l'on porte sur nous-même, pour nous apporter un peu d'indulgence. Bonne lecture !



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critiques presse (2)
LaLibreBelgique
10 juillet 2023
Entre bonté et égoïsme, Michel Lambert interroge les ambiguïtés de l’âme humaine.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
LeSoir
26 juin 2023
C'est l’histoire d’un homme hésitant, qui tente « Cinq jours de bonté » pour redonner à sa femme le goût de la vie. Le roman de Michel Lambert est intime, profond, mystérieux et superbement écrit.
Lire la critique sur le site : LeSoir
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Je ne maîtrisais plus ma vie, c'est tout. Ces désastres accumulés, aucun maître, aucun parent ne vous apprend à y faire face. Lire, écrire, compter, oui. Dessiner. Être poli, serviable. Rouler à vélo. Plonger dans une piscine, pas de problème, mais plonger tout court, c'est une autre affaire. Là-dessus, on ferme les yeux et on se tait. Ca n'existe pas.
Bref.

(p.119)

J'étais le veilleur .
Celui qui veillait, ou était censer veiller, sur Raya. Pendant cinq jours. Pas un de plus. Il fallait rentrer à l'heure dite à la clinique. Aucun retard, quelle qu'en soit l'excuse, ne serait toléré par le docteur Bernier, à qui j'allais devoir faire un rapport détaillé, cependant que Raya serait ans doute interrogée à son tour lors de sa prochaine entrevue avec le praticien.

(p.99)

J'avais dit l'essentiel, à savoir que j'étais désormais un homme sans travail, sans beaucoup de ressources. L'exacte vérité. J'avais le sentiment de m'être mis à son niveau. Pas encore tout à fait, mais presque. Un perdant comme elle.

(p.68)
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Elle m'a dit :
--Je te hais, mais tu me manques.
Je lui ai répondu:
- Tu me manques mais je te hais.
Voilà où nous en étions. La mort de Brice avait exacerbé les sentiments, en particulier l'attirance physique. Auparavant nous n'avions pas grand'chose en commun, hormis d'être des échoués de l'amour. Maintenant, nous partagions au moins la culpabilité. Une culpabilité terrible, qui ne reposait sur rien de tangible, sinon elle-même. C'était notre secret, notre enfant monstrueux. Quand Raya a été admise à la clinique du dr. Bernier, j'ai perdu d'un coup tous mes repères. Je n'avais plus personne à aider, ni à caresser, ou qui m'aiderait, me caresserait, si bien que je n'ai pas eu la force de résister à Charlotte. A différents indices, j'avais bien compris qu'elle s'était éloignée de Brice. (...) Simplement, nous avions besoin l'un de l'autre, Ou plutôt moi d'une autre, et elle d'un autre. Alors pourquoi pas elle, pourquoi pas moi.

(p.95)
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J'ai eu envie de geuler un bon coup, au lieu de quoi l'imbécile que j'étais s'est introduit dans la file d'extrême gauche et a écrasé l'accélérateur avec rage. En très peu de temps la vitesse est devenue vertigineuse, pas loin de 200 au compteur, et bientôt plus encore. Pied au plancher, je frôlais les glissières de sécurité, parfois d'autres voitures qui protestaient par de longs coups de klaxon vengeurs. Les mains crispées sur le volant, les mâchoires serrées, j'avais la trouille au ventre. A côté de moi, Raya me suppliait en pleurant de ralentir. Je l'entendais qui poussait des hurlements de plus en plus désesperés. Mais j'étais prisonnier de cette vitesse, comme autrefois elle était prisonnière de ses crises. Subitement, j'ai levé le pied, me suis mis au point mort. La voiture a roulé sur son erre, dérivé vers la droite, d'une file à l'autre, jusqu'à la bande d'arrêt d'urgence où elle s'est arrêtée.

(pp.37-38)
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La porte à double battant au fond du couloir s'est ouverte et voilà la haute silhouette du docteur Bernier, le voilà qui marche de son pas habituel, égal, comme millimetré, et voilà son bras qui se tend, sa main qui s'ouvre, qui serre la mienne; (...)
- Vous êtes pile à l'heure, a t-il dit avec amabilité.Un vrai militaire. Ca n'a pas été trop difficile pour vous garer ?
- Non.
(...)
Ce qui était difficile, c'était de me trouver en face de lui dans ce couloir qui me faisait penser au couloir de la mort.
Ca c'était vraiment difficile.
-Il faudra être vigilant, a t-il repris. Bien veiller à ce qu'elle prenne ses médicaments. La dose exacte. Pour le reste ...
Après un silence j'ai demandé :
- Pour le reste ?
Il a répondu par un haussement d'épaules fataliste.
- Je vous fais confiance.
(p.11)
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Un matin comme celui-là, s'il avait été côté en bourse, aurait fait la fortune de tas de naïfs dans mon genre. L'homme qui me ressemblait en avait été un, de naïf. Il s'était jeté là-dedans les yeux fermés, au son de la joie propre à une époque inconsciente. Toutes ces émotions qu'il avait acheté sans discernement, à la hâte, dans une sorte d'ivresse, après avoir flambé, le temps de quelques fêtes, n'étaient plus aujourd'hui, que cendre et poussière. Il croyait avoir tout, ou presque. Il n'avait plus rien, ou presque.

(p.8)
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