Un roman policier qui se déroule dans le nord de la France et qui débute sur la découverte d'un cadavre laissé à la merci de sangliers.
Le détective Beauvillain parviendra-t-il à éclaircir les circonstances de ce meurtre? Y a-t-il un humain caché derrière cette macabre découverte ?
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La découverte du cadavre, les sangliers. Ils s’étaient quasiment tous présentés et faisaient le même récit. Tous sauf un. Plutôt une. La cavalière au cheval emballé. Absente. Clouée au lit, incapable de se lever. Son mari avait scanné un certificat médical griffonné pour l’excuser. Au téléphone il parla de choc émotionnel violent, de jaunisse.
L’adjudant Beauvillain avait les traits tirés, il avait été occupé une bonne partie de la nuit. Face au manque d’effectifs il avait été bombardé directeur d’enquête. Ben oui, pas très gradé, mauvaise tête, mais qualifié OPJ, habilité à participer aux enquêtes judiciaires. Plutôt que de rentrer chez lui à Boismont pour un demi-sommeil agité et solitaire, il avait préféré rester dormir quelques heures dans un logement vide à la caserne. Il s’était réveillé grognon de sa somnolence vaseuse après des heures poisseuses à se retourner dans le lit sans draps. Assez excité pour ne pas dormir mais pas assez pour se laisser envahir par l’adrénaline de l’enquête et se mettre au boulot.
Dans la lumière crue, le visage était un masque grotesque et sanglant. Les lèvres et le nez disparus avaient laissé place à des cratères de chairs déchirées traversées de lambeaux de muscles et de cartilages. Le technicien achevait de les débarrasser précautionneusement de la boue et du sable. Dans une valise capitonnée, des échantillons avaient été prélevés, soigneusement rangés et étiquetés. Le front était lacéré d’entailles profondes et les orbites des yeux enfoncées sous des lambeaux de matière blanchâtre.
Paul savait qu’il ne serait pas facile d’avoir le moindre témoignage des riverains, chasseurs et braconniers, enfermés dans leur mutisme et la haine ordinaire de toute autorité. Lorsqu’il arriva aux barrières d’accès du domaine privé, un type surgit de l’obscurité et fit une sorte de salut militaire déférent avant de les lever. Il était habillé de noir et portait des rangers. Paul reconnut l’un des abrutis qui faisaient office de gardes et se prenaient très au sérieux.
Tout le monde savait le pouvoir de l’argent dans ce genre d’affaires. L’imagination s’enflamma lorsque le promoteur renforça l’interdiction d’accès à son domaine et recruta une compagnie de gardes privés qui veillaient aux barrières bloquant tous les accès.
Les menaces de destruction d’un site naturel exceptionnel avaient mobilisé une frange de population derrière une petite poignée d’agitateurs, anarcho-écolos qui multipliaient les provocations.
Et si c’était lui, cette dépouille sanglante ?
Peu de monde le connaissait vraiment. Le conducteur d’attelage était un des seuls à avoir ce privilège pour l’avoir rencontré le temps de négocier le droit provisoire de passage pour leurs promenades. Il ne l’avait vu qu’en costume trois-pièces, jamais, au grand jamais avec des bottes, et se souvenait de son teint gris et surtout de ses cheveux blancs.
Léo Lapointe, Sauvage Marquenterre - JT 12/13 France 3 Nord Pas de Calais - 23/06/2018