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EAN : 9782729117825
733 pages
Editions de La Différence (16/10/2008)
4.38/5   8 notes
Résumé :
« Toute mon expérience poétique s’articule autour de cette perspective : la poésie doit changer la vie. »

Né en 1936 à Paris. Anarchiste à quinze ans, proche des marxistes et des situationnistes, André Laude choisit de défendre la cause des opprimés. L’Algérie sera son premier combat. Arrêté, puis amnistié, il parcourt le monde à la rencontre de ses pairs, écrivains et militants, et participe à la fondation de l’agence de presse nationale d’Algérie. D... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
J'ai découvert André Laude pour la première fois en 1995. C'était par un matin d'hiver, dans les rayonnages de la BU de la fac d'Amiens. J'étais en 2ème année de DEUG de lettres modernes et on étudiait la littérature engagée. A coté des grand noms (Hugo, Vallès et les autres) se trouvaient une tripotée d'auteurs parfaitement inconnus pour moi : Han Ryner, Georges Darien, le poète Eugène Bizeau, Ludovic Massé ou encore Jean-Baptiste Clément (l'auteur du Temps des cerises). Tous étaient présentés avec brio par Thierry Maricourt dans son Histoire de la littérature libertaire en France (éditions Albin Michel). C'est donc là, en feuilletant cet ouvrage devant une étagère de la BU que j'ai rencontré André Laude. Thierry Maricourt le présentait comme un poète rebelle dont l'engagement (a)politique lui valu, entre autres, quelques tortures pendant la guerre d'Algérie.

Rapidement, je cherchais à trouver des recueils du sieur Laude mais sa production était tellement confidentielle qu'aucun libraire ne put me trouver le moindre de ses titres. Je finis par en dénicher un à la bibliothèque municipale. Et là, le choc fut total. Habitué aux enseignements universitaires qui ramenaient souvent la poésie à un pur exercice formel, je découvrais une voix pleine de bruit et de fureur.

André Laude est né en 1936 à Paris dans une famille pauvre, d'un père occitan et d'une mère bretonne. Subjugué par la poésie de Rimbaud, il devient un peu par hasard journaliste (il pigera notamment très longtemps pour le journal le Monde et fera des émissions à France Culture). Jamais encarté, il souscrit aux thèses des communistes libertaires. Fervent défenseur de l'indépendance algérienne, il mena tous ses combats comme un révolté. Ce grand solitaire n'a jamais rien possédé. Il a vécu dans le dénuement et les vapeurs d'alcool. Une sorte de clochard céleste incontrôlable, fieffé mythomane. Ses détracteurs lui reprochent d'avoir souvent mordu la main qui venait de le nourrir. Il avait fait sienne la phrase du poète surréaliste belge Achille Chavée : « Je suis un vieux peau-rouge qui ne marchera jamais dans une file indienne. »

La poésie d'André Laude est une poésie à hauteur d'homme. Balayant d'un revers de la main toute forme de versification, il offre des textes flamboyants, souvent proches du surréalisme. Dans sa magnifique Histoire de la poésie française, Robert Sabatier cite Alain Bosquet : « La vertu d'André Laude est précisément, malgré la brutale clarté de ses textes, de leur garder une charge d'enchantement, de mélodie et de pureté intacte. » André Laude éructe ses poèmes. Il emporte le lecteur dans un tourbillon de mots semblant parfois incontrôlé, un peu comme un jazzman se lançant dans une impro sans fin. Mais sa petite musique prend aussi souvent les accents du blues le plus pur, celui qui vous donne des frissons.

André Laude est mort le samedi 24 juin 1995 dans une petite chambre de Belleville. Épuisé par la solitude, l'alcool, le manque de confort matériel, il s'est laissé emporter… Sentant la fin arriver, il a griffonné un dernier poème, retrouvé près de son corps :

Ne comptez pas sur moi
Je ne reviendrais jamais
Je siège là-haut
Parmi les élus
Près des astres froids

Ce que je quitte n'a pas de nom
Ce qui m'attend n'en a pas non plus
Du sombre au sombre, j'ai fait
Un chemin de pèlerin
Je m'éloigne totalement sans voix
Le Vécu m'a mille et mille fois brisé, vaincu
Moi le fils des Rois.

Dernier tour de force pour un poète qui aura marqué à jamais ma vie de lecteur. Grâce à internet, j'ai pu récupérer la majorité des recueils d'André Laude. Il m'arrive encore souvent dans prendre un au hasard. J'ai corné les pages où se trouvent mes poèmes préférés. Je retrouve pendant quelques minutes cette voix singulière, le cri d'un homme entier, sans concession. Je passe alors un moment de pur bonheur et je comprends pourquoi la lecture est devenue pour moi une activité vitale.


Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Ne me demande pas pourquoi j’écris
ne me demande pas pourquoi tête la première
je plonge dans le tumulte volcanique des syllabes
que le passage de mon corps réveille
Ne me demande pas pourquoi au lieu de dormir
comme font les honnêtes gens
je cloue à minuit des papillons de couleurs et de sons
sur le ciel des solitudes
Ne me demande pas pourquoi je saigne auprès des lampes
ne me demande pas pourquoi dans la rue
j’enlace le tronc d’un marronnier en pleurant les cheveux sur les yeux
pour ne pas être vu
Ne me demande pas pourquoi Lazare appelle et parle dans mes veines
pourquoi je bondis d’un espace à un autre
pourquoi j’enfonce les ongles dans la jacinthe brûlante des draps
alors que déchiré d’amour j’ai une respiration de fleuve entraîné par l’élan élémentaire
Ne me demande pas pourquoi ceci n’est pas vraiment un poème,
mais un feu de mots soudés par la salive le souffle
Ne me demande pas
Écoute. Regarde. Ouvre les mille pupilles sèches de ton sang
Tends l’oreille dans la direction de la rue de la terre sueurs et larmes
Écoute
Regarde :
Les géantes copulations de la clarté et du néant
le temps aux tempes des hommes. Les éclairs des famines.
Ne me demande pas.

Nous savons saluer l’aurore
nous sommes civilisés
nous faisons comme tous les peuples
l’amour la guerre des enfants
nous enrichissons les riches
avec notre sueur notre imagination notre sens de l’ouvrage bien fait
nous sommes de bons citoyens
on nous récompense royalement : exil migraine chômage rêves différés accidents du travail
Nous nous lavons les dents
avec des dentifrices célébrés dans les colonnes du Monde, de L’Humanité ou du Figaro
parfois nous attrapons la mauvaise fièvre gauchiste
les poux de la subversion nichent dans nos cheveux
nous parlons français. Avec l’accent. Longtemps nous avons tourné la tête
pour pleurer
quand le vieux parler irritait soudain nos paupières
Mais maintenant c’est fini
Nous savons saluer l’aurore
nous avons étudié l’économie
nous savons à quoi nous en tenir
nous sommes des êtres humains à part entière
nous savons à quoi nous en tenir
LA RÉVOLUTION OCCITANE fleurira bientôt en livres de
sang et foudre dans les vitrines des libraires du Quartier latin
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Calmement j’annonce les temps neufs
Calmement j’annonce les revendications
De soleil et de chair du peuple
Calmement je vous crache à la gueule
si vous dites que tout ceci n’est pas de la poésie
Calmement j’écris ce qui précède
Et ce qui va suivre
En sachant bien que la langue
Doit coller à la vérité des hommes
Qu’elle doit se faire humble, salir ses mains
A l’huile des moteurs
Se vêtir de gros draps
Trainer dans les taudis et les hôpitaux
Visiter les solitaires les malades les angoissés les humiliés et offensés
Boire avec les ouvriers des trains du petit jour
Calmement je vous répète que je me fous
De savoir si les esthètes les branleurs du verbe
Auront ou n’auront pas la nausée
En lisant ces paroles absolument sincères qui ne cherchent pas l’absolu
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Poésie et vérité 1971


Extrait 2

Nous savons saluer l’aurore
nous sommes civilisés
nous faisons comme tous les peuples
l’amour la guerre des enfants
nous enrichissons les riches
avec notre sueur notre imagination notre sens de l’ouvrage
  bien fait
nous sommes de bons citoyens
on nous récompense royalement : exil migraine chômage
  rêves différés accidents du travail
Nous nous lavons les dents
avec des dentifrices célébrés dans les colonnes du Monde,
  de L’Humanité ou du Figaro
parfois nous attrapons la mauvaise fièvre gauchiste
les poux de la subversion nichent dans nos cheveux
nous parlons français. Avec l’accent. Longtemps nous avons
  tourné la tête pour pleurer
quand le vieux parler irritait soudain nos paupières
Mais maintenant c’est fini
Nous savons saluer l’aurore
nous avons étudié l’économie
nous savons à quoi nous en tenir
nous sommes des êtres humains à part entière
nous savons à quoi nous en tenir
LA RÉVOLUTION OCCITANE fleurira bientôt en livres de
sang et foudre dans les vitrines des libraires du Quartier latin.
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Dernier poème


Ne comptez pas sur moi
je ne reviendrai jamais
je siège déjà là-haut
parmi les Elus
Près des astres froids

Ce que je quitte n’a pas de nom
Ce qui m’attend n’en a pas non plus
Du sombre au sombre j’ai fait
un chemin de pèlerin

Je m’éloigne totalement sans voix
Le vécu mille et une fois m’abuse, vaincu.
Moi le fils des Rois.
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Ne me demande pas pourquoi j’écris
ne me demande pas pourquoi tête la première
je plonge dans le tumulte volcanique des syllabes
que le passage de mon corps réveille
Ne me demande pas pourquoi au lieu de dormir
comme font les honnêtes gens
je cloue à minuit des papillons de couleurs et de sons
sur le ciel des solitudes
Ne me demande pas pourquoi je saigne auprès des lampes
ne me demande pas pourquoi dans la rue
j’enlace le tronc d’un marronnier en pleurant les cheveux sur les yeux
pour ne pas être vu
Ne me demande pas pourquoi Lazare appelle et parle dans mes veines
pourquoi je bondis d’un espace à un autre
pourquoi j’enfonce les ongles dans la jacinthe brûlante des draps
alors que déchiré d’amour j’ai une respiration de fleuve entraîné par l’élan élémentaire
Ne me demande pas pourquoi ceci n’est pas vraiment un poème,
mais un feu de mots soudés par la salive le souffle
Ne me demande pas
Écoute. Regarde. Ouvre les mille pupilles sèches de ton sang
Tends l’oreille dans la direction de la rue de la terre sueurs et larmes
Écoute
Regarde :
Les géantes copulations de la clarté et du néant
le temps aux tempes des hommes. Les éclairs des famines.
Ne me demande pas.


Nous savons saluer l’aurore
nous sommes civilisés
nous faisons comme tous les peuples
l’amour la guerre des enfants
nous enrichissons les riches
avec notre sueur notre imagination notre sens de l’ouvrage bien fait
nous sommes de bons citoyens
on nous récompense royalement : exil migraine chômage rêves différés accidents du travail
Nous nous lavons les dents
avec des dentifrices célébrés dans les colonnes du Monde, de L’Humanité ou du Figaro
parfois nous attrapons la mauvaise fièvre gauchiste
les poux de la subversion nichent dans nos cheveux
nous parlons français. Avec l’accent. Longtemps nous avons tourné la tête
pour pleurer
quand le vieux parler irritait soudain nos paupières
Mais maintenant c’est fini
Nous savons saluer l’aurore
nous avons étudié l’économie
nous savons à quoi nous en tenir
nous sommes des êtres humains à part entière
nous savons à quoi nous en tenir
LA RÉVOLUTION OCCITANE fleurira bientôt en livres de
sang et foudre dans les vitrines des libraires du Quartier latin.
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Videos de André Laude (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de André Laude
POÉSIE CARAÏBES – Découverte anthologique (France Culture, 1982) Une compilation des émissions « Albatros », par Claude Herviant, diffusées les 18 juillet, 25 juillet et le 1er août 1982 sur France Culture. Invités : André Laude, René Depestre, Florence Alexis, Daniel Maximin, Jean Metellus, Isabelle Gracian, Jena-Claude Charles et Marie-Céline Lafontaine.
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