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sur 387 notes
Les romans de John le Carré contiennent des rafales d'activité physique - surveillance décrite avec humeur, lettres mortes, fusillades très occasionnelles - mais l'action réelle est toujours deux personnes qui parlent dans une pièce. Même le dialogue le plus apparemment anodin peut être codé et ambigu, servant simultanément deux objectifs opposés : un sens pour les auditeurs gris secrets, qui dans le monde de le Carré sont toujours supposés être attentifs, et un tout autre sens pour les participants. C'est de la musique de chambre dramatique, dans laquelle une simple conversation fournit tout le suspense et la révélation lente que vous pourriez souhaiter à n'importe quelle échelle.

Ce roman contient plusieurs décors délicieux de ce genre, et chaque fois qu'on se lance, on a l'impression qu'un maître s'amuse énormément : les personnages eux-mêmes semblent devenir plus intelligents et plus spirituels au fur et à mesure que l'invention dialogique de leur marionnettiste prend son envol. Il peut parfois sembler, en effet, que le reste du livre ne comprend que ce qui doit être efficacement mis en place, juste pour que ces conversations chargées deviennent possibles.

Notre narrateur, bien sûr, est un espion : Nat, 47 ans, membre de ce que le Carré appelait « le Cirque » mais dans ce livre est devenu « l'Office ». Revenu récemment de son poste sous couverture diplomatique en Estonie, il est maintenant mis en pâture dans une sous-section obscure du service qui garde un oeil sur les affaires russes mais est séparé du puissant bureau russe lui-même. le nouveau poste d'amarrage de Nat, le Refuge, est un bâtiment décrépit dans une ruelle de Camden, "la maison du Bureau pour les chiens perdus".

C'est de la musique de chambre dramatique, dans laquelle la conversation crée tout le suspense et la révélation lente que l'on pourrait souhaiter
Nat est indulgent envers son nouvel ami Ed, en partie parce qu'il aime leurs jeux de badminton et en partie parce qu'il ressent une affection paternelle envers lui. « Je connaissais la race », se souvient Nat. « J'en avais recruté quelques-uns. Il était géopolitiquement alerte. Il était jeune, très intelligent dans les marges de ses opinions arrêtées. Mais la fureur d'Ed contre le Brexit est éclipsée par ce que Nat trouve qui fuit des échelons supérieurs du Bureau : un plan désespéré, nommé Jericho, pour que la Grande-Bretagne conserve les bonnes grâces d'une administration américaine voyou en faisant de très mauvaises choses à son ancien amis européens.

de peur que tout cela ne ressemble trop à une théorie du complot hardcore, soyez assuré que le roman contient également, comme tout bon film de James Bond, une femme fatale russe. (Une espionne chevronnée nommée Valentina, elle fait tout le travail avec sa voix séduisante.) Nat, quant à lui, entreprend un voyage en République tchèque pour rencontrer un de ses anciens agents : Arkady, que Nat avait temporairement transformé en agent double. contre le FSB de Poutine. Leurs brèves retrouvailles sont un autre décor spectaculaire et Arkady est l'un des merveilleux camées de le Carré: maintenant un kleptocrate autodidacte vivant dans une retraite à sécurité maximale, il transpire et pleure d'affection, mais aussi de haine, pour son ancien maître-espion. Fort heureusement, au retour de Nat, le Carré ponctue le mélodrame riche et nostalgique de cette rencontre d'une touche de bathos bureaucratique : « Londres… a remboursé mes frais de voyage, mais a remis en cause mon utilisation d'un taxi jusqu'à l'hôtel au bord du lac à Karlovy Vary. Il semble qu'il y avait un bus que j'aurais pu prendre.

288 pages, Retour de service est une miniature comparée aux grands romans de la guerre froide de le Carré, et il lui manque la précision d'horlogerie impitoyable de, disons, L'espion qui venait du froid. Mais c'est un divertissement très classe sur les idéaux politiques et la tromperie. Il y a une scène terrible qui se déroule dans un parc, notamment, dans laquelle on se rend compte peu à peu que tous les passants font partie d'une immense équipe de guetteurs rassemblés par les espions pour observer une conversation secrète. L'auteur laisse le lecteur tirer la conclusion troublante qu'à l'ère de la surveillance ambiante des entreprises et de l'État par la technologie omniprésente, c'est simplement la façon dont nous vivons tous maintenant.
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J'ai acheté le dernier John le Carré tardivement. Une manière d'hommage au disparu que j'ai fréquenté avec intermittence, toujours avec grand plaisir. C'était comme si je retrouvais des pantoufles trop longtemps délaissées, toujours chaudes malgré leur mise au placard. John au sommet de son art, fluide, aérien sur le vol d'un monde si chaotique, plutôt vulgaire (le monde) mais toujours nimbé d'un humour souterrain so british, qui fait passer le métier d'espion pour un grand jeu à qui perd gagne.
J'ai connu John le Carré au cinéma. Richard Burton, en espion qui venait du froid m'avait impressionné. Je quitte à regret un auteur cultivé, subtilement frondeur et tellement habile à distiller une tension soutenue, déployant une grande manoeuvre impliquant la Russie comme au bon vieux temps. Adieu l'Ami. Jeu, set et au-delà. Tennis ? Oh non, badminton, of course.

Lien : https://cinemoitheque.eklabl..
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Suite à la disparition du maitre, j'ai voulu écouter (lire) sont dernier coup d'archet ...
Je n'ai pas été déçu, c'est un roman finalement assez court, trois cents pages, mais le récit est très prenant, c'est très bien écrit, et comme toujours chez John le Carré, la tension monte sans arrêt, au point qu'il est impossible de lâcher le livre dans les cents dernières pages.
Les personnages sont très attachants et le récit de pur espionnage est totalement immergé dans l'ambiance actuelle du Brexit, Trump etc...
Je vous le conseille sans l'ombre d'une hésitation.
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Qu'il est bon et quel plaisir de retrouver cet auteur. Il a mis la barre très haute dans le monde du roman d'espionnage. Premièrement la tension, il arrive à créer des moments intenses avec les mots, l'ambiance pesante est tangible. Bien loin de cliché d'un James Bond, ses personnages sont intelligents, profonds et quand même lambda. Un espion c'est un monsieur tout-le-monde avec un entraînement spécial, ils ont leurs failles et l'auteur sait les exploiter.

Ce nouveau roman est réussi de la première à la dernière phrase, je n'ai pas pu le lâcher. A peine mis le pied dans l'intrigue, que je fais parti du livre, j'ai été pris dans un tourbillon passionnant et inédit. John le Carré sait raconter des histoires crédibles et fortes, un oligarque ukrainien, une vieille planque d'espions anglais en Russie, ça à une impression de déjà-vu dans la réalité mais l'avantage de la fiction son les conséquences bien moins tragiques. Il se passe toujours quelques choses, des petites choses plus ou moins anodines qui, le moment venu fera l'effet d'une bombe, une façon de parler, une attitude, Nat notre espion aguerri sait repérer ça et l'auteur nous apprend à le remarquer au fil du roman. J'adore car j'en apprends plus sur le métier d'espion en lisant un tel roman qu'avec un témoignage d'un ancien espion qui garde ses réserves.

Rien n'est inutile, les descriptions ne sont pas envahissantes, les personnages sont éclectiques et savent se compléter, pas de super héros ici, une histoire originale, de la tension à vous faire battre un record d'apnée, bref de la qualité.
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Ma critique vient de disparaître dans le néant, dès le clic sur OK. Je recommence donc, on ne sait jamais.
C'est un livre très "John le Carré", ceci dit pour les amateurs, dont je fais partie depuis des dizaines d'années. Il commence lentement, plaçant une à une les pièces nécessaires à l'action future. C'est une ode à l'amitié tissée au fil des ans entre certains espions de différents pays "amis". C'est le récit d'une exfiltration à la barbe des dirigeants du propre camp du personnage principal. Car les êtres les moins recommandables ne se trouvent pas forcément dans le camp adverse.
L'expérience qui confirme l'intuition, les liens d'amitié professionnelle, le courage, la ruse, seront nécessaires au héros pour mener à bien la tentative de sauvetage d'un couple. L'intérêt du lecteur va crescendo au fur et à mesure que le livre avance.
Chez John le Carré, tout le côté sombre de l'espionnage est conforme aux "affaires" que nous livrent périodiquement les journaux. Par contre, je me demande si ses personnages principaux, toujours pleins d'empathie, existent ailleurs que dans ses romans.
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Je dirais volontiers à un éventuel lecteur « ne faites pas comme moi, ne commencez pas la lecture de l'oeuvre de John le Carré par celui-ci. »
Bien entendu, j'ai entendu parler ou vu des films tirés de ses oeuvres comme L'espion qui venait du froid, la Taupe, La maison Russie, le Directeur de nuit, le tailleur de Panama, La constance du jardinier, Un traitre à notre goût, Une vérité si délicate … mais jusqu'ici, rien lu de lui « dans le texte ». C'est une lacune que je vais m'efforcer de combler cet été car nombre de ses précédents ouvrages dorment dans ma bibliothèque de campagne.
Dans cet épisode qui traite majoritairement des manigances entre services secrets – et celles des différents services du même pays ne sont pas les moindres – nous nageons en pleine actualité.
Il ne s'agit plus de Guerre Froide – on la regrette un peu, c'était si manichéen ! – mais des relations internationales aussi multilatérales que foutraques d'un Donald Trump, de la paranoïa de Vladimir Poutine, des errances du Brexit vues par les britanniques europhiles, de la vulnérabilité de l'Union Européenne.
Nat, le narrateur, est un agent sur le retour qui se voit confier en fin de carrière actuve à l'étranger un dernier poste à la tête d'un bureau qu'il doit vraisemblablement (administrativement) liquider.
Sa passion, à près de 50 ans, est athlétique : il joue régulièrement au badminton, un sport qui lui a permis jadis, dans ses affectations dans les pays de l'Est, de recruter ou de retourner différents agents. Il a pour épouse la délicieuse Prue, avocate de causes perdues mais femme d'agent secret parfaite.
Est-ce un effet de l'âge ou du désir de se rendre utile, Nat est approché par une grand jeune homme naïf et bavrd qui le défie au badminton. Dès le départ, on perçoit qu'il y a entourloupe sous roche. Nat s'en rend-il compte ? La rencontre va s'avérer explosive et la chute sera à la fois abrupte, invraisemblable et pour ma part, décevante.
John le Carré nous explique avec clarté les techniques classiques de surveillance et de contre-espionnage, les leviers des manipulations psychologiques, les rivalités entre équipes, les turpitudes des uns et des autres … et surtout la guerre souterraine qui mène le monde multipolaire dans lequel nous vivons.
Les portraits de personnages sont minutieux, on y retrouve des constantes comme le sort de gens sincères broyés par un système sans pitié. C'est bien écrit, bien traduit, mais je me suis tout de même pas mal ennuyée …
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Je ne connaissais cet auteur que de nom, je remercie Sonia qui m'a offert ce roman. Espions, contre-espionnage, complots, un milieu intéressant d'approche. On ne peut pas appeler cela un métier, c'est une seconde vie pour ceux qui s'engagent pour leur pays qui leur reste ancrée jusqu'à la fin.

Quelques traits humoristiques viennent accompagner cette histoire dont Nat est le personnage principal. Vétéran des services de renseignement britanniques, il est de retour à Londres… Entre le Brexit, Trump et la Russie que de secrets bien ou mal gardés. Il y a bien sûr enquête, intrigue et jusqu'au bout un de ces secrets-là sera bien préservé par l'auteur.

Que de péripéties par les personnages tournants autour de Nat, lui-même ne saura plus à quel moment et à qui se confier, où est la vérité! Mais notre homme a plus de ressources qu'il n'en faut et l'histoire rebondie entre les protagonistes.

Un récit très intéressant écrit avec humour et dérision sur les problèmes de la société actuelle, désoeuvrée et dramatique. Il faut aussi une certaine concentration pour ne pas se perdre entre les personnages arrivants au fil de l'histoire. Un auteur à découvrir.

Lien : https://passionlectureannick..
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Mon père adore les polars et les romans d'espionnage - et moi j'aime pas.
Il me prête ceux qu'il a préféré - et moi je souffre.
Et donc quand il m'a tendu "Retour de service" en me disant (comme pour tous les autres) "Tu vas voir, il est GÉ-nial!", j'ai soupiré intérieurement.

Mais cette fois-ci, ça a pris! Je suis vraiment entrée dans l'histoire, mon petit coeur battait, et surtout, surtout, j'ai compris ce que je lisais. Il me manque les neurones nécessaires pour capter les crypto-intrigues en URSS des bouquins que mon père me prête habituellement, mais là c'était Trump et le Brexit, j'avais les bases, j'ai pigé.
L'écriture est maîtrisée et agréable, c'est joliment traduit, je suis presque réconciliée avec les romans d'espionnage.
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Pour mon premier John le carré, je ne sais que quel pied danser. L'écriture n'est pas la plus simple à suivre, parfois truffée de jargon ou de raccourcis (et n'étant pas une habituée du genre littéraire "espionnage" alors que très friande au cinéma, je manquais peut-etre d'experience en terme de vocabulaire), quelques passages furent longs et laborieux. L'intrigue tient sur une feuille ou quasiment: Nat, un ancien parmi les espions, rentre au pays après des années en service à l'étranger et doit de rehabituer à vivre dans son pays, dans un contexte de Brexit, qu'il désapprouve malgré sa retenue de fonctionnaire. Il se fait alpaguer/charmer par un petit jeune qui le défie
au badminton. Ce dernier est lui très virulent concernant le brexit, trump et poutine... s'en suit une amitié un peu bizarre qui mèneront Nat vers de (petites) péripéties.
J'ai trouvé l'histoire plutôt banale voir "légère " pour une histoire d'espionnage (Mais peut-être suis je trop habituée à du spectaculaire au cinéma?) Mais la plume de John le carré n'est pas dépourvue de passages et de piques très acerbes et tranchées sur le Brexit et le contexte socio-politique dans lequel nous évoluons. Il n'y va pas avec des pincettes! Et je trouve que ca fait du bien venant d'un britannique.

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J'ai toujours beaucoup aimé John le Carré et je suis prêt à lui vouer allégeance jusqu'au bout d'une vie et d'une oeuvre déjà longue, mais voici que son dernier opus force mon admiration au-delà de cette fidélité. Quel tour de force ! Grâce à un scénario rusé qui pourrait faire pendant, côté espionnage à Agatha Christie, côté policier, en remettant habilement en scène l'ennemi le plus efficace en matière d'espionnage, à savoir les Russes, qui même post-URSS, conservent, qui en douterait, un fort potentiel de nuisance, John le Carré réussit le tour de force d'adapter tout ce qui fait sa marque de fabrique – une action lente, mais dont chaque segment a été mûrement mis en place en vue du résultat final ¬– à l'environnement géopolitique moderne, Brexit en tête. On admirera la mise à jour aux normes modernes du contrôle d'une scène entièrement pipée par les services de sécurité, en l'occurrence un jardin public avec remplacement du personnel de la cafétéria par celui du Service, où l'on peut suivre tout ce qu'il se passe depuis deux écrans de la salle de contrôle. Pour autant, des techniques classiques, dignes du protocole de Moscou, perdurent, comme la copie de documents "à la vapeur" pour éviter l'électronique laissant trop de trace. John le Carré reprend l'idée de la prise de contact par le sport – le tennis dans « Un traître à notre goût », ici le badminton dont les adaptes sont appelés « badistes » ai-je utilement appris ! Il en profite pour en remettre une couche contre les grandes sociétés pharmaceutiques, même si ce n'est pas le coeur de l'intrigue, comme dans « la Constance du jardinier », l'épouse du personnage principal étant une avocate très engagée à gauche et notamment contre ce genre de multinationales. le narrateur déroule l'histoire, en décrivant des faits apparemment banals mais qui sous sa plume et au vu de ce qui a suivi sont porteurs d'énormes conséquences, moyen efficace pour entretenir le suspense : on croit avoir un temps d'avance mais au final, on n'en sait pas beaucoup plus si ce n'est qu'un évènement majeur s'est produit ! le couple que forment Nat et Prue est solide, mais après avoir partagé le monde de l'espionnage du temps de leur jeunesse, Nat reste le seul espion et Prue reprend sa carrière d'avocate. Steph, leur fille, en adolescente hyperactive et hyperconsciente des enjeux de l'époque fait tanguer l'équilibre précaire qui résulte de la nécessité du mensonge. D'où des dialogues assez rigolos où Nat s'apprêtant à révéler une partie de la vérité concernant sa profession à Steph se voit répondre : « Tu vas me dire que je suis une enfant illégitime ? » S'ensuit un interrogatoire impitoyable portant sur la valeur éthique du travail de retournement des agents doubles. Au final, le réalisme n'est pas tant dans les situations, que dans le choix final qui s'impose à Nat qui vaut comme une profession de foi. On retrouve finalement cet espace de liberté qu'avaient essayé de créer les deux personnages de « Un pur espion » - oasis précaire - au milieu de la guerre froide. Ici, dans le chaos et la déliquescence générale, John le Carré fait de même en resserrant les boulons autour de la dimension humaine, qui prend corps dans l'amitié, l'amour, la famille – en opposition à la raison d'état, quel qu'il soit et à plus forte raison dans les mains de personnages veules et incapables. Et l'on sent à le lire que ce sont des valeurs dont il a lui-même eu le temps de priser la valeur.
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