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sur 10782 notes
L'anomalie d'Hervé le Tellier m'a fait passer un bon moment de lecture. Un scénario ingénieux, rondement mené, plein d'humour et de clins d'oeil qui renvoient le reflet du monde dans lequel nous vivons. Ses excès, son barbarisme survivant sous le prétexte de modèles rétrogrades ou religieux, nos névroses et nos peurs, les questionnements qui naissent du progrès scientifique et tant d'autres perspectives si humaines.
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Ce n'est pas un livre que vous tenez entre vos mains.

C'est une aventure littéraire, multi-univers, multi-émotionnelle et multi-genres. Une seule perception ne saurait suffire à en faire le tour.

Prendre son envol, aux côtés des passagers de ce Paris – New York, vous fera vivre une histoire telle que vous n'en avez jamais lue, et qui restera en vous pour longtemps ; émotions et questionnements existentiels dans les bagages.

Et, jamais un roman n'aura aussi bien porté son nom. Qu'un livre soit aussi pluriel est déjà un saisissement rare. Mais qu'un roman publié dans une collection « blanche » soit basé sur une histoire de science-fiction, et qu'il gagne le prix Goncourt 2020, semble tenir de l'erreur, voire de la déviance. Une singularité de plus, pour un texte qui n'en manque pas.

Hervé le Tellier est joueur. le premier chapitre est digne des meilleurs thrillers, première surprise d'une longue série. On comprend vite ensuite qu'il sera question d'une galerie de personnages hétéroclites, chacun dans un ton.

L'écrivain aime tourner et détourner la structure. La construction du récit est vertigineuse, sans pour autant perdre le lecteur en chemin. Mais quel chemin ? Il n'y en a clairement pas qu'un seul. Celui de l'ode à l'imagination, c'en est certain.

Un sublime monde de lettres et de mots, chiffré. Une construction mathématique qui intègre totalement l'émotionnel, encore du singulier.

Pour parler du pluriel. Une palette de protagonistes bien éloignés les uns des autres, et que l'auteur arrive à si bien dessiner que le lecteur entre en empathie avec tous ces caractères.

Pour arriver à ce petit miracle, le Tellier change son écriture pour chacun d'eux, et joue avec les registres littéraires (et de vie). Il manipule les genres, les mots et les émotions ; mélange. Pour rappeler aussi que nous sommes tous multiples.

« Et si… ». La question, la réflexion en filigrane de ces histoires entremêlées, du fait d'un événement incompréhensible, incroyable. Et qui confronte les personnages à un défi majeur : accepter l'inacceptable. Comment réagirait-on face à une telle situation, avec l'esprit de sacrifice ou avec violence ?

L'écrivain prend de la hauteur pour aller au fond des choses (et des êtres). En nous réservant des surprises à tous les étages de la fusée. Un voyage un brin schizophrénique au plus près des personnages, mais aussi de la névrose collective actuelle.

Voilà un roman qui explose les conventions. du coup, c'est un texte rassembleur. Qui a toutes les qualités pour plaire au plus grand nombre, amateurs de tous les styles littéraires.

C'est une immense porte ouverte aux questionnements scientifiques, théologiques, humanistes, sociétaux, philosophiques… Mais aussi une formidable virée ludique ! Avec une plume capable de tout, y compris d'être drôle (et ce n'est pas donné à tout le monde).

Et moi, l'amateur de récit de SF, j'ai été subjugué par l'idée maîtresse, et la manière de la traduire avec profondeur. Bien loin d'un prétexte, et tout à fait la définition que je me fais des livres de ce « genre » : parler de l'humain et faire réfléchir.

L'anomalie est une véritable expérience littéraire, profondément humaniste bien que parfois désespérée. Un roman sublime par sa singularité et par son traitement. Hervé le Tellier est un écrivain surdoué, qui n'oublie jamais qu'il écrit pour les lecteurs, pour leur plaisir et pour les faire réfléchir.

Que de bonnes raisons de s'envoyer en l'air avec les passagers d'un vol Paris – New York que personne n'oubliera.
Lien : https://gruznamur.com/2020/1..
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Attention avis partisan ! je n'ai pas réussi à le finir...quasiment une première...
Ennuyeux, décousu...bref j'ai abdiqué !
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Les prix Goncourt je m'en méfie. de ce fait depuis une dizaine d'années je n'achète plus, j'emprunte.
Pour celui-ci, et compte tenu de son engouement, j'ai dû me déplacer dans une autre bibliothèque que celle dont je suis habitué qui en possédait trois exemplaires.
Liste d'attente! J'ai attendu 7 mois pour l'avoir et encore fallait-il le garder 3 semaines maximum sans possibilité de prolonger le prêt. C'est dire la bousculade.
J'avais, comme à l'habitude, pris la température des lecteurs Babelio : 988 critiques, 5023 notes et la critique la plus lue accusait, excusez du peu, 834 "j'apprécie" pour 0,5/5 étoiles!
Alors bien sûr il y a pléthore d'avis dithyrambiques mais comme les goûts et les couleurs ne se discutent pas j'affirme être déçu de cette lecture sans autre, ni jugement par rapport à notre prix littéraire le plus prestigieux.
Je ne dirai pas, non plus, que le jury ferait mieux de voter avant le repas, le trou normand et le pousse café, ce serait mauvaise langue quoique je le pense un petit peu quand même pour ce livre précisément.

Tout un groupe de gens se retrouve dans un vol Paris-New York sans que l'on sache vraiment dans quel espace temps cela se passe ni s'il s'agit d'un monde réel ou irréel. Déjà je n'étais sûr de rien, où suis-je ou plutôt où sont-ils?
Les chapitres ou la fin des chapitres apportent une vague certitude relative au titre du bouquin, soulevez la, les pages pour chercher l'intrigue et ce que veut nous faire comprendre l'auteur pour autant qu'il ait ce souci-la, parce que Letellier mélange tous les genres, policiers, psychologiques et d'autres ou est-ce un livre au genre littéraire nouveau? Mais lequel?
Alors, dans ce que l'on pourrait appeler la seconde partie du roman, apparaissent les doubles des personnages précédents et, là, c'est le pompon, le summum, on (moi) ne comprend plus rien, que se passe t-il, qu'ai-je fais pour mériter ça, où sommes-nous et moi, où suis-je? Si intensité il y avait au début, la suite et la fin c'est le fog, le blizzard...

Non, franchement, sans être trop difficile, il doit y avoir pire mais aussi, bien, bien mieux y compris pour ce côté philosophique dont on se serait bien passé d'autant que ça ne s'élève pas bien haut!

Une grande déception et une perte de temps.


Lien : https://www.babelio.com/livr..
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Je ressors de cette lecture avec un sentiment étrange.
J'ai la désagréable impression d'être passé à côté d'un livre remarquable si j'en crois les critiques élogieuses dont il fait l'objet, sans parler du prestigieux prix littéraire qui vient de le couronner.
Je ne sais pas trop pourquoi cela ne m'a pas totalement convaincue.

Pourtant, la première partie du livre m'a captivée. J'ai cru tenir mon coup de coeur littéraire de l'année.
J'ai pris une foultitude de notes pour être sûre de ne pas égarer l'un des personnages sur le tarmac de l'aéroport de New-York, puisque leur seul point commun est d'avoir voyagé sur un vol reliant Paris à New-York en mars 2021.

Dans la deuxième partie du récit, j'ai senti poindre une très agaçante pointe d'ennui. Mon esprit parti au-dessus des nuages, j'ai abandonné le livre espérant reprendre le cours du vol après escale.

Que nenni, je me suis perdue dans la fin du roman, je n'ai pas réussi à sauver tous les passagers de l'avion.

Je ne mets en aucun cas le livre ni l'auteur en cause, simplement, je n'ai pas l'habitude de ce genre de lecture qui pour reprendre l'expression consacrée m'a sortie de ma zone de confort.
L'auteur m'a emmené dans un voyage que je n'ai pas su apprécier.
Je souhaite donner une seconde chance à ce texte car je suis sûre qu'il en vaut la peine.
Il est donc parti directement sur l'étagère des livres en attente de relecture.
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L'anomalie ou la Divergence, comme elle est aussi qualifiée dans le récit, est un roman qui parvient à nous faire comprendre pourquoi l'humanité, lorsqu'elle est face à l'opportunité de s'affranchir des dogmes philosophiques, économiques, spirituels, scientifiques ou religieux se révolte pour courir s'abriter à l'ombre de ses certitudes.
Même le libéral Pape François déclare « Dieu offre à l'humanité un signe de sa toute-puissance et la chance d'abdiquer devant elle, de se conformer à ses lois. »
Hervé Letellier nous livre un roman qui est la quintessence de la réflexion humaine et concentre dans son récit l'ensemble de ce que des générations d'individus ont absorbé au cours de leur existence.
Philosophie socratique et pré-socratique, dogmes religieux, philosophie du siècle des lumières, littérature des XIXème et XXème siècle, polars, science fiction, bandes dessinées, théâtre et cinéma, tout y est, cette liste n'est pas exhaustive.
Il serait vain de vouloir coller une étiquette à ce livre qui, les adoptant toutes, n'en retient aucune.
Ce récit est une construction littéraire parfaite qui abuse sans arrêt le lecteur lui donnant des clés de lecture pour lui refermer les portes qu'il ouvre, aussitôt.
La première partie, la plus enthousiasmante selon moi, nous livre l'histoire de onze personnages (retenez ce chiffre) dont le lecteur imagine qu'ils auront un jour un lien mais où, quand et comment ? Mystère !
La 4ème de couverture et les nombreuses chroniques sur ce site, en dévoilant le secret du roman, limitent, et c'est bien dommage, le plaisir de la découverte du lecteur à venir.
Hervé Letellier, en bon président de l'OULIPO, joue au roman dans le roman, en créant Victor Miesel, auteur lui aussi d'un roman intitulé l'Anomalie. le récit est dominé par cette joute singulière entre l'auteur « réel » et son avatar littéraire.
L'ouvrage précédent de Miesel s'intitulait « Des échecs qui ont raté » ; « (…) le monde de la littérature lui paraît un train burlesque où des escrocs sans ticket s'installent tapageusement avec la complicité de contrôleurs incapables, tandis que restent sur le quai de modestes génies (…) »
Il sait qu'il n'a jamais été un auteur à succès, « Il s'est persuadé que rien n'est moins tragique, qu'une désillusion est le contraire d'un échec. » ; « Il lui est aussi arrivé de faire n'importe quoi, comme - à la demande d'un festival - d'adapter en attendant Godot en Klingon, cette langue des cruels extraterrestres dans Star Trek. »
Son roman l'Anomalie est une somme de formules, même s'il «  (…) ne goûte pas cet art de la formule et n'a pas de fascination pour l'aphorisme. L'enthousiasme que ce livre a soulevé lui échappe. ». «  C'est du Jankelevitch sous LSD », dit-il ; Il y a écrit :
« Le vrai pessimiste sait qu'il est déjà trop tard pour l'être. »
« Je n'ai jamais su en quoi le monde serait différent si je n'avais pas existé (…) » et je ne vois pas en quoi ma disparition altérera son mouvement. »
« L'espoir nous fait patienter sur le palier du bonheur. Obtenons ce que nous espérions, et nous entrons dans l'antichambre du malheur. »
« Il est une chose admirable qui dépasse toujours la connaissance, l'intelligence et même le génie, c'est l'incompréhension. »
« Mais l'amour, c'est de ne pas pouvoir empêcher le coeur de piétiner l'intelligence. »
« Pour faire de la mort une mésaventure parmi d'autres, le croyant a perdu la raison. »
« Sur le point de mourir noyé, je tente de nager, je ne vais tout de même pas prier Archimède. »
« Toute gloire ne saurait être qu'un imposture, sauf dans la course à pied. Mais je suspecte quiconque affirme la dédaigner d'enrager d'avoir seulement dû y renoncer. »
« L'existence précède l'essence, et de pas mal, en plus. »
« Quand on a un marteau, tout finit par ressembler à un clou. »
« Les turbulences ont cessé et le soleil est revenu dans la cabine. Cette dernière phrase est aussi la définition du Prozac. »
« Il y a toujours eu deux Amériques, et désormais elles ne se comprennent plus. Comme je me reconnais plutôt dans l'une d'elles, moi non plus, je ne comprends pas l'autre. »

Quand il interroge son écriture Victor Miesel se demande : « Trois personnages, sept, vingt ? Combien de récits simultanés un lecteur consentirait-il à suivre ? » ; « Il n'a retenu que onze personnages, (voir supra - NDLR) et devine qu'hélas, onze, c'est déjà beaucoup trop. Son éditrice l'a supplié, Victor, pitié, c'est trop compliqué, tu vas perdre tes lecteurs (…) »

Quand il ne joue pas à Victor Miesel, Hervé Letellier, lui aussi, a un sens de la formule qui réjouit son lecteur :
« Blake boit donc son café, sans sucre ni inquiétude. »
« Si l'argent n'était pas autant surestimé, on lui accorderait moins de valeur… »
« Quelqu'un, quelque part dans la galaxie, a donc lancé une pièce, et celle-ci est vraiment restée suspendue en l'air. »
« Miss Platon contre Dr Spinoza. Et Spinoza avait perdu.Echec et mat. »
« Un professeur sans théorie, c'est comme un chien sans puces. »
«  - Et une machine à café, une vraie, qui fasse des expressos, ajoute Adrian Miller.
Ne demandez pas l'impossible, grimace le général. »
« Le président américain reste bouche ouverte, présentant une forte ressemblance avec un gros mérou à perruque blonde. »
« Je m'en fous, Dieu, pour moi, c'est comme le bridge : je n'y pense jamais. Donc, je ne me définis pas par le fait que je me fous du bridge (…) »
« Sans vouloir dénigrer le monothéisme, le dysfonctionnement du monde s'expliquerait bien mieux par un conflit sans fin entre des dieux. »
«  (…) il se conforte dans l'idée désespérante qu'en additionnant des obscurité individuelles on obtient rarement une lumière collective. »
« La mouche ne prend jamais rendez-vous avec l'araignée. »
« Toujours se méfier des gens qui nous demandent de nous méfier. »

Ecrit en 2020, censé se dérouler entre mars et juin 2021, l'Anomalie est un révélateur de ce que nous vivons depuis le début de l'année, assailli par les faux prophètes et les « spécialistes » de tout bord. Il est une encyclopédie de notre temps, à l'usage des citoyens du monde et nous renvoie à un optimisme pragmatique ou à un pessimisme raisonné. Il nous fait rire car nous savons que pleurer n'a jamais avancé à rien.
A ce propos, Victor Miesel cite Nietzsche, « Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont. »,
et nous livre une dernière formule : « Le destin n'est qu'une cible qu'on dessine après coup à l'endroit où s'est fichée la flèche. »

La conclusion appartient à Letellier/Miesel, auteurs chacun à leur façon d'un roman intitulé l'Anomalie :
« Aucune auteur n'écrit le livre du lecteur, aucun lecteur ne lit le livre de l'auteur. le point final, à la limite, peut leur être commun. »
Lumineux, isn't it ?

Une dernière remarque avant de terminer, mon côté pinailleur, Victor Miesel affirme que Semper Fi est la devise de l'US Air Force, en réalité, elle est la devise des Navy Seals…L'erreur est humaine…
Lien : https://camalonga.wordpress...
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E-pa-tant !!!
Voilà. J'ai trouvé l'un de mes coups de coeur 2020. "L'anomalie". Un roman découvert grâce à Litteraflure et Ziliz qui m'ont donné envie de le lire et m'ont donné l'impression que ce livre était pour moi. Et puis arrive le commentaire d'Archie qui l'a carrément relu dans la foulée. le lendemain passage à la librairie. Et livre fini hier. Je le relirai c'est sûr histoire de le savourer !
J'ai adoré. Tout. le style, l'histoire, l'impression même d'être manipulée par l'auteur ! Un régal !
J'ai pensé à "Si par une nuit d'hiver un voyageur" qui figure dans mon panthéon personnel (c'est-à-dire dans les 6 livres à emporter sur une île déserte). J'ai pensé à "Doctor Who", la série anglaise pour l'humour décalé et le côté science-fiction mâtiné de philo....

Difficile à résumer ce livre. Je vous dirai : un avion, ses passagers, une perturbation atmosphérique mais pas que.... un peu d'Oulipo et résultat, un livre extra !
Merci à vous 3 qui m'avaient fait découvrir ce roman que j'ai déjà conseillé à mon mari et à mes filles !
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J'évite normalement les livres-évènements, ou j'attends au moins que la ferveur soit retombée avant de me lancer. C'est aussi mon premier Goncourt, mais je crois lire que c'est un Goncourt plutôt atypique donc je n'en tirerai pas de conclusions. Quelques points rapidement :

- C'est bon. Ça se dévore même. C'est divisé en trois parties assez différentes pour que je ne me lasse pas, ce qui m'arrive souvent avec les romans.

- J'en avais entendu parler comme d'un roman choral oulipien. Je me souviens que l'auteur, en entrevue, expliquait que chaque personnage est écrit dans un genre littéraire différent. le tueur à gages est un thriller, l'auteur fait dans la littérature blanche plus verbeuse, etc. J'ai trouvé que c'était... Simplement faux. J'ai trouvé le style plutôt homogène, ce qui n'est pas mal, mais qui n'est pas ce qui était promis. On est à des lieues de Damasio ou de Dan Simmons, en tout cas. Si les littéraires prenait un peu plus l'imaginaire au sérieux, ils découvriraient des trucs...

- Parlant d'imaginaire, j'avais vu beaucoup de gens se plaindre que le Tellier était un énième exemple d'auteur généraliste qui s'accapare l'imaginaire sans le connaître ni le reconnaître. J'ai été surpris de voir de nombreuses références à la SF dans le roman qui vont quand même plus loin que Star Wars et compagnie.

- Une autre critique disait que les personnages étaient inégalement développés et je suis bien d'accord. D'ailleurs, (le sujet fait scandale en France pour une raison qui m'échappe), je crois que le roman aurait grandement bénéficié d'engager un ou plusieurs sensitivity readers.

- Nick Bostrom, sérieusement? le bout le plus "imaginaire" de ce livre, c'est quand l'entièreté de la communauté scientifique mondiale se met à croire que Bostrom est quelqu'un de pertinent.

- Bref, une lecture plaisante qui se lit comme un thriller américain mais avec quelques citations philosophiques de plus pour rappeler que c'est français. J'ai bien aimé!
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Quand il y en a une, je commence toujours un livre par la table des matières, à plus forte raison si l'auteur est président de l'Oulipo. Je devrais bien y trouver un indice, une direction. Pas manqué : la table permet de mettre en lumière un hommage au père fondateur, au père spirituel. Les titres de la première et de la dernière partie du roman (respectivement « Aussi noir que le ciel » et « La Chanson du néant ») sont tirés d'un poème de Queneau intitulé « Je crains pas ça tellment », sans « e » n'en déplaise au correcteur automatique, le « ça » étant la mort. Pour titrer la deuxième partie, Hervé le Tellier a choisi « La Vie est un songe », reprenant le titre d'une pièce de Calderón écrite en 1635, qui joue sur le déguisement, le double, l'apparence et la réalité. Et nous voilà au coeur du sujet. Dans L'Anomalie, j'ai reconnu au passage quelques autres allusions littéraires et cinématographiques, quelques pastiches, parodies et paraphrases, citation exactes ou détournées, mais je sais que j'en ai manqué beaucoup plus que je n'en ai trouvé dans ce roman paradoxalement érudit et facile à lire.
***
Au moment où j'écris ce commentaire, il y en a déjà 305 sur Babelio et c'est un peu décourageant… Je me lance quand même. J'ai bien aimé ce roman très second degré, dans lequel l'auteur s'amuse beaucoup, je crois, et donne à chaque lecteur, me semble-t-il, ce qu'il est venu chercher. Je me suis passionnée pour l'histoire dès que j'ai accepté de voir défiler une galerie de personnages différents et, si j'ai un peu décroché dans la deuxième partie lors des explications mathématiques, les allusions littéraires, cinématographiques et télévisuelles m'ont permis de reprendre pied. La troisième partie est la plus fascinante et la fin… Pas un mot sur la fin. On trouvera dans cette Anomalie une sorte de catalogue des différents types de romans ou de scénarios, du polar gore à la bluette, sans oublier le roman psychologique, métaphysique, la vulgarisation scientifique et le jeu littéraire. À chacun de ces genres correspondra un personnage parfois volontairement caricatural (allusion à Dexter pour Blake, présentation du scientifique négligé et de son contraire dandy arborant lavallière et araignée, etc.), parfois plus attachant et plus fouillé pour aborder ce qu'on appelle des sujets de société (abus sexuels, place des femmes, acceptation des différentes orientations sexuelles, révolte ou résignation devant la souffrance et la mort, etc.), voire à peine esquissés quand il s'agira de questions politique ou religieuse (un président américain qui ressemble à un mérou à perruque blonde). J'ai beaucoup aimé le ton, l'ironie, l'humour qui sous-tend même les questions les plus graves, les aphorismes (jusqu'aux plus éculés qui ne sont pas forcément de l'auteur !). J'ai éprouvé un attachement particulier pour l'écrivain Victor Miesel, écrivain obscur qui vit de traductions. J'avoue avoir eu un faible pour la traduction de En attendant Godot en klingon… Miesel permet à Hervé le Tellier de mettre en scène un personnage(s) à la fois désespéré ou indifférent par lequel passe une réflexion sur l'écriture, le métier d'écrivain, l'édition et… le succès ! À lire assurément. Je me suis bien amusée !
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« L'anomalie » se lit vite, très vite, trop vite. « L'anomalie » est un roman qui se dévore, que l'on avale rapidement à la manière d'une série Netflix, dont on ressort tout à la fois ébloui et curieusement déçu.

Le roman repose sur deux idées-forces : la première est la multiplicité des angles de vue, ceux des personnages évoluant dans deux temporalités distinctes ; la seconde est cette idée à la fois simple et géniale de faire atterrir un même avion à trois mois d'intervalle, confrontant les passagers à leur double ayant atterri trois mois plus tôt. La virtuosité de l'auteur, adepte de littérature oulipienne, est de réussir à emporter son lecteur et à ne jamais le perdre malgré la multiplicité des personnages, et la superposition des temporalités. L'originalité du roman consiste à mettre en scène la rencontre de protagonistes issus de deux temporalités distinctes, les ouvrages ou les films traitant du sujet évitent en effet le plus souvent ce type de convergence et traitent au contraire de la divergence des trajectoires temporelles suivies par les personnages propulsés dans un voyage dans le temps.

« L'anomalie » est pourtant un roman qui se révèle sur le fond d'une banalité aussi confondante que sa forme est originale.



On pourrait continuer à multiplier les exemples et décliner les innombrables facettes de l'empire du Bien qui se dévoilent peu à peu au cours du récit, qui sous couvert d'une intrigue virtuose, est en réalité une publicité pour les luttes de l'époque, qu'elles soient contre l'homophobie ou pour le climat. Un sentiment de vacuité naît insidieusement à la lecture d'un roman qui rabâche sans discontinuer des évidences, qui épouse absolument toutes les idées progressistes de notre temps, qui est au fond à la littérature ce que la série Netflix rendant hommage à Arsène Lupin est à l'oeuvre du génial Maurice Leblanc.
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