Cette commune humanité, qui pourrait la refuser aux personnes migrantes. Le dérangement qu'elles provoquent, au risque de casser la reconnaissance de la communion, doit cependant s'entendre et être accueilli dans sa profondeur. Refuser le dérangement, c'est refuser la relation. Refuser le dérangement, c'est refuser l'altérité de l'autre et la vie comme chemin. Refuser le dérangement, c'est se replier sur soi-même, renoncer à la fraternité et renoncer à ma propre humanité, Refuser le dérangement, c'est finalement se resigner à l'inhumain.
Celui qui a le plus de pouvoir ou de richesse a le plus de responsabilité et c'est toujours à lui de faire le premier pas. Je me le redis souvent comme évêque, et essaie d'en tirer les conséquences. C'est moi qui d'abord ai à me mettre à l'écoute, à essayer d'écouter mieux, quand bien même mon interlocuteur n'a pas trouvé d'autres mots pour me parler que ceux de la colère.
C'est la première fois que je le comprends: lorsque Celui que je confesse comme le Fils de Dieu vient dans notre humanité et prend chair de notre chair, il le fait à la manière d'un de ces enfants que portent ces femmes obligées de quitter leur terre, le lieu de leur histoire et de leur identité où elles espéraient pouvoir élever leur descendance. Me reviennent en mémoire certaines images de ces mères quittant l'horreur leurs enfants dans les bras, ce mélange de souffrance indicible et d'incroyable dignité, et cette photographie d'un enfant mort, échoué sur une plage...
Nul n'est une île. Notre humanité est relationnelle ou elle n'est pas. C'est justement parce que la liberté n'est pas articulée à la fraternité qu'elle se perd, devient l'alibi de tous les enfermement et de toutes les exclusions, et condamne ceux qui s'en réclament soit au déni de réalité en croyant qu'il est possible de vivre sous une bulle, entourée de grillages ou de murs (l'histoire tout en resservant régulièrement cet argument populiste en est un permanent démenti), soit à la dépression. Et notre société à la violence.
Cette année, Noël a pris pour moi une épaisseur inédite. La joie qui s'y annonce, tant dans le récit évangélique que pour nous aujourd'hui dans la manière de vivre cette fête, que nous soyons croyants ou non, la fraternité à laquelle elle introduit, prennent corps dans un drame d'exclusion, de migration et de persécution. Noel ne tombe pas à côté de la vie du monde.