CÉLESTIN
Alors, on retourne sur terre? ... Mon offre tient toujours, vous savez. Voulez-vous y retourner en roi? ...
L'INTELLECTUEL
Les rois s'ennuient.
CÉLESTIN
En prieur?
L'INTELLECTUEL
Ils appellent la mort comme une délivrance.
CÉLESTIN
En enfant?
L'INTELLECTUEL
Les enfants vieillissent.
CÉLESTIN
En idiot?
L'INTELLECTUEL
Ils ne pensent pas ... J'y retournerais en oiseau. En aigle.
CÉLESTIN
Il y a les fusils. Ici, l'espace est vierge.
L'INTELLECTUEL
Je voudrais dormir.
Célestin : Taisez-vous ! Silence ! Plus un mot ! Pire que ça : sortez ! Allons ! Et pas d’écorniflage ! Je vais vous en faire , moi, des « petites santés » puis des « Terre de vos aïeux » (Il tousse. Bouleversé, à Satan.) Combien de temps ?
Satan : Aller-retour.
Célestin : Tu prendrais la tête de cette révolte ?
Satan : « Expédition » Pourquoi toujours les grands mots ? « Expédition ».
Célestin : Tu prends sur tes épaules…
Satan : Oui, Célestin. N’avons-nous pas mérité de vacances ? Depuis des siècles de compilations, de dossiers, d’interrogatoires, de procès ? Tout chérubins que l’on soit, nous avons les yeux fatigués et le dos rond d’avoir tant travaillé. Au téléphone parfois, tu as une voix de vieillard épuisé. Je vais te donner deux bonnes raisons : Sommes-nous moins que les hommes ? Et les hommes vont dans la lune pour se changer les idées. Deuxièmement : on connaîtra mieux cette race ayant vécu avec elle. Riches de cette expérience pratique, notre travail en bénéficiera pour la grande gloire de Dieu.
Célestin : Pour la plus grande gloire de Dieu ??
Satan : Pour la plus grande gloire de Dieu !
Pages 138-139.
«De la souffrance, je ferai mon amie. Je m'en vêtirai comme d'un vêtement, par respect pour l'homme qui commence sa vingtième heure dans un train d'Europe à la recherche de sa femme; pour celui qui a payé, hier, le crime commis il y a cinq siècles; pour le garde-côte qui fait sa ronde; pour l étudiant qu'on interroge; pour la perdrix qui saigne, la jolie femme qui prépare le repas de la brute, les petits chats qui naissent, le canard qui fuit la balle; pour la fille qui travaille de nuit et le pianiste en sanglots ... »
Célestin : Indigestion aiguë ?
L'habitant : Ben oui. C'est-y bête ! Gros dîner, grosse boisson, gros ralliement, la musique, les discours, la chaleur ; j'ai pris plus que mon quota, flouc ! je suis parti comme une tape ! Dret-là sur ma chaise, pas de prêtre, pas de cierge, pas de confession, en plein milieu de "Il a gagné ses épaulettes" que j'ai rendu.
Célestin : Quoi ?
L'habitant : Mon dernier soupir. Mes voisins pensaient que je faisais des farces. Je les vois rire, puis mon oeil s'est éteint.
Satan : (Qui a écouté. Avec pitié) Tut, tut, tut, tut, tut !
Célestin : (A Satan). Je vais m'occuper de monsieur.
Satan : (Fait signe que oui et reprend modestement sa marche).
Célestin : Evidement, la mort subite, c'est la mort subite.
L'habitant : Oui. Ca surprend toujours un peu, malgré ce qu'on nous dit au petit catéchisme.
Célestin : Voyons ce qu'on peut faire. Vous avez des amis de ce côté-ci ?
L'habitant : Certain. Ma mère, mon père. Esdras le plus vieux, Finette ma nièce emportée au berceau, j'ai une vieille tante qui faisait quasiment des miracles ; j'en ai, certain.
Célestin : Hélas, le salut, c'est une affaire de chacun.
L'habitant : Je m'en doute.
Célestin : On ne peut pas sauver une âme de force.
Pages 71 à 73.
Quand on n'a pas le moyen de perdre une vache et qu'on la regarde mourir étendue dans l'herbe, seul avec elle dans le fin fond des champs, qu'il y a ni vétérinaire, ni remède, on fait le geste de la mort et on creuse un grand trou à côté. On revient avec sa pelle ronde sur le dos et sa masse dans la main. La solitude est un mot qui prend des proportions; on se dit: «Je deviendrai riche par tous les moyens».
L'émission complète à découvrir ici : https://www.web-tv-culture.com//emission/yves-duteil-chemins-de-liberte-52748.html
50 ans de chansons. Voilà un artiste qui a su traverser le temps, avec simplicité et humilité, accompagné par un public fidèle.
50 ans après ses débuts, Yves Duteil refait le chemin avec nous. Un coffret 4 CD vient de paraitre chez Bayard Musique avec 72 chansons incontournables.
Mais cet anniversaire est aussi l'occasion d'un livre dans lequel le chanteur revient sur ce parcours.
Sachant habilement mêler les notes et les mots, Yves Duteil a tracé son sillon avec persévérance, ne se laissant pas aller au chant des sirènes de la célébrité et résistant à toutes les moqueries et attaques qui lui tombèrent dessus à certains moments de sa carrière.
Il revient sur ces instants-là dans ce livre écrit sans chronologie, comme un simple livre de souvenirs dans lequel les chansons font écho aux moment vécus.
S'il rend largement hommage à son épouse Noëlle qui l'accompagne depuis ses débuts, il nous raconte aussi les grandes rencontres de sa vie, celles qui ont forgé l'homme qu'il est aujourd'hui.
De son premier succès « Virages » en 1972 à son dernier album en date « Respect » paru en 2018, Yves Duteil a composé des centaines de chansons qui toutes, touchent au coeur. Qu'il aborde des sujets de société ou raconte nos vies dans leur fragilité et leurs bonheurs, il sait mieux que quiconque jongler avec les mots et trouver les mélodies qui résonnent en vous pendant longtemps. « Ta tarentelle », « Dreyfus », « La langue de chez nous » ou « Prendre un enfant par la main » sont devenus des classiques de la chanson française.
Véritable poète, digne successeur de Trenet, Brel, Felix Leclerc, Brassens ou Barbara et autres grands noms de la chanson française, on croise aussi sur sa route Souchon, Renaud ou Véronique Sanson.
Homme pudique et discret, Yves Duteil entrouvre la porte de son jardin secret. Et l'on retrouve dans ce livre cette écriture sensible et délicate qui font d'Yves Duteil un artiste à part.
« Chemins de liberté » d'Yves Duteil aux éditions de l'Archipel.
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