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EAN : 9782715255692
640 pages
Le Mercure de France (11/03/2021)
4.2/5   5 notes
Résumé :
C'est l'allemand et non le russe qu'étudie Jules Legras à l'École normale supérieure. Mais ce germaniste, né en 1866, regarde plus loin à l’Est et dès 1892, il part découvrir la Russie et y apprendre sa langue pour devenir l'une des grandes figures des études françaises du monde slave.

Sa rencontre avec la Russie a lieu loin des fastes des cercles aristocratiques si souvent décrits par les voyageurs français. Jules Legras se confronte à l'âme russe vé... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
En Sibérie
Jules Legras 1890

Suivre Jules Legrasen Sibérie dans les années 1890, autant appeler ça : " un front pionnier en terre inconnue suscitant toutes les convoitises". On n'y trouvera pas la bien nommée Norilsk, ville de tous les cauchemars, revisitée par un autre français, plus déjanté, dans les années avant-Covid pour la simple raison que Norilsk n'existait pas.

Bon entre-temps un certain Staline est passé par là et le moins qu'on puisse dire est qu'il n'a pas fait dans la dentelle pour en faire une ville fantôme, évidemment pire que des intentions macronesques envers les anti-vax, pour ériger des avenirs qui n'ont pas autre chose à voir qu'avec la mort !..

Je suis sûr que Jules Legras aurait croqué quelques belles lignes sur Norilsk dans sa stupéfiante dimension comme le pionnier qu'il fut écrivant si bien ses sentiments sur ses découvertes, fort d'une riche culture occidentale, explorant un monde semi-oriental qui conserve beaucoup de secrets pour nous. Mais connaissant un peu ce Jules Legras par sa prose et sa bio, un peu fou à vrai dire, la légendaire Norilsk ne lui aurait pas échappé, elle eût été pour lui ! Dans le fond il l'a suggéré dans l'inconscient, l'invincible, l'intrépide russe qu'il décrit si pertinemment dans ses livres, il est allé aussi à la rencontre de lui-même et de ses propres limites humaines. Il a pris soin d'emporter dans ses bagages, la maîtrise du russe qui s'est amplifiée comme boule de neige au fur et à mesure de ses pérégrinations sibériennes ; j'y vois là aussi une intelligence !

Qu'a de si fascinant Norilsk l'inhumaine ? de se dire qu'au moins personne, aucun impérialiste au monde ne viendra les "emmerder" à cause de tout ce qu'elle présente d'inhospitalier peut revêtir en effet un certain orgueil. Il est concevable que le mal vivre dans le monde moderne le dispute aux plus toxiques fumées de l'exploitation du nickel que crachent la ville à tout instant dans son ciel extraordinairement bas. Là-bas au moins on a une prime pour le restant à vivre diminué d'autant !..

Peut-être sont-ils tous à fêter la Noël russe ce soir, à entendre religieusement à la télé se perpétuer la liturgie orthodoxe du patriarche Cyrille, les chants magnifiques s'élevant dans les hauteurs de voute de la Cathédrale du Christ Sauveur, dans un élan unanime et qui sait si ces moments de félicité arrachés à leur sort si sévère ne sont pas l'équivalent d'une année de labeur comme dans le monde d'avant français où l'on devait se contenter d'un cadeau par an. Il est probable que certains d'entre eux ont déserté Norilsk pour les fêtes et ont rejoint leurs foyers respectifs plus cléments mieux arrimés à la terre ferme. Quand le monde de l'abondance décline et que l'Amérique cesse d'être un eldorado..
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Au Pays russe (1890) suivi de Voyage en Sibérie.
Jules Legras

Jules Legras auteur français éminent spécialiste du monde slave fin 19e, début 20 e siècle, s'est intéressé dans son livre notamment à la personnalité de S.T. Aksakov. Il dit ceci de ce chantre de la nature, l'auteur des Mémoires d'un pêcheur, des Mémoires d'un chasseur du gouvernement d'Orenbourg, des Chroniques de famille .. " Plus rien qui rappelle la phrase pomponnée de Gogol : Aksakov écrit une langue soignée, mais d'une transparente simplicité, et qu'il agrémente d'une foule de jolies expressions populaires. Lorsqu'on a fermé un de ces volumes et qu'on se demande où en réside le principal attrait, on a l'impression que l'élément capital du charme éprouvé, ce ne sont pas seulement la nouveauté du sujet et le savoir-faire de l'auteur, mais une extraordinaire franchise reposant sur un admirable équilibre mental. Dans cette Russie où, tant de fois, nous nous heurtons à des désespérés, à des violents, à des détraqués même, en tout cas à des écrivains qui ont souffert, Aksakov nous offre l'image d'un homme heureux, qui a beaucoup de talent, une grande modestie, un charme inépuisable et un parfait équilibre mental. C'est un repos que de passer avec lui quelques heures".
Gogol lui adressa ce compliment : Vos oiseaux (dans la netteté de ses tableaux) sont plus vivants que les hommes que je peins.

Ah, j'aime quand Jules Legras dit d'Aksakov qu'il est "d'une extraordinaire franchise ou d'une transparente simplicité.." J'ai le sentiment que cela devrait prévaloir tout le temps chez un écrivain !

Oui on peut comprendre que le charme d'Aksakov ait opéré sur Jules Legras notre essayiste brillant qui était attiré par la Russie profonde, sa nature immense , le pouls réel du pays, bien loin des cercles aristocratiques dont la plupart des écrivains de voyage se font les choux gras ..

Jules Legras esthète n'a pas fait les choses à moitié quand il s'est entiché pour les belles lettres slaves après celles du germanisme : il a appris le russe, a sillonné le pays de Moscou à Vladivostok, sans oublier les steppes de l'Oural, a tenu avant d'écrire à s'inspirer de choses authentiques jusqu' à temps qu'il en découvre les secrets. Ce n'est rien d'autre que l'expression du savoir et la chasse aux superficialités qui caressent l'épiderme. Sa démarche intellectuelle n'est pas sans me rappeler celle du spécialiste contemporain français de tolstoï et Pasternak, Michel Aucouturier
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Quand deux Russes se rencontrent, en dehors des affaires, s'ils sont du peuple, ils boivent ensemble ; s'ils sont de la société, ils jouent aux cartes. Les cartes, c'est la passion avouée de la société russe. Comment, sans elles, tromper l'ennui des interminables hivers ? Travailler ? lire ? on en est bientôt las. Rêver ? l'horizon est si triste ! Le Slave, avide d'émotions, préfère jouer. Il aime les nuits passées à la lueur des bougies autour de la table verte, les cendriers qui peu à peu s'emplissent de cartons de papirosses, la table qui se blanchit sous les longues additions inscrites à la craie, à même le tapis, et imparfaitement effacées, de temps à autre, avec une brosse dure. Un souper, modeste ou luxueux, coupe la nuit. C'est le seul moment où l'on cause, car, en jouant, on ne cause pas, sinon du jeu. N'est-ce pas là encore un des précieux avantages des cartes ? vous permettre d'être en compagnie, tout en vous épargnant la fatigue vaine de causer.
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Cette voie modeste est un terrible et brutal instrument de progrès et d'invasion. Grâce à elle, arrivent dans les solitudes vierges des hommes qui, n'ayant subi, avant de les atteindre, aucune peine, aucune fatigue, aucune terreur, n'ont pas pour elles le respect qu'avaient même les premiers envahisseurs. Fiers de leur expérience occidentale, ces hommes apportent dans la taïga des idées nouvelles, des appétits nouveaux : c'est ce qu'ils appellent civilisation. Nulle part je n'ai senti d'une façon plus poignante ce qu'il y a de cruel dans ce beau mot. Nulle part non plus, je n'ai mieux percé l'hypocrisie dont nous nous masquons, quand nous parlons de progrès et de conquête pacifique. La prétendue "conquête pacifique d'un pays par la vapeur", c'est l'application rigoureuse d'une loi économique, c'est-à-dire d'une loi méchante, sans égards ; c'est la spoliation réfléchie, impitoyable, monstrueuse, du moins armé par le plus armé, du plus sobre par le plus affamé. Voilà tout ce que symbolise à mes yeux ce joujou
d'acier qui serpente à perte de vue par les bois.
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Le choléra se rapproche. Il est à Nijni depuis plusieurs jours, et voilà que des fuyards l'apportent dans les villages. Les médecins et les infirmières sont devenus indispensables dans la capitale de la province, où la grande Foire annuelle est ouverte : ils nous quittent presque tous. Nous nous soignerons comme nous pourrons. Des nouvelles graves nous proviennent de la basse Volga : des émeutes y ont éclaté dans les villes, surtout à Astrakhan, où des médecins ont été tués, et où les Cosaques ont dû charger la foule. La populace, ignorante, accuse les médecins d'empoisonner les malades : les injections sous-cutanées contiennent, d'après elle, un poison subtil. Le bruit s'est répandu là-bas que le Tsar a vendu à l'Angleterre le droit de dépeupler par ce moyen quatre provinces ! De toutes parts les bruits les plus absurdes se redisent à l'oreille.
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Pierre Pascal écrit : " Sous la plume de Jules Legras, on chercherait vainement l'abstraction, la science sèche ou l'érudition. Tout chez lui venait de la vie et retournait à la vie"
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« Contempler la nature devrait être la religion de tous les hommes »
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