Quand les visiteurs du musée du Louvre ont gravi l’escalier du pavillon Sully, traversé la salle La Caze, puis la salle Henri II, ils pénètrent dans ce grand salon nommé salle des Sept Cheminées ; qu’ils imaginent cette salle réduite de moitié et partagée en deux pièces : ces deux pièces formaient, avec un cabinet voisin, tout l’appartement privé de Henri IV. Au-delà, dans les bâtiments ayant façade sur la Seine, commençait l’appartement de Marie de Médicis.
Henri IV se contentait de cet étroit logement : la représentation n’était pas de son goût et il en prenait à l’aise avec l’étiquette. Sa rude existence de guerres et d’aventures l’avait rendu insouciant de ce que nous appelons le confort, chose et mot qui n’étaient pas inventés à la fin du XVIe siècle.
On peut grâce aux récits des mémorialistes et des historiens se représenter parfaitement en quoi consistait une journée de Henri IV au Louvre ; et c’est bien différent de ce que sera, soixante ans plus tard, la pompe de Versailles !
Exemple : un 1er janvier, Sully et quelques courtisans pénètrent dans la chambre conjugale où dort le Vert Galant dans le même lit que sa femme ; leurs rideaux sont fermés ; entendant du bruit, le roi s’éveille, tire la courtine et souhaite la bonne année à ses familiers ; puis, leur montrant la reine qui, le dos tourné, semble dormir à poings fermés : « Non, dit-il, elle ne dort pas ; elle est furieuse ; toute la nuit elle n’a fait que me tourmenter... » Il sort du lit et, jambes nues, en chemise, il emmène son ministre dans son cabinet voisin où il continue à maugréer sur le mauvais caractère de sa femme et les scènes continuelles qu’il doit supporter. Le déjeuner du matin se compose d’un bouillon, apporté solennellement des cuisines par deux gentilshommes de la chambre, escortés de deux archers, d’un écuyer tranchant, d’un garde-vaisselle et d’un sommelier de la paneterie royale ; ce cérémonial a été ainsi réglé du temps de Henri III et si Henri IV s’y astreint, il doit juger, à part lui, que voilà bien des affaires pour un simple bouillon ; car s’il se soumet, lorsque c’est indispensable, aux contraintes de la tradition, il exige, quand il n’est pas en représentation, la plus grande liberté d’allures. Sa toilette est vite expédiée, encore qu’on lui procure, pour les ablutions matinales des éponges à 6 livres l’une, et, pour le soin de sa chevelure grise, des peignes d’ivoire ; s’il use de ces raffinements, c’est de façon rapide et sommaire, au dire de ses familiers – et comme cette négligence a pour résultat certains inconvénients sur lesquels il est inutile d’insister, le roi, pour y remédier, s’inonde de parfums – violette, ambre grise, musc – dont la reine, qui, elle, prend « de temps en temps » des bains, possède une pharmacie complète qu’entretiennent des distillateurs, voire des sorciers réputés.