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Céline Leroy (Traducteur)
EAN : 9782742796397
255 pages
Actes Sud (02/03/2011)
2.87/5   26 notes
Résumé :
Présentation de l'éditeur :

Les déboires et désarrois d’Andrew Whittaker, écrivain frustré, homme maudit (et vice versa) fondateur, rédacteur en chef et probablement unique lecteur de Mousse, obscure revue littéraire en péril, narrés par le menu à travers sa volumineuse correspondance tous azimuts laquelle, incidemment, constitue ses oeuvres complètes. Un autoportrait tragicomique et sans pitié. Le nouveau roman de l’auteur de Firmin. Après avoir déto... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
La Feuille Volante n° 1157
La complainte du paresseuxSam Savage Actes Sud
Histoire principalement tragique d'Andrew Whittaker, réunissant l'ensemble irrémédiablement définitif de ses oeuvres complètes
Traduit de l'américain par Céline Leroy

Ce roman s'ouvre sur une citation de Fernando Pessoa, ce qui, pour moi, ne pouvait être qu'un bon présage.
Andrew Whittaker est un geignard impénitent et tout lui est bon pour râler et se plaindre dans les lettres qu'il envoie à l'entour. Ce sont les les travaux dispendieux et les loyers de son petit patrimoine immobilier qui ne rentrent pas, les invectives qu'il envoie à la banque où il ne peut s'empêcher de raconter sa vie dans les plus petits détails et quand il s'adresse à un correspondant, les termes de ses courriers oscillent entre la mythomanie, les rodomontades et les menaces. Il n'omets jamais de parler de sa revue poétique moribonde, « Mousse », dont il se baptise pompeusement « rédacteur en chef » alors qu'il est seul à la rédiger (et sans doute à la lire) et dont il tente d'assurer la survie en multipliant vainement les appels de fonds et en sollicitant de vieux amis auteurs qui ont réussi mieux que lui dans le métier des Lettres, mais en leur précisant qu'ils ne seront pas payés pour leur prestation, ce qui n'est évidemment pas de nature à les motiver. Cette revue est d'ailleurs l'objet de railleries de la part de la concurrence et de l'ignorance des médias! Pour faire illusion, il lui arrive même de se cacher derrière l'identité d'un lecteur inventé et d'écrire à la presse locale pour vanter les qualités littéraires de « Mousse » et la personnalité hors du commun de son directeur, c'est à dire lui-même ! Il se prétend découvreur de talents, mais abuse de sa sacro-sainte « ligne éditoriale » pour refuser tous les manuscrits qu'on lui envoie, ce qui est une manière peu élégante de la part d'une revue miséreuse qui n'a pas les moyens de ses ambitions littéraires. Cela ne l'empêche pas de faire des allusions appuyées à des manifestations culturelles organisées par ses soins et couronnées par une remise de prix minable, et qui n'aura évidemment jamais lieu ! Et Quand il s'invite aux démonstrations culturelles organisées par d'autres, c'est simplement pour y faire scandale ! Quant à la gent féminine, il lui arrive bien plus souvent qu'à son tour de s'adresser à elle, mais avec une goujaterie consommée ! Il déplore aussi sa solitude, sa chère épouse, Julie, s'est envolée, et le souvenir d'une éphémère passade avec une autre femme ne suffit pas à l'apaiser. Puis c'est sa voiture qui va rendre l'âme, sa ligne téléphonique qui est coupée et sa mère qui perd la tête et finalement meurt, quand il ne se répand pas dans des épîtres pleines d'acrimonies pour dénoncer le sort qui est fait à sa revue dont il précise abusivement qu'elle a une « résonance nationale » dans cette Amérique profonde des années 1970. Bref il croit que tout le monde lui en veut et il est devenu complètement paranoïaque, misanthrope, désespéré et écrit tout cela dans des missives pathétiques, des brouillons de romans, des listes de courses, le tout étalé sur quatre mois de sa triste vie. Pour corser le tout il prétend commencer à sentir les effets du vieillissement, alors qu'il n'a que 43 ans ! Ses lettres successives sont un long monologue où, quand il n'est pas cynique, il ne parle que de lui, illustrant à sa manière le solipsisme qui est souvent le propre de l'écrivain, parce qu'il est aussi un écrivain, mais un écrivain raté, comme en attestent les nombreux passages de romans qui ne paraîtront jamais parce qu'ils ne s'inscriront pas dans une intrigue, ne seront jamais suivis de développements et d'épilogues. Quant au monologue qui est la conséquence de son isolement prolongé et sans doute définitif, l'écriture, qui est l'essence même du soliloque, n'est là que comme un pis-aller où le surréalisme comique le dispute au sérieux le plus consommé au point qu'on se demande s'il ne croit pas lui-même à sa propre comédie. Pourtant, il ne reçoit apparemment pas de réponse puisque cet ouvrage n'en fait pas état, ses correspondants devant depuis longtemps être lassés de ses incessantes jérémiades, ce qui aggrave son état de déréliction. En fait, j'ai découvert une sorte d'ours, malheureux, malchanceux et que menace la folie peut-être parce qu'il a passé sa vie à rêver à quelque chose qui ne se réalisera jamais, ou il veut a toute force se jouer à lui-même une bouffonnerie où il a une importance qu'il n'aura jamais. Cet Andrew est vieux avant l'âge mais je dois admettre qu'il incarne tous ceux, et ils sont nombreux, qui voulaient vivre de leur talent mais qui n'ont pas connu le succès. En se dessinant de cette manière, à petites touches, il évoque lui-même le paresseux auquel il dit ressembler ; cet animal placide et solitaire, qui porte le nom de « aïe », lui correspond bien, lui qui passe son temps à se plaindre ! Et la comparaison ne s'arrête pas là.
Le style est débridé, parfois humoristique voire caustique, parfois ironique mais étonnamment vivant et je ne me suis pas ennuyé au cours de cette lecture. A l'instar de Rabelais qui voulait qu'on brisât l'os pour en goûter la substantifique moelle, j'ai choisi de dépasser cette dimension caricaturale pour rencontrer un personnage torturé qui attend la mort comme une délivrance parce que sa vie n'a été qu'une succession d'échecs. En attendant cette échéance, il farde ses accès de révolte sous le rire (ou le sourire), ce qui lui permet de supporter le tragique de sa propre existence et on hésite entre quelqu'un qui a effectivement perdu la tête ou au contraire un homme qui, dans un étonnant excès de lucidité, choisit de siffler lui-même la fin de cette récréation dramatique.

J'ai bien ressenti l'empreinte de Pessoa dans ce roman original dans sa présentation et aussi une certaine empathie pour Andrew... et peut-être aussi pour ce jeune auteur (de 77 ans !) rencontré par hasard (La Feuille volante n° 1154 à propos de « Moi, Harold Nivenson ») dont c'est le deuxième roman traduit en français et qui nous livre peut-être, à travers ses livres, un peu de son parcours personnel.

© Hervé GAUTIER – Juillet 2017. [http://hervegautier.e-monsite.com]
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J'ai fait une mauvaise rencontre... J'ai rencontré Andy Whittaker, personne aigrie, dénuée de sentiments qui passe son temps à écrire des lettres désagréables, mensongères... Ce roman est constitué de lettres que ce "charmant" Andy envoie, courrier personnel ou professionnel, quelques annonces douteuses (ce Monsieur est, marchand de sommeil n'est pas le mot, propriétaire de plusieurs logements en mauvais état qu'il s'autorise à louer est le terme adéquat!), et parsemé de quelques paragraphes évoquant un éventuel manuscrit.
Ce pauvre Andy, ce n'est pas le premier de la classe, je ne lui cherche pas d'excuses, j'aurai du mal à en trouver, mais parfois, je l'admets, j'ai bien ri. J'ai bien ri de son écriture ironique, des ses plaintes, il passe son temps à se plaindre d'une chose ou d'une autre, il abuse, il est môche! (le "^" sur le O est mérité, non mais...!).
Ah oui, pourquoi ce titre "la complainte du paresseux"? Tout comme le paresseux, il se déplace lentement et il imite à merveille le sifflement du bébé,
Je dois bien l'avouer, il y a quelques longueurs, mais c'est normal vu le personnage!
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La vie d'Andrew Whittaker semble être en plein effondrement : son entreprise immobilière périclite entre dettes énormes et locataires qui refusent de payer leur loyer en raison de divers incidents dus à la vétusté des lieux. Son entreprise intellectuelle - une sombre revue littéraire, Mousse, dont Whittaker est le fondateur et le rédacteur en chef – ne se porte guère mieux, devenue même la risée et la cible des quolibets des rédacteurs d'autres revues plus en vogue.

On imagine Whittaker en scribouillard aux contours misanthropes, s'éloignant de plus en plus de réalité. Enfermé dans sa grande maison vétuste, il écrit sans relâche des courriers à ses locataires, à son ex-femme, aux auteurs qui soumettent des textes à Mousse, au quotidien local, à la banque, à quelques rares amis, souvenirs d'une ancienne vie. Il rédige aussi des listes de courses, des messages du syndic ou encore des petites annonces faisant miroiter la belle vie à de futurs locataires naïfs. Et puis, ponctuant ces écrits tantôt acerbes, tantôt plaintifs, tantôt méchants et méprisants, parfois lucides aussi, quelques extraits de manuscrits. Et petit à petit, à travers cette logorrhée épistolaire, le personnage ambigu de Whittaker prend forme : un homme peu attachant, solitaire, un brin parano, un brin pervers aussi. Un homme qui glisse peu à peu dans la folie, fatigué du monde et de lui-même.

Un roman épistolaire enlevé (malgré quelques longueurs en toute fin) où l'on passe du rire franc au grincement de dents. On y assiste impassible à la chute d'un homme qui s'est nourri d'illusions, rêvant en bonne partie sa vie. A l'image du paresseux, curieux animal qui finit sa vie totalement solitaire et envahi par la mousse de l'arbre duquel il ne bouge plus, Andrew Whittaker s'enfonce dans le désoeuvrement, dans une vie qui n'a plus de prise avec la réalité. En pleine déliquescence, il paie le prix du vide qu'il a créé autour de lui. Une drôle de tragédie à découvrir !
Lien : http://lencreuse.over-blog.com
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Comment fait la littérature américaine pour nous offrir autant de perdants magnifiques, perdus dans leurs recherche de gloire et de reconnaissance ?
Andrew Whittaker est l'un de ces anti-héros, qui vient se fracasser sur le grand rêve américain. Lui, son divorce, sa petite revue littéraire qu'il porte à bout de bras, ses locataires, sa famille, et son hilarante misanthropie se succèdent dans ce surprenant et magnifique roman épistolaire. Sam Savage joue à l'écrivain qui écrit sur l'écrivain, mais cette mise en abîme n'est jamais lourde ou confuse, et l'on n'en vient presqu'à s'attacher à cet horrible orgueuilleux qui en veut à la terre entière.
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Je n'ai pas réussi à m'intéresser à cette suite d'anecdotes. Trop déprimant de voir une personne essayer de changer le cours des choses par la magie des mots. Ce point de vue unique sur une triste réalité souffre de ne pas être contrebalancé par le point de vue de ses correspondants, leur absence participe peut-être au délire de l'auteur. Je n'ai même pas réussi à sourire des situations ni des obsessions annoncées comme irrésistibles par l'éditeur. Bref, j'ai vite abandonné !
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
J'ai la tête qui tourne un peu et je n'arrive pas à fermer l'oeil. Je reste allongé sur le canapé du salon. La lumière bleue qui baigne la pièce produit une impression de calme.
Ou alors je m'asseois sur la chaise rouge au milieu des cartons. C'est comme si j'attendais dans une gare, entouré de mes bagages. Je suis surexisté. Et je me demande : Mais où est donc ce fichu train?
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J'imagine qu'il m'est facile de te confier ces choses parce que je ne me souviens pas très bien de toi. C'est un peu comme de parler à un meuble, mais avec le charme additionnel, dans ton cas, que le meuble comprend, ou du moins fait semblant.
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Je pars parce que je m'ennuie, parce que j'ai peur, parce que je suis triste. Et surtout parce que mes plaisanteries ne me font plus rire. Quand j'y repense, je me demande même si elles n'ont jamais été drôles, ou si c'est mon rire qui m'a fait croire à leur drôlerie.
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en attendant, je m'exerce et je crois être parvenu à une imitation très fidèle de la complainte du paresseux. Je place fermement mes pousses sur mes narines afin de bien les boucher. Puis je produis un ébrouement vigoureux tout en retirant d'un coup les doigts de mon nez d'un vif mouvement vers l'avant. Ce qui entraine un sifflement sonore que j'imagine assez proche du cri du bébé paresseux. Je l'ai testé à la poste l'autre jour quand la guichetière m'a dit que je n'avais pas suffisamment affranchi mon paquet. C'était une petite créature craintive, alors tu imagines l'effet produit quand mes pouces ont volé dans sa direction, en faisant éclater ce bruit à sa tête. A l'avenir, j'utiliserai toujours cette méthode pour exprimer mon mépris...
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C'est bizarre comme les manies les plus irritantes de personnes qu'on aime peuvent sembler attendrissantes lorsqu'elles ont disparu, les personnes, je veux dire.
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