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EAN : 9782721007285
Editions des Femmes (22/10/2020)
3.93/5   7 notes
Résumé :
Coffret anniversaire, à l’occasion du centenaire de la naissance de Clarice Lispector, contenant :

La Passion selon G. H. est un classique incontournable de la littérature brésilienne contemporaine, dont l’intrigue repose sur quelques éléments à peine: un évènement apparemment banal fait irruption dans le cours habituel des jours et provoque un séisme intérieur foudroyant. G.H., une artiste v... >Voir plus
Que lire après La Passion selon G.H. - L'Heure de l'étoileVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
"À l'occasion du centenaire de la naissance de l'écrivaine brésilienne Clarice Lispector, Les éditions des femmes font paraître un petit coffret réunissant deux de ses romans : La passion selon G.H. et L'Heure de l'étoile, accompagnés d'un livret illustré. Cela nous permet de découvrir ou redécouvrir cette éblouissante et inclassable romancière, dont la palette littéraire comprend aussi des chroniques, des contes et des nouvelles.

La passion selon GH décrit l'expérience de dépossession et d'homéostasie mystique avec ce qu'elle appelle le neutre, le rien, le Dieu, d'une femme artiste assez aisée, dans un environnement en rapport avec sa condition, à l'occasion d'un évènement d'apparence triviale : Sa bonne ayant rendu son tablier, elle décide d'aller nettoyer la chambre où celle-ci vivait, en attendant la venue de la suivante. Entrant dans ce lieu incompréhensiblement vide et propre, elle découvre une fresque représentant les silhouettes d'une femme, d'un homme et d'un chien. La propreté insolite de la chambre vide commence à décaler les perceptions « À moins qu'il n'eût existé une façon de tomber dans un puits en toute horizontalité, comme si l'immeuble avait subi une légère torsion et que j'avais glissé en étant déversée de porte en porte jusqu'à cette porte plus haute. » Et la fresque énigmatique prépare GH à la rencontre avec une blatte énorme qui va littéralement l'aspirer jusqu'aux formes de vie les plus élémentaires, l'entraînant par le meurtre dans cet espace muet et démesuré où elle va connaître la fusion, sans jamais complètement pouvoir s'y abandonner. (...)
Par ses élans de beauté lyrique et ses métaphores ou ses allégories, ce texte est tout à fait comparable à ceux des grandes mystiques du moyen-âge, quoique les béguines soient complètement centrées sur l'amour, ce qui n'est pas le cas de Lispector : d'abord elle parle par la voix d'un personnage, GH, ce qui décentre son propos même s'il est à la première personne. Ensuite l'amour pour GH est secondaire, elle ne cherche pas l'anéantissement ou l'embrasement, mais simplement à voir, à percevoir cette matière unique du temps, de la vie, de ce qu'elle appelle rien, insipide, vide, le Dieu, et qu'elle décrit si prodigieusement à travers de bouleversantes réminiscences. (...)
A l'instar de ces sociologues ou ces anthropologues qui vivent des expériences de possession ou de transe sans que leur esprit positiviste ne l'empêche ni n'en soit amoindri, Lispector nous livre le récit déroutant, adhésif et traversé de fulgurantes beautés de l'expérience mystique d'une femme du XXe siècle."
Lonnie dans Double Marge (Extrait)
Lien : https://doublemarge.com/coff..
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À l'occasion du centenaire de sa naissance, les éditions des femmes sortent une nouvelle traduction des oeuvres de Clarice Lispector, auteur brésilien essentielle pour Antoinette Fouque, au demeurant mal connue chez nous.
La dame a la réputation d'être difficile. Et ce n'est pas qu'une réputation ! Il faudrait pour la lire être son traducteur et bûcher jour après jour sur l'étrangeté et la précision de sa langue. À défaut, la lire lentement et naviguer, comme il se doit, entre répulsion et fascination, hésitant à entrer dans le livre comme la narratrice temporise devant l'insecte répugnant qu'elle a délogé du fond d'une armoire aussi écailleuse que la blatte.
Au bout de 200 pages, G.H. mangera non pas l'insecte mais la substance blanche qui en sourd et qui symbolise la permanence de la vie, proche du sperme ou du lait maternel.
Comment en arrive-t-on à vouloir bouffer une blatte ? On peut lire cette « Passion » comme une cérémonie cultuelle, une grand messe qui culmine avec cette eucharistie à peine moins répugnante que celle à laquelle nous sommes habitués, sinon que l'on y célèbre moins J.C. que G.H. (le genre humain ?). On peut aussi y suivre la lente dépersonnalisation d'une bourgeoise habituée à se satisfaire de n'exister que par le regard vaguement bienveillant des gens de son monde. La voilà qui pénètre dans la chambre de sa bonne remerciée, qu'elle avait reléguée au milieu des chiffons à poussière et dont elle découvre avec surprise le lieu de vie organisé et monacal. Dans ce lieu étranger au coeur de son appartement, une figure dessinée par la bonne, et qui la représente, elle : soustraite à ses certitudes, la narratrice découvre alors la blatte, figure de la vie permanente, grouillante et venue du fond des âges. Prise de vertige, elle contemple l'animal coincé dans la porte du meuble et y voit un visage de femme, y voit l'humanité et s'y perd dans la contemplation du divin. Au rebours de la Genèse, G.H. va faire le vide en elle et remonter du monde organisé à l'altérité, à l'inhumanité, au néant, au neutre. Dans son extase, la blatte et elle fusionnent mais l'indistinction prendra fin lorsqu'elle vomira l'insecte à peine avalé.
Il faut renoncer au mysticisme et à la béatitude, nous dit cet épilogue. Et malgré toutes les exactions commises par les hommes (et Clarisse Lispector en connaît un rayon là-dessus, petite juive née en Ukraine en 1920…), échapper à la contemplation et à la « fuite impardonnable » hors de la condition humaine.
Bref, faire d'un cafard un cosmos et le regarder dans les yeux pendant 250 pages, c'est quand même sacrément plus culotté que l'absence de sujet cher à Gustave Flaubert qui s'imaginait avoir écrit un roman sur rien dès lors qu'il racontait les extases adultères d'une bourgeoise normande. Petit joueur, va.
Moi aussi, j'ai mis mes yeux dans ceux de G.H., plongé dans le stream of consciousness et expérimenté l'ennui dont Roland Barthes prétendait qu'il signalait l'inconfort qui prélude à la jouissance d'un texte novateur et renversant. Mais si j'ai poliment accompagné la dame jusqu'au bout et apprécié la performance, je suis restée de marbre devant ce mysticisme à sang froid.
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Avant toute chose, un grand merci à Masse Critique de Babelio et aux Éditions Des Femmes pour ce magnifique coffret du Centenaire. C'est un très beau coffret, composé de deux livres de Clarice Lispector, d'un petit livret, avec des belles photos de couverture (coffret + livre).

Il m'est assez difficile de « raconter » les deux livres de ce coffret. Clarice, on l'aime à la folie ou pas du tout. Pour moi c'est à la folie. L'oeuvre de Clarice Lispector est à l'opposé de lire du feel good. Sa lecture n'est pas aisée, je dirais qu'elle se mérite. Tout dans son oeuvre invite à la réflexion, à l'introspection. C'est une lecture qui se fait lentement, tout en profondeur, et « La passion selon G.H. » et « L'heure de l'Etoile » n'y font pas exception.
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Tout d'abord, une mention particulière pour la très belle photo qui orne le coffret (je vais regretter qu'il quitte ma table de chevet…)

La Passion selon G.H., bien que réputé incontournable, ne m'a pourtant pas vraiment… passionné.
Les quelques bribes éparses de la narration qui servent de cadre au récit, mises bout à bout, n'occuperaient pas une page : une femme, dont on ne connaîtra pas même le nom, écrase une blatte. Et cela l'entraîne peu à peu dans une rêverie éveillée qui se transforme rapidement en crise mystique.
L'introduction du récit, difficile à appréhender, sauf peut-être à la lire à la fin, n'aide pas à se plonger dans le livre. Mais, passé ce premier chapitre, la lecture devient attrayante, avec un style très abordable malgré le côté intellectuel. Pour autant, et bien qu'ayant trouvé à de nombreuses reprises de beaux passages dans cette longue introspection, dans cette perception de l'univers, le côté résolument mystique a fini par me lasser et j'ai eu un certain mal à me motiver pour aller au bout du livre.


L'Heure de l'étoile m'a en revanche beaucoup plu. le narrateur y raconte quelques instants de la vie d'une jeune fille pauvre du Nordeste employée comme dactylo à Rio. Une existence simple, vide, insipide, au point que cette jeune fille ne semble pas même capable de s'inventer une vie meilleure. Il lui faudra les mensonges d'une cartomancienne pour qu'elle soit capable, pendant un trop bref instant, de rêver. Et une mort brutale pour enfin exister.
Tout au long de ce trop bref roman, le narrateur semble avoir besoin de se débarrasser de son récit. Et c'est bien dommage pour le lecteur, tellement est attachante cette existence prétendument vide !

En résumé, un joli coffret et une autrice qui mérite d'être (re)-découverte.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
Je ne comprends pas ce que j’ai vu. Et je ne sais pas même si j’ai vu, puisque mes yeux ont fini par ne plus se distinguer de la chose vue. Ce n’est que par un inattendu tremblement de lignes, par une anomalie dans la continuité ininterrompue de ma civilisation, que j’ai fait l’expérience pendant un moment de la mort vivifiante. La mort raffinée qui m’a fait palper le tissu interdit de la vie. Il est interdit de dire le nom de la vie. Et je l’ai presque dit. À peine si j’ai pu me dépêtrer de son tissu, ce qui serait la destruction en moi de mon époque.
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– Je me souvins de toi, quand j’avais embrassé ton visage d’homme, lentement, lentement l’avais-je embrassé, et quand était arrivé le moment d’embrasser tes yeux – je me souvins que ce fut alors que j’avais éprouvé le goût du sel dans ma bouche, et que ce sel de larmes dans tes yeux était mon amour pour toi. Mais ce qui m’avait le plus renvoyée à une frayeur de l’amour, cela avait été, au fond du fond du sel, ta substance insipide et innocente et infantile ; à ce baiser ta vie la plus profondément fade m’était donnée, et baiser ton visage était, insipide et appliqué, un patient travail d’amour, c’était une femme tissant un homme, tout comme tu m’avais tissée, neutre artisanat de la vie.
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…entre deux grains de sables si contigus soient-ils il existe un intervalle, il existe un sentir qui est entre-sentir – dans les interstices de la matière primordiale se trouve la ligne de mystère et de feu qui est la respiration du monde, et la respiration continue du monde est ce que nous entendons et appelons silence.
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Il faudra du courage pour faire ce que je vais faire: dire. Et prendre le risque de l'énorme surprise que j'éprouverai face à la pauvreté de ce que j'aurai dit. À peine le dirai-je, que je devrai ajouter: ce n'est pas cela, ce n'est pas cela! Mais il faut aussi ne pas avoir peur du ridicule, j'ai toujours préféré le moins au plus par peur également du ridicule: c'est qu'il y va aussi de la dilacération de ma pudeur. Je recule le moment de me parler. Par peur?
Et parce que je n'ai pas un mot à dire.
Je n'ai pas un mot à dire. Pourquoi ne pas me taire, alors? Mais si je ne violente pas ma parole le mutisme m'engloutira pour toujours dans ses ondes. La parole et la forme seront la planche où je surnagerai sur les tourbillons du mutisme.
Et si je recule le moment de m'y mettre c'est aussi que je n'ai pas de guide. Les récits des autres voyageurs me fournissent peu de données sur ce voyage: toutes les informations en sont terriblement incomplètes.
Je sens qu'un début de liberté me vient petit à petit....Car jamais jusqu'à ce jour je n'ai craint si peu que ce fût la faute de goût: j'ai écrit "tourbillons du mutisme", ce qu'auparavant je n'aurais pas dit parce que j'ai toujours respecté la beauté et sa modération foncière. J'ai dit "les tourbillons du mutisme", mon cœur s'en incline humblement, et je l'assume. Aurai-je enfin perdu tout un système de bon goût?
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J’étais attentive, entièrement attentive. En moi avait grandi un sentiment de grand espoir, et une résignation surprenante : c’est que dans ce même espoir attentif je reconnaissais tous mes espoirs antérieurs, je reconnaissais cette attention que j’avais aussi vécue avant, cette attention qui jamais ne m’abandonne et qui est peut-être en dernière analyse la chose la plus accolée à ma vie – qui sait si cette attention n’était pas ma propre vie.
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Il y a des gens qui doutent et, franchement, ça fait du bien. Savez-vous quelle héroïne de roman incarne à la perfection la femme qui doute ?
« Près du coeur sauvage », de Clarice Lispector, c'est à lire aux Editions des Femmes.
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