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EAN : 9782374252766
256 pages
Rue de l'échiquier (06/05/2021)
3.77/5   11 notes
Résumé :
En 1845, Samuel Long, jeune esclave noir d’une vingtaine d’années, réussit à s’enfuir de la plantation de son maître, en Virginie. Après avoir emprunté, le « chemin de fer souterrain » – maillage de personnes qui, depuis les États du Sud, aident les esclaves en fuite à rejoindre le Canada, il arrive au lac Walden et se lie avec le cercle des philosophes transcendantalistes : Henry David Thoreau, Ralph Waldo Emerson, Nathaniel Hawthorne, William Lloyd Garrison et bie... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Voilà un roman absolument passionnant qui nous plonge dans une période majeure des Etats-Unis, au mitan du XIXème siècle, porteuse des prémices de la Guerre de Sécession, de la montée des luttes antiesclavagistes et de la mise en place de l'Underground railroad visant à aider les esclaves fuyant les plantations sudistes à atteindre le Nord. Et cette plongée se fait sous le patronage d'Henry David Thoreau à travers le regard d'un esclave en fuite, lui fictionnel.

Forcément, c'est d'une densité folle, exigeante aussi, car l'auteur ne fait montre d'aucune réelle pédagogie pour présenter les personnages réels qui peuplent son roman ( en plus de Thoreau, les intellectuels Ralph Waldo Emerson, Nathaniel Hawthorne ou encore le journaliste William Lloyd Garrison ). C'est évident que ceux qui ont au préalable une connaissance de ces personnages apprécieront toute la subtilité du propos. Ce n'était pas mon cas, mais j'ai été tellement intéressée que je me suis documentée par moi-même, ma lecture en a gagné en profondeur ( ma culture aussi du coup ).

La première réussite de ce roman est d'éclairer le personnalité de Thoreau sous un angle peu connu. On a tendance à dissocier les deux principales facettes de sa vie : l'engagement pro-abolitionniste et sa pratique naturaliste qui en fait un des pionniers de l'écologie. le roman se déroule en 1845-46 à Concord ( Massachussets ) au moment du séjour de Thoreau dans les bois de Walden, souvent présenté comme une robinsonnade alors que c'est avant tout une décision politique : sortir du système économique fondé sur l'esclavage en refusant de payer des taxes à un Etat qui le valide ( il ira d'ailleurs en prison pour cela ). Norman Lock relie ces deux facettes de façon très convaincante, notamment lors de superbes échappées dans la nature à la Jack London.

L'autre très grande réussite réside dans le choix de faire porter la narration par le formidable personnage fictif de Samuel Long, noir lettré inspiré de Frederick Douglas ou Solomon Northup ( celui de Twelve years a slave ). A travers lui, c'est toute la condition d'esclave qui est habilement amené, de façon très subtile après une scène d'ouverture choc qui nous le présente en train de trancher sa main menottée pour s'enfuir puis de cautériser le moignon à la chaux. Cette image ne nous quitte plus alors même que le reste du récit part dans d'autres directions.

Le rapprochement puis l'amitié entre Thoreau et Long transforme ces deux personnages en double de l'autre. Leur couleur de peau et les inégalités de destins sont à la fois un rappel constant de l'appartenance à un autre groupe ethnique différent et un reproche vivant qui crée de la culpabilité. Samuel réfléchit en permanence à son devenir de noir en fuite. Il doit apprendre à vivre avec des Blancs, à ne pas se sentir agresser par leur bonté, à vivre sans vie sans ressentiment. Il doit faire face à sa solitude existentielle, universelle, quelle que soit la couleur de peau.

Un superbe roman, très cérébral et intelligent.
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[27 mai 2021- Fin de lecture janvier 2022 ! ]

Découvert et ce texte et cet auteur au fil de mes flâneries… Toujours intéressée par le mouvement américain transcendantaliste animé par Emerson, Hawthorne, Thoreau…

le quatrième de couverture ainsi que le titre m'ont interpellée…Norman Lock met en scène Samuel Long, jeune esclave noir, ayant réussi à s'enfuir de la plantation de son maître , en Virginie…qui va être le « narrateur » de cette fiction ; Samuel tombe sur le groupe d'écrivains-philosophes cités précédemment…qui l'accueillent, l'aident et lui apportent des éléments d'instruction… En dépit de son admiration, Samuel Lock ne peut s'empêcher de remarquer qu'il est bien facile de philosopher, d'intellectualiser la vie, lorsqu'on est né du bon côté de la barrière et avec la bonne couleur de peau !!

je me permets de transcrire un extrait assez long, présentant au mieux le noyau central de l'histoire...


« Au début de notre "amitié"- j'utiliserai ce mot par facilité-, j'ai pris Henry Thoreau pour un homme ordinaire doté de tous les défauts de notre espèce, alors qu'en vérité il fut un homme extraordinaire n'en ayant presque aucun. Je m'efforcerai de dire ce qu'il vécut et ce que je vécus dans les bois de Walden après qu'il s'y fut installé le jour de l'Indépendance de 1845, jusqu'à septembre 1846, quand je les quittai pour de bon.
J'étais parti dans les bois afin de m'y construire une cabane avant qu'il vienne s'installer à la campagne. J'y suis allé à la demande de son ami Ralph Waldo Emerson. C'est Emerson qui m'a accueilli chez lui après ma fuite épuisante hors de mon "Egypte", et c'est aussi lui qui, plus tard, lancerait une souscription parmi les abolitionnistes pour m'acheter ma liberté. Dès mon arrivée au village- pour moi, la dernière étape du Chemin de fer clandestin-, j'ai vécu sous sa protection. Il a entrepris la longue et lourde tâche consistant à illuminer mon esprit enténébré. Thoreau, lui aussi, ferait beaucoup pour élargir ma perception du monde. Il m'incombe désormais d'achever cette tâche, ainsi que chacun doit le faire, et je suis loin d'en avoir fini. (...)
En outre, si le lecteur veut bien me pardonner, je tiens à affirmer que je ne dois à personne d'avoir retrouvé ce qui aurait dû rester mien depuis la naissance. (p. 17)”

Oublié ces débuts de notes ; ce livre m'avait pourtant fortement intéressé...car il faisait parler Samuel Long, le , un esclave noir, rencontrant Henry David Thoreau ainsi que d'autres intellectuels... Toutefois, entre les pensées, les écrits, et les actes, il y a parfois quelques décalages...

"Je sais qui vous êtes, monsieur Long. Waldo Emerson vous considère comme son..."
Le mot qu'il aurait pu utiliser pour définir ma relation au célèbre homme de lettres-"employé", "garçon de courses", "protégé" ou "ami"- ne fut pas prononcé.
"Oui", répondis-je, désireux à cet instant d'être qualifié par le nom, quel qu'il fût, auquel penserait Henry. Les habitudes de la servilité persistent longtemps après que les chaînes ont été brisées." (p. 21)

Ainsi Samuel Long, en admiration absolue de l'écrivain-philosophe, doit bien se rendre compte que c'est un homme comme un autre......, en dépit de son immense intelligence.. Toutefois, ces rencontres vont l'aider très positivement sur le chemin de l'émancipation, et c'est l'essentiel !

Une relecture d'un seul bloc... serait bienvenue, car ces coupures trop fréquentes dans ma lecture, avec mes fichues boulimies et dispersions , ne m'ont pas fait l'apprécier à sa juste qualité...
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Samuel Long, le narrateur de cette histoire, esclave noir, s'est échappé de la tyrannie de son maître en 1844 en tranchant sa propre main alors menottée. Aidé par les réseaux de « L'underground railroad » qui aidaient les noirs à circuler aux Etats-Unis pour s'acheminer vers un lieu situé plus au nord dans le pays, où ils pourraient commencer une nouvelle vie, le nord étant alors plus évolué socialement que le sud, Samuel arrive finalement aux abords du bord du lac de Walden dans le Massachussets, où Henry David THOREAU a alors décidé de vivre (il y résidera entre 1845 et 1847) durant l'été 1845.

À son contact, Samuel apprend la vie libre mais aussi l'immensité et la rudesse de la nature. Il y rencontre d'autres pionniers de l'écologie sociale, des transcendantalistes comme Ralph Waldo EMERSON ou Nathaniel HAWTHRONE, sans oublier le journaliste William GARRISON. Immédiatement, de longs dialogues s'amorcent sur le sens de la vie. Et bien sûr, le parcours de Samuel Long, esclave noir en fuite, n'a pas grand-chose à voir avec ceux de ses interlocuteurs directs.

Cependant, une amitié naît par delà les différences, même si Samuel est bien conscient que ses nouveaux amis ne peuvent pas ressentir certains épisodes de son propre vécu (quatre millions de noirs vivent alors aux U.S.A.). Walden, lieu légendaire, est ici scruté en détails. Mais le narrateur en profite pour dresser un tableau historique du combat antiesclavagiste aux Etats-Unis dans la première partie du XIXe siècle, portant le récit vers une veine historique.

Mais ce n'est pas tout. Fort de sa documentation, l'auteur Norman LOCK peint un portrait méticuleux de THOREAU, proposant une biographie certes romancée mais s'appuyant en partie sur les propres écrits de THOREAU, l'imagination fait le reste. THOREAU est ici vu par les yeux de ce héros malheureux, Samuel, qui n'hésite d'ailleurs pas à égratigner le personnage de THOREAU, du moins au début, puis un profond respect s'instaure, comme si les deux hommes s'étaient apprivoisés. Il relaie le discours anticolonialiste, antiesclavagiste de THOREAU, diversifiant ainsi sa pensée que nous pouvions imaginer avant tout écologique.

Ceci est une fiction. Ce Samuel n'a pas existé. Mais il est pourtant vivant dans ce roman, tel une personnification de l'esclavagisme du XIXe siècle, et si LOCK lui donne vie, c'est pour rendre plus ample son récit et mêler la fiction au coeur de l'histoire de Samuel : « Si je semble préoccupé de ma propre histoire, c'est que je la crois aussi nécessaire que celle de Henry que les fils de chaîne et de trame le sont à un tissage. Je ne suis pas mentionné dans son compte rendu du séjour qu'il fit dans les bois de Walden. Je fus sans importance dans son expérience. J'aurais peut-être gâché la construction de son récit. Qui sait quelles pensées traversent l'esprit d'un écrivain ? On se souviendra de Henry, alors que mes présents récits seront bientôt oubliés. En tout cas, je suis certain de ne pas avoir la moitié de son talent. Henry avait le génie de rendre monumentales les choses les plus banales. Sous sa plume, un gland prend les proportions du Taj Mahal. La mienne, je le crains, métamorphoserait le Taj Mahal en gland ».

Et pourtant, même si cette histoire n'existe que par l'imagination de son auteur, elle est crédible car agrémentée en permanence de nombreuses références historiques, que ce soit sur THOREAU ou plus globalement sur les Etats-Unis du milieu du siècle numéro 19. Les grandes envolées côtoient des passages très intimistes eux-mêmes entrecoupés de faits historiques ou de souvenirs. Les réflexions philosophiques abondent et donnent une épaisseur supplémentaire au récit. le rendu est original et la dimension multiple.

« Un fugitif à Walden » est sorti récemment en cette année 2021 chez Rue de L'Echiquier et plus particulièrement dans sa superbe collection Fiction. le roman est ici traduit par l'incontournable Brice MATTHIEUSSENT, traducteur historique de Jim HARRISON notamment. Ce livre évoque de nombreux sujets, dont les principaux sont la condition des noirs aux Etats-Unis, les premiers balbutiements de l'écologie social et du refus du capitalisme, mais c'est aussi un livre sur l'amitié, la sagesse et l'espoir.

https://deslivresrances.blogspot.com

Lien : https://deslivresrances.blog..
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Ce roman apporte un éclairage nouveau sur plusieurs figures majeures de la culture américaine du 19ème à travers l'histoire d'un personnage fictif, Samuel Long,
Samuel arrive à Concord en 1845 par l'Underground Railroad. Il s'est enfoui de la plantation en Virginie où il était esclave. Accueilli par Ralph Waldo Emerson, il est rapidement présenté à ses contemporains, le who's who du transcendantalisme et des abolitionnistes blancs : Emerson, Thoreau, Bronson Alcott, Garrison, Nathaniel Hawthorne... Alors que Samuel fait l'apprentissage de la liberté, il va passer du temps avec chacun d'eux. Mais c'est avec Thoreau qu'il nouera la relation la plus étroite, une relation qui culminera dans un acte inattendu de désobéissance civile.

Long et Thoreau vont petit à petit aborder les thèmes qui seront plus tard au coeur du « Walden » de Thoreau.
Thoreau philosophe et Samuel lui sert de caisse de résonance. Progressivement le jeune homme gagne la confiance nécessaire pour parler à ce blanc instruit, contestant même ses arguments lorsque l'expérience de l'esclave fugitif diffère de celle de son compagnon. La pensée sinueuse de Thoreau contraste avec l'expérience vécue de la servitude et de la souffrance par Samuel. Les privilèges socio-économiques et la liberté de mouvement de ce groupe d'intellectuels sont jugés par rapport au statut fragile et à la dépendance totale de Samuel.

Au fur et à mesure que Samuel fait la connaissance de Thoreau, le lecteur fait de même. On le découvre rêveur, facétieux, imparfait et on le retrouve tel qu'on le connait, vent debout contre les conventions sociales et les attentes de son époque, penseur avant-gardiste. Norman Lock se faufile habilement dans le milieu transcendantaliste à travers les débats philosophiques que Long observe. le lecteur est bel et bien transporté à Walden avec Thoreau, à Concord avec Emerson, à Boston avec Hawthorne. Certains des événements et des dialogues sont basés sur des faits réels, d'autres relèvent de la fiction mais tout sonne juste.

J'ai vraiment apprécié cette lecture et je ne peux que vous encourager à en faire de même. Que vous ayez envie d'un regard différent sur Thoreau, ses condisciples et leur pensée, que l'histoire des Etats-Unis vous intéresse ou que vous soyez simplement à la recherche d'un beau roman, "Un fugitif à Walden" devrait vous plaire.

Traduit par Brice Matthieussent
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Au début de notre "amitié"- j'utiliserai ce mot par facilité-, j'ai pris Henry Thoreau pour un homme ordinaire doté de tous les défauts de notre espèce, alors qu'en vérité il fut un homme extraordinaire n'en ayant presque aucun. Je m'efforcerai de dire ce qu'il vécut et ce que je vécus dans les bois de Walden après qu'il s'y fut installé le jour de l'Indépendance de 1845, jusqu'à septembre 1846, quand je les quittai pour de bon.
J'étais parti dans les bois afin de m'y construire une cabane avant qu'il vienne s'installer à la campagne. J'y suis allé à la demande de son ami Ralph Waldo Emerson. C'est Emerson qui m'a accueilli chez lui après ma fuite épuisante hors de mon "Egypte", et c'est aussi lui qui, plus tard, lancerait une souscription parmi les abolitionnistes pour m'acheter ma liberté. Dès mon arrivée au village- pour moi, la dernière étape du Chemin de fer clandestin-, j'ai vécu sous sa protection. Il a entrepris la longue et lourde tâche consistant à illuminer mon esprit enténébré. Thoreau, lui aussi, ferait beaucoup pour élargir ma perception du monde. Il m'incombe désormais d'achever cette tâche, ainsi que chacun doit le faire, et je suis loin d'en avoir fini. (...)
En outre, si le lecteur veut bien me pardonner, je tiens à affirmer que je ne dois à personne d'avoir retrouvé ce qui aurait dû rester mien depuis la naissance. (p. 17)
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H.D. Thoreau

Je n'irais pas minauder dans le salon d'un homme riche, dit-il, pour voir le roi de France, et encore moins une peinture à l'huile dans un cadre doré. Mais un livre est une sorte de démocratie et je suis libre de regarder ce que je veux. (p. 28)
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Il [Henri D. Thoreau ] ne s'abaissait ni ne flattait, pas plus qu'il ne tolérait la flatterie. Il avait ôté le vernis de la civilisation comme l'écorce d'un bâton. Henry était un homme naturel, aussi franc que le coucher de soleil qu'il venait d'admirer. (p. 21)
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Ils ne s'exprimaient pas toujours comme des transcendantalistes ou des littérateurs. Ils discutaient parfois de choses banales, en hommes ordinaires. C'est une remarque qui semble tomber sous le sens, mais la plupart d'entre nous s'attendent à ce que les grands hommes séjournent en permanence dans des sphères élevées, dont ils ne redescendent jamais. (p. 33)
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"Je suis ici avec M. Emerson, dis-je enfin. Je l'aide à porter ses paquets."Les paquets étaient les miens et je compris avec un serrement de coeur que je m'étais encore une fois mis dans le rôle de l'esclave. (p. 64)
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