Je remercie NetGalley et les éditions
Anne Carrière pour la découverte de ce livre de
Milena Makarius,
Alias Janna, que j'avais sans doute choisi pour la relation mère-fille et peut-être aussi parce que, ne connaissant pas grand-chose de l'histoire de la Bulgarie, j'étais intéressée par cette immersion dans la période communiste, de 1946 à 1989.
C'est en plongeant dans les abîmes de ma liseuse que j'avais retrouvé ce livre ; j'avoue que j'ai parfois un peu de retard dans mes retours NetGalley (que celles et ceux qui n'ont pas une PAL vertigineuse me jettent la première pierre ! J'assume…). En outre, j'ai mis beaucoup de temps à le lire (pratiquement deux mois), l'ai commencé puis mis en pause, puis repris pour enfin en venir à bout.
Une lecture laborieuse, donc, surtout pendant toute la période où je n'avais pas vraiment saisi la démarche de témoignage de l'auteure… C'était pendant ma difficile convalescence, en septembre dernier, et je manquais visiblement de capacités de concentration. J'ai réalisé la portée biographique en reprenant la quatrième de couverture, absente en version numérique, et modifié immédiatement mais un peu tard ma posture de lectrice…
Milena Makrius a écrit ce livre en réaction au film documentaire, Je vois rouge, réalisé par sa fille, Bojina Panayotova, en quête de ses origines bulgares. le film est sorti en salles en 2019 et le livre a été publié en 2020.
Le projet de la fille bouleverse la mère qui, au fil des recherches, des enregistrements, des écoutes et des visionnages, découvre que, jeune interprète, elle a été enregistrée à son insu comme agent « inventé » par le régime.
Surtout, elle vit mal le fait que sa fille veuille rendre public le passé de ses parents… Si elle a pris, à son tour, la plume, c'est par besoin de publier sa propre vérité et ses ressentis, d'autant plus que toute tentative de dialogue avec sa fille vire immédiatement à la confrontation.
Personnellement, j'ai été plus sensible aux rapports entre Milena et Bojina qu'à l'évocation des fantômes du communisme, peut-être parce que j'ai fractionné ma lecture et que je me souviens moins bien de toute la partie consacrée à l'enquête et aux prises de sons et de vues proprement dites.
La tonalité générale de l'écriture, un peu confuse, sur le fil du rasoir, donne la mesure de la montée des divergences entre les deux protagonistes.
Le JE de la mère est parfois violent sans pour autant entamer la détermination de la fille ; toute la partie du récit qui relate les démarches communes et les rencontres ente Bojina et ses parents, qui m'a paru un peu fastidieuse, est en fait lourde de sens ; le téléphone enregistreur ou la caméra, omniprésents, sont comme le pendant du régime totalitaire, intrusifs et suspicieux. Quand le pouvoir communiste espionnait de l'intérieur, la démocratie invite à tout rendre public. « Il fallait bien tuer la mère » : tel est l'impact intime du documentaire sur Milena.
Milena et Bojina ont l'habitude des métaphores… C'est aussi un procédé littéraire que j'adore. Mais ce n‘est jamais facile ni anodin de disséquer les métaphores des autres. Sur le plan cinématographique, le montage du film compresse la temporalité, crée des passerelles, des raccourcis. le lien mère-fille pollue la démarche cinématographique et la réponse littéraire ; peut-être Milena aurait-elle mieux supporté une réalisatrice plus neutre, plus distante, moins impliquée.
Dans cette réponse de la mère aux reproches sous-jacents de sa fille, j'ai retenu la valeur de l'ignorance, programmée dans tout régime totalitaire. Ainsi l'ignorance de Milena, qui a peut-être été comptabilisée par le régime communiste comme un de ses espions prouve son innocence sur le plan individuel mais quid de la responsabilité collective de toute une nation qui préfère rester dans le flou ou le non-dit.
J'ai aussi été sensible à l'univers référentiel avec notamment, des citations empruntées à
Svetlana Alexievitch.
La mère et la fille s'opposent et leur situation, relevant pourtant de la sphère privée, devient emblématique, au vu du sujet du documentaire, des problématiques autour de la difficile transmission générationnelle par exemple pour les enfants des nazis ou les enfants de la Stasi. Il y a dans le film une volonté de désacraliser la figure parentale, montrée dans ses imperfections vues par la génération suivante… Qui a tort, qui a raison ? Tout devient une question de point de vue.
de même, les réseaux sociaux s'enflamment après la sortie du film, véhiculant des raccourcis difficiles à accepter.
Une lecture pénible entre réalité et fiction fantasmée sur fond de vérité.
Milena Makarius est devenue un personnage dans le film de sa fille et, en réaction, elle a fait de sa fille un personnage de son livre.
Cela a-t-il résolu leur conflit ? Elles seules le savent.
Personnellement, je suis persuadée que je n'ai pas tout saisi.
Par acquis de conscience, j'ai tenu à visionner le film de Bojina Panayotova et immédiatement ressenti la même impression, en pire : un visionnage laborieux et indigeste pour la majeure partie du documentaire.
Je pense qu'il faut avoir les deux démarches en tête, en perspective pour mesurer l'impact profond de ce retour aux sources, voulu par la fille et subi par la mère.
J'en ai retenu, et c'est valable aussi pour le livre que « l'implication de la police secrète dans la vie des citoyens [bulgares] reste une question taboue, peu débattue dans l'espace public [et que chacun(e)] doit démêler son histoire seul ». J'ajouterai que je ne suis pas vraiment convaincue par cet épanchement public… En d'autres termes, si je comprends combien c'est important intimement pour Bojina et Milena, je m'interroge sur le fait de nous le donner à voir et à lire.
Lien vers le film documentaire « Je vois rouge » de Bojina Panayotova :
https://www.youtube.com/watch?v=¤££¤31Milena Makrius27¤££¤8lI
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