Une telle couverture ne pouvait manquer de m'attirer, avec son look esthétique (le profil de la fille, avec la pilule bleue sur le point d'atterrir sur sa langue, les couleurs flashy du texte) et l'accroche signée
Caryl Ferey : "Trash, musical, drôle, accrochez-vous !". Et la quatrième de couverture n'a fait que renforcer mon envie de lire ce polar, l'avertissement "âmes sensibles s'abstenir" et la mini-bio de l'auteur "issu du rock underground" n'y étant pas étrangers.
J'ai du prendre un temps de recul avant de rédiger mon retour, ce roman étant effectivement brutal et heurtant par bien des aspects, je confirme qu'il n'est pas destiné aux personnes rebutées par les turpitudes de l'humanité, on va en voir défiler une sacrée brochette. Si vous êtes totalement imperméable au monde des musiques branchées et de la fête déjantée sans limites, il vaut mieux passer votre chemin. Je me suis aperçue très vite que je n'étais pas non plus vraiment "dans la cible", de nombreuses allusions à des groupes musicaux ou du vocabulaire réservé aux adeptes des nuits parisiennes me sont passées au-dessus de la tête. C'est là qu'on s'aperçoit qu'on a pris de l'âge, et qu'on est devenu bien sage. D'autre part, même pour quelqu'un de difficile à choquer, certaines pratiques m'ont donné un peu la nausée, et les scènes de sexe à répétition et sans toujours de justification d'être, j'ai saturé.
Mais de quoi ça parle, à la fin, après ces multiples avertissements ? Alors c'est l'histoire d'un jeune musicien, Paolo, qui a emprunté de l'argent à qui il ne fallait pas, et qui a quelques difficultés à rembourser. Un peu miraculeusement, il dégotte un boulot lucratif comme assistant d'un détective privé, Vinoval (un personnage que j'ai trouvé assez attachant, d'ailleurs). Il lui confie la filature d'une jeune bourgeoise, Sonia, qui s'est instal
lé dans un squat, et dont la maman s'inquiète de savoir ce qu'elle fait de sa vie. A juste titre, d'ailleurs, mais je ne peux pas tout vous dire. Sonia, c'est la Birdy du titre, que Paolo va scrupuleusement filocher des jours durant. Il va d'ailleurs finir par s'attacher à cette punkette qui se livre à des activités pour le moins dérangeantes, mais est-ce bien de sa faute ?
Dans le même laps de temps et le même milieu de jeunes fêtards, une série de morts subites et apparemment sans lien entre elles provoque l'ouverture d'une enquête policière, confiée à un flic atypique issu du milieu gitan, Ibanez. Bien sûr, sa vocation n'a pas été accueillie à bras ouverts par sa communauté, même sa soeur refuse de lui parler. D'ailleurs, elle a disparu depuis quelque temps, Ibanez s'inquiète pour elle. On constatera qu'il n'a pas tort non plus.
Toutes les morts prématurées sont rapidement liées à l'apparition de la fameuse pilule bleue de la couverture, et une terrible course contre la montre s'engage, car les réseaux sociaux contribuent à organiser des soirées "Mort bleue", sorte de défi suicidaire sur le modè
le des challenges imbéciles qui existent déjà. Dans ces soirées, on ingurgite tout ce qui se présente, y compris la fameuse pilule, c'est pile ou face : parfois on meurt, parfois non ! Paolo va se retrouver embringué dans l'enquête policière, parce qu'il évolue dans les mêmes cercles, ainsi que Birdy. Une sorte de secte prônant le suprémacisme blanc et la tolérance zéro d'un côté, mais aussi une sexualité exempte de tout tabou de l'autre (pour ses membres uniquement, attention !) va attirer l'attention d'Ibanez.
Tous les éléments sont en place pour entraîner les personnages dans un univers "no limit", où tous les excès sont permis et encouragés, et où la mort de jeunes gens n'est souvent qu'une péripétie. Alors bien sûr, je ne suis pas naïve, je sais que de tels agissements existent, je connais des jeunes qui pratiquent les mélanges drogues diverses et alcool sans modération et se fichent bien des lendemains sur le moment. Mais je n'ai pu m'empêcher d'être déstabilisée par cette violence, surtout quand elle est orchestrée par des adultes qui en connaissent très bien les conséquences.
Et à aucun moment je n'ai vu le "drôle" annoncé par
Caryl Ferey, au contraire j'ai trouvé cette histoire profondément triste.
Avant de commencer, l'auteur fait également référence à la crise sanitaire que nous venons de traverser, précisant qu'il avait écrit son roman avant. Mais je n'ai vu aucun lien avec le virus, même si la folie de la pilule bleue se répand de façon exponentielle, c'est la seule similitude qui me vienne à l'esprit.
L'écriture de
Franco Mannara (j'ai failli écrire Milo !) sonne juste, on est happé dans son monde à mille à l'heure, et ses personnages sont souvent touchants, ou au contraire absolument répugnants. Pour un premier bouquin c'est plutôt une réussite, même si j'ai trouvé certains éléments de l'enquête un peu tirés par les cheveux, notamment la collaboration entre paolo et Ibanez. J'ai lu l'histoire presque d'un trait, me sentant parfois voyeuse lors de passages particulièrements abjects. On peut penser que ma note est basse, mais c'est surtout parce que je ne corresponds pas au public visé. Si l'histoire s'était déroulée dans les années 80, avec les références que je maîtrise, j'aurais sans doute été plus généreuse. Mais là, c'était un peu too much pour moi !