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sur 338 notes
Prix Renaudot 2018

Valérie Manteau a fait partie de l'équipe Charlie Hebdo de 2008 à 2013.
Elle vit entre Marseille et Istanbul.
Je comprends les lecteurs qui ont été déroutés par cette lecture et je l'en explique. Pour nous tous il nous est difficile de se glisser dans une pensée autre que la nôtre qui ne soit linéaire. En lecture papier c'est un exercice souvent douloureux.
Mais l'avantage du livre audio est indéniablement de vous faire exécuter ce cheminement, se couler dans la pensée de l'auteur au son de sa voix. de plus à la fin il y a un entretien avec cette dernière qui met en lumière ce parcours atypique.
Véritable coup de foudre pour Istanbul, la narratrice y construit sa vie amoureuse et sociale, elle n'est pas là en touriste et donc le regard n'est pas le même.
2013 voit la contestation de la place Taskim et les exactions qui suivent, les purges.
Cela signifie violence et mort.
Par son histoire d'amour, Valérie est entrée dans une communauté où elle puisse la matière de ses réflexions.
Eux Stambouliotes se sentent opprimés et ne comprennent pas son attachement à ce pays alors que son histoire d'amour se termine, rien ne devrait la retenir dans ce pays en feu.
Ses déambulations et ses errances nous font vivre Istanbul comme si nous y étions, le lecteur étouffe en constatant que la population est prisonnière de l'intégrisme et de la dictature. D'un autre côté, nous vivons cette ville où une autre vie subsiste celle de la flamboyance de l'ancienne Constantinople, les cafés, les artistes, les intellectuels, cette vie qui pulse malgré tout et qui nous l'espérons n'a pas dit son dernier mot.
Elle témoigne sur la vie de Hrant Dink assassiné en 2007, mais aussi sur Esli Erdogan.
Les errances de l'auteur sont autant d'éclairages de notre monde et de ce qui s'y creuse.
Si le lecteur doit creuser un sillon que cela soit le sillon de la connaissance pour une conscience libre et vigilante.
Valérie Manteau se dessine en femme libre.
Un livre qui permet de ne pas oublier les noms de ceux qui sont tombés.
©Chantal Lafon-Litteratum Amor 06 juillet 2019.
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Le Sillon est un livre d'Histoire, un livre historique. Certains pourront le qualifier de roman, de récit, d'autres, comme son auteure, d'« autofiction documentaire », d'autres, d'essai, peut-être. Et alors même que le français nous offre la chance du nombre de qualificatifs, je préfère le plus large.

Livre d'Histoire, parce qu'il est à lire et à relire, parce que l'histoire s'apprend, s'apprivoise pour que la connaissance des mondes se transmette. Et parce que l'Histoire est cruciale pour oser espérer comprendre un peu mieux autrui. Valérie Manteau, dans son autofiction documentaire propose un témoignage. D'une époque, celle de 2013-2016, d'un lieu, Istanbul, et d'une atmosphère si particulière, celle qui suit des attentats, des assassinats ; celle qui abrite résignation et recherche de liberté. le paradoxe turc.

Ce livre aux multiples facettes est d'abord le projet d'une journaliste. Elle part questionner un monde, le monde d'à côté, le monde d'après le pont. Après le Bosphore. Deux questions alors : pourquoi et comment. Pourquoi l'inquiétude, comment l'expérience ? Pourquoi l'expérience, comment l'inquiétude ?


L'inquiétude

« La différence entre l'Orient et l'Occident, écrit Hakan Günday, c'est la Turquie. Je ne sais pas si elle est le résultat de la soustraction, mais je sais que la distance qui les sépare est grande comme elle. »

Valérie Manteau, ou plutôt sa narratrice, questionne. Elle questionne pour sortir du cadre et s'inflige un exercice de style fort, beau, peu commun. Celui de s'avérer presque vaincue d'avance. Elle sait qu'elle comprendra peu. Entendra des sons, des mots, des querelles de traductions, des médias, des journalistes, des policiers, des avocats, des écrivains. Elle sait qu'elle entendra beaucoup et comprendra toujours peu, jamais assez. Parce que la vie est comme ça. Elle n'est qu'une histoire de traduction de l'un pour comprendre l'autre. Il s'agit de langue avant tout, et donc de culture. Et donc d'histoires, de vies, d'habitudes, de nostalgie d'un empire.

Un pas de côté pour comprendre l'inquiétude d'un peuple, divisé d'une seule voix et pourtant rassemblé par les paroles d'un hymne national, à l'appel d'un mot, le premier : korkma. N'aie pas peur.

Un pas en arrière, pour revenir aux origines des déchirements. Il y a de la violence, bien évidemment de la violence, puisque la narratrice retrace la ville de 2013 à 2016. Elle part sur les traces, entre autres, des raisons de l'assassinat de Hrant Dink en 2007, journaliste arménien. Enquête. En quête de tout. Qu'écrivait-il ? de quoi avait-il peur ? Pourquoi les autres sont-ils encore si inquiets ? Qui sont ces autres ? Quel est leur combat ?

En 262 pages, la narratrice tente d'approcher les pourquoi et les comment qui cristallisent la seule question dont l'empreinte demeure et résonne : comment vivre ensemble ? Comment trouver sa place dans un lieu qui ne sait plus tellement qui il est ? Comment se parler ?
[suite de la chronique sur www.startingbooks.com]
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Ayant beaucoup aimé son premier roman Calme et tranquille, j'étais curieux de voir ce que donnerait ce second livre. le thème ne m'intéressait pas tellement a priori mais en écoutant et en lisant de nombreuses critiques élogieuses, je me suis laissé tenter et j'ai été très déçu. Pour faire court : les meilleurs passages de ce livre sont soit les citations d'auteurs turcs soit la manière dont l'auteur décrit les paysages. Pour un livre sur un journaliste engagé, c'est bien trop peu. J'ai fini par abandonner.
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Reçu en cadeau pour les fêtes de fin d'année, je ne savais pas du tout à quoi m'attendre avec cet écrit signé Valérie Manteau. Auréolé du prix Renaudot 2018, il me tardait d'en démarrer la lecture car j'aime parfois sortir des sentiers battus (je lis finalement assez peu de littérature contemporaine, et cet ouvrage ne fait pas vraiment partie de mes lectures habituelles). Je n'ai malheureusement pas été conquise pour un sou. Peut-être que cet écrit n'était tout simplement pas pour moi, peut-être aussi que ce n'était pas le bon moment pour le lire. Certaines rencontres livresques ne se font pas, et même si ce n'est pas toujours évident il faut l'accepter. J'espère que mon avis ne sera pas trop sévère. Je vais en tout cas vous parler de mes ressentis (ce qui n'engage que moi).

Avec le sillon, direction la Turquie d'aujourd'hui. La narratrice (que l'on devine double de l'auteure), une jeune journaliste française, ancienne collaboratrice de Charlie Hebdo, part rejoindre son amant à Istanbul. Son objectif : changer d'air, fuir la France et ses attentats. Son nouveau projet : écrire sur Hrant Dink, un journaliste turc d'origine arménienne, assassiné en 2007 par un nationaliste. le sillon fait écho au mot Agos (nom d'un journal turc).

Je connais très peu l'histoire de la Turquie, et n'y suis jamais allée. Aussi, je dois dire que j'ai beaucoup appris grâce à cette lecture. Je n'ai malheureusement pas été convaincue par la plume de l'auteure que j'ai trouvée dispersée, comme partant dans tous les sens. Entre récit autobiographique, essai socio-politique ou encore reportage à l'allure d'un documentaire, tout s'est un peu entremêlé pour moi. Tandis que son histoire d'amour subit des remous, la narratrice entreprend des recherches qui lui font découvrir une scène politique turque résistante. Tout en retraçant le vécu de Hrant Dink, elle partage le quotidien des rues turques, et plus globalement celui du pays. Un écrit très déroutant, tout en étant engagé. Même si j'ai forcément été touchée par certains passages, je pense être passée totalement à côté de cette lecture. Je tenterai peut-être de laisser une seconde chance à l'auteure d'ici quelques temps.
Lien : https://labibliothequedebene..
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Lecture exigeante mais nécessaire

Je suis loin d'être une grande connaisseuse de l'histoire turque et de son actualité. J'ai vaguement entendu parler de Guezi et de Ash Erdogan mais jamais de Hrant Dink. Ce roman permet de comprendre le positionnement géographique et culturel de la Turquie entre l'Europe et l'Asie. le souhait d'une partie des turcs de se rapprocher de l'Union Européenne et de ses idéaux. Dans son roman, Valérie Manteau, décrit et analyse la vie sous le régime Erdogan : l'arrestation et l'emprisonnement des intellectuels, la fragilité de la démocratie et le dysfonctionnement de la justice. Elle revient sur l'assassinat de Hrant Dink par un nationaliste en 2007. Hrant Dink, à travers son journal Agos, prônait la réconciliation entre les arméniens et les turcs. Il a été accusé « d'insulte à l'identité turque ».

Enfin, l'ecriture de Valérie Manteau redonne vie à Istambul. On se perd avec elle dans les rues d'un côté et de l'autre du Bosphore, on est aux terrasses de café avec des amis ou des connaissances. Elle nous fait traverser les différents quartiers de la ville.

Je recommande la lecture de ce livre riche et exigeant. Ce roman est exactement le pourquoi j'aime tant lire : découvrir, apprendre, réfléchir et voyager.
Lien : https://lilietlavie.com/2019..
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Une femme française vit en couple avec son amant turc à Istanbul. Elle fait des recherches sur l'assassinat en 2007 de Hrant Dink, un journaliste turco-arménien. Ce texte est un flot de pensées dans lequel bouillonnent la politique turque, Erdogan, les intellectuels, Charlie Hebdo, l'amour, l'amitié, la frénésie stambouliote, le chaos de la vie. Difficile à résumer mais Valérie Manteau trace son sillon et on la suit allègrement.
Lien : https://puchkinalit.tumblr.c..
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Bien que ce soit avec un décalage de plusieurs mois, je suis ravie de voir enfin la rentrée littéraire arriver en livre audio. Les personnes empêchées de lire d'une autre manière vont enfin pouvoir découvrir les textes dont ils ont souvent entendu parler… dont celui-ci notamment, qui a obtenu le Prix Renaudot, dans une version lue par son autrice.
Et autant je trouve parfois cela malheureux, car tous les auteurs ne sont pas des lecteurs de livre audio, ce qui demande un certain savoir faire, avouons le ; autant ici, j'ai adoré. Valérie Manteau m'a totalement emportée dans son roman. J'étais à Istanbul, avec ses personnages, j'en ressentais l'ambiance… Au-delà de son texte magnifique, l'autrice a su faire passer ses mots de l'écrit au lu avec talent.
On sent dans cette histoire que l'autrice connaît bien la région, et qu'elle l'aime énormément. Ce livre raconte le délitement d'une histoire d'amour entre une femme et un homme, certes, mais aussi une incroyable histoire de passion entre une française et Istanbul. Une rencontre coup de foudre, suivie d'une histoire chaotique, autant du côté de cette femme qui se cherche et veut croire en son histoire d'amour, que d'Istanbul et de la Turquie, malmenées par des émeutes contre un gouvernement pour le moins critiquable… L'autrice nous raconte aussi Hrant Dink, journaliste assassiné en 2007, souvenir qui remonte devant le traitement réservé aux journalistes.
J'ai déjà lu un roman avec en toile de fond les mêmes événements de 2016, qui m'avait tout autant accrochée, L'honneur des ombres, de Nicolas Cluzeau aux éditions Lynks. J'avais pour celui-ci fait quelques recherches, et vu des photos qui m'ont sûrement aidée à visualiser la ville, mais les mots de Valérie Manteau sont à eux seuls suffisamment imprégnés de sa ville de coeur, qu'il est aisé de s'y projeter.
Le sillon est un livre à la fois doux et dur. Doux pour les histoires d'amour (au sens large) qu'il raconte, même si elles ne sont pas toutes heureuses, et dur pour les événements évoqués, l'assassinat d'un journaliste en 2007, et les purges de 2016. C'est un roman fort, avec des mots percutants, qui touchent au coeur. A tel point que j'ai eu envie d'en découvrir encore plus sur Hrant Dink et Istanbul. Mais c'est une autre histoire…
Ce livre a été une belle rencontre. Avec la plume de Valérie Manteau tout d'abord, mais aussi avec Hrant Dink et les journalistes d'Argos, passés et présents, ainsi qu'avec l'Istanbul et la Turquie de l'autrice, bien différentes de celles que l'on voit dans les journaux.
J'ai reçu la version CD audio de ce livre dans le cadre d'un partenariat avec les éditions Audiolib. Merci à eux pour la confiance.
Lien : https://leslecturesdesophieb..
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Je n'ai malheureusement pas réussi à accrocher à ce livre. Tout comme l'auteur j'ai beaucoup erré/vagabondé en parcourant ces pages... Je me suis perdue dans Istambul mais je me suis surtout perdue dans le récit...
Le parti pris narratif de rédiger tout d'un bloc, parfois nous laissant deviner qui parle peut être intéressant et donner un certain rythme à un récit/roman... Mais ça n'a fait que me perdre davantage entre les différentes parties du livre: l'histoire d'amour de la narratrice, sa quête de vérité sur l'histoire de Hrant, le récit de la Turquie... Trop de juxtaposition qui ne m'ont pas permis d'apprécier son livre à sa juste valeur...
Néanmoins, le livre m'a toute de même donné envie de connaître d'autres auteurs turcs (le livre étant rempli de citations...).
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Pourquoi n'y a-t-il pas eu de « Je suis Hrant Dink » ? Pourquoi personne à l'international ne s'est indigné de cet assassinat qui préfigurait la perte de la liberté d'expression en Turquie dix ans plus tard ?

Un prélude aux assassinats de Charlie Hebdo

Hrant Dink et Charlie Hebdo ont ébranlé les interdits dictés par l'arbitraire la bêtise l'obscurantisme, pas de liberté de pensée pour leurs assassins. Des personnes assassinées par une idéologie qui ne souffre pas de la contradiction, on adopte sa pensée ou c'est la mort.

Le sillon titre du roman de Valérie Manteau est la traduction française d'Agos, nom donné au journal bilingue créé par Hrant Dink créé en 1996 par des turcs et arméniens pour informer la majorité des problèmes rencontrées par la minorité. Ce journal rompt le silence à l'intérieur de la communauté. Il lève des tabous comme la fille adoptive arménienne d'Ataturk. Menaces, procès puis assassinat.Hrant Dink défendait le vivre-ensemble.

» Ce qui convient à ces terres, c'est la coexistence des différences » »Il est beaucoup plus fécond que les différentes religions vivent ensemble, les unes avec les autres, plutôt que côte à côte. Car, si l'on parvient à une lecture correcte de leurs différences, on s'aperçoit qu'elles se nourrissent et ne se détruisent pas. L'appel à la prière du muezzin, entendu cinq fois par jour par un chrétien comme moi (… chrétien et athée ), lui rappelle qu'il est chrétien. »

Ce roman mêle fiction et journalisme: l'histoire d'une relation amoureuse avec un Turc et une enquête sur qui était Hrant Dink. A travers cette figure, nous avons un panorama de cette société civile turque de Gezi à aujourd'hui.

Dans le cercle en deuil d'Hrant Dink, on retrouve ceux dont entend parler aujourd'hui essuyant une lutte chère payée contre Erdogan

« Presque tous les gens qui ont des problèmes aujourd'hui avec le régime Erdogan ont un lien avec Dink. Ceux qui suivaient le cercueil, on les a retrouvés ensuite dans les manifestations du parc Gezi et de la place Taksim », Comme Asli Erdogan.

« A propos de Taksim, épicentre des manifestations, la romancière Asll Erdogan écrit : « La place Taksim est à nous, ceux qui y sont morts à tout le monde… chaque fois que nous marcherons vers cette place méconnaissable, malgré les matraques, les canons à eau, les lacrymos, chaque fois que nous en prendrons le chemin, elle sera à nous. » Aujourd'hui interminablement en travaux (personne ne comprend bien pour quoi faire, et tout le monde s'en fout), j'ai l'impression qu'elle appartient davantage aux pigeons qu'à nos souvenirs. Il y avait des tentes partout, de part et d'autre d'une allée baptisée Hrant-Dink, du nom d'un journaliste arménien assassiné quelques années auparavant, adopté comme figure tutélaire par les manifestants qui occupaient la place pour empêcher la destruction d'un des rares espaces verts de la ville. Au milieu du cordon de flics, des musiciens, des artistes, des jeunes et des vieux en tous genres, des babas cool, des bobos, des cols blancs, des islamistes. »

C'est un courant en vogue dans les rentrées littéraires les romans-essais le sillon de Valérien Manteau ou Boussole de Mathias Enard ou Camarade Papa de Gauz.

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En 2015, juste après les attentats de janvier, l'auteure retourne à Istanbul où l'attend son « amant turc » avec lequel la relation se délite.
J'avoue avoir eu du mal au départ à adhérer à la démarche de Valérie Manteau qui semble hésiter entre l'autofiction (avec une mise en scène d'elle-même « autoflagellatrice »), le reportage et le manifeste politique.
Il est vrai qu'une phrase lue à la page 20 a eu le don de m'agacer : « Sérieusement, que représente encore la France dans le monde d'aujourd'hui. Les droits de l'homme ? On est en pleine décadence, lobotomisés par la télé, la peur, le kitsch partout tout le temps, on est un pays mort de chez mort du point de vue culturel et politique, et il y a encore des gens qui regardent de notre côté pour savoir d'où pourrait venir une grande et belle voix humaniste ? ». Une indignation que ne renierait pas une jeune fille défaitiste et révoltée en pleine crise d'adolescence.
Quand elle nous entraîne dans ses déambulations dans les rues d'Istanbul, l'ambiance change. Elle évoque alors ses rencontres avec ceux qui résistent au régime répressif d'Erdogan en dessinant, en écrivant, en parlant, en buvant de l'alcool, en pratiquant une forme d'humour désabusé qui est l'apanage des désespérés, en faisant la fête... Tout ce que les islamo-xénophobes réprouvent !
Elle fait revivre aussi la figure attachante d'Hrant Dink dont le journal bilingue (arménien et turc) « Agos », qui signifie le sillon, prônait une tolérance voltairienne et une analyse tout en sagesse de la problématique arménienne en refusant toute tentative d'instrumentalisation. « Hrant renvoie dos à dos ceux qui veulent faire reconnaître le génocide depuis l'étranger, et ceux qui le nient en Turquie » peut-on lire sous la plume de Valérie Manteau. Il fut assassiné par un jeune nationaliste en 2007. A son enterrement, la foule scanda : « Nous sommes tous arméniens ».
Refusant les facilités, l'auteure dénonce non seulement la Turquie d'Erdogan mais aussi la position de l'Union européenne qui a monnayé « des visas contre des réfugiés ».
Elle confie aussi que la Cour européenne des droits de l'homme, devant laquelle Hrant déposa un recours, l'appelle en utilisant son « prénom turquifié », Firat. Une manière de nier son identité arménienne qui n'a rien à envier aux agissements d'Ankara. Un comble !
Enfin, elle termine son propos par un extrait de « La nuit je mens » de Bashung : « j'ai dans les bottes des montagnes de questions, où subsiste encore ton écho ». Surréaliste comme la situation en Turquie ? Cinquante ans plus tôt, René Char écrivait dans « Feuillets d'Hypnos » : « notre héritage n'est précédé d'aucun testament ».

EXTRAITS
- Heureusement que ce pays est capable d'avoir un peu de mémoire sinon on serait quoi, la boîte de nuit du Proche-Orient et c'est tout ?
- Agos, c'est le Sillon. C'était un mot partagé par les Turcs et les Arméniens ; en tous cas par les paysans, à l'époque où ils cohabitaient.
- Peu après, en France, Charlie Hebdo republiait les caricatures danoises de Mahomet. Jacques Chirac, alors président de la République, condamna officiellement « toutes les provocations manifestes, susceptibles d'attiser dangereusement les passions »...
- « Le seul moyen d'affronter un monde sans liberté est de devenir si absolument libre qu'on fasse de sa propre existence un acte de révolte », Albert Camus.
- Les contes turcs commencent par la formule « il fut, il ne fut pas » ; ça donne une idée du bouillon d'insécurité dans lequel baignent les rêves dans ce pays.
- Elif Safak n'a décidément pas tort quand elle dit que c'est à son goût pour l'alcool que la Turquie doit son semblant de démocratie.
- Elle commence par ce voeu, « Je vais me défendre comme si le droit existait encore ». (dixit Asli Erdogan)
- Entre 1913 et 1923, nous avons perdu quatre peuples : Arméniens, Grecs, Syriaques et Juifs.
- Meurs et nous t'aimerons, dit un adage populaire arménien.

Lien : http://papivore.net/litterat..
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