Deux retraités tournent en rond dans leur vie et décident de faire le bien autour d'eux pour ne pas mourir inutiles comme de vieux cons.
Ce roman n'est pas le meilleur, mais il a toujours la facture "Guy Marchand" : comme un accord de clarinette modulant ce qu'il faut bien appeler sa fin de vie.
Il y a cependant un très beau passage sur les derniers instants de l'un des personnages, véritable moment de grâce plein de sérénité, qui n'est pas sans m'avoir évoqué le sourire du Chat du Cheshire.
Nul doute que c'est la mort que l'auteur appelle de ses voeux et à laquelle il tente de se préparer.
Il y a chez Guy Marchand une capacité étonnante à évoquer ce tabou fondamental de nos sociétés : la mort. C'est elle qu'il tente d'apprivoiser en la regardant dans les yeux, et il se moque bien des convenances.
C'est à la fois un peu éprouvant pour ceux qui atteignent la tranche d'âge concernée, et extrêmement doux : il arrive que le silence pèse plus que les évènements.
Rien que pour ce passage qui clôt le livre, je suis contente de l'avoir lu.
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Un petit roman qui nous veut du bien...
Au terme d une vie active ,sans éclat mais néanmoins riche d'enseignements ,Emile et Albert font cause commune en vue d un rachat posthume ,au cas où (on ne sait jamais car même si Dieu est mort,il bouge encore "sic") ils devraient rendre des comptes sur leurs activités terrestres .
Vaste programme....!!
Guy Marchand nous affranchit d entrée ,ils vont ,à l'instar des restaus de Coluche mettre en oeuvre une sorte d'auberge des coeurs qui vaille que vaille remplit sa fonction tant pour les humains que les chiens et les chats .
Dans une tonalité rappelant Boris Vian ,humour, dérision et philosophie de bistrot, on parcourt ce bref roman avec délectation ,se demandant au détour d'un aphorisme ,mais "où diable va t il chercher tout cela ??
Dans la Vie tout simplement et se voyant dans le miroir , l auteur nous tire la langue tout en faisant un clin d oeil à la mort qui vient.
A lire à haute voix à son vieux papy qui se morfond sur le temps qui se barre..........
Le contrepied des "Vieux version Jacques BREL"
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Pour son sixième ouvrage, Guy Marchand nous livre un joli opuscule d’à peine une petite centaine de pages mais qui nous entraîne sur des routes et des champs qui font rêver, et des péripéties que nous aimons de suivre…
Lire la critique sur le site : Actualitte
Émile avait soixante-quinze ans. Il en avait passé quinze à la Légion étrangère. « Quinze ans à faire ce dur métier, à moins qu’une balle vienne prendre pitié de notre misère » : on chantait ça pour apprendre le français aux Allemands, aux Russes ou aux autres. Ce genre de chanson faisait de vous un soudard ou un poète.
Émile était un enfant de la guerre. Sa maman l’avait nourri sous les bombardements avec du pain de maïs. Il avait eu une primo-infection, comme on disait. En l’occurrence, un début de tuberculose, maladie qui avait fait de lui un grand romantique, comme Chopin et quelques autres grands amoureux obsédés par le sexe. Cette petite fièvre chronique leur donnait à penser que leur vie serait courte et passionnée.
La guerre et surtout la Libération l’avaient rendu d’un scepticisme maladif sur son pays, car l’enfant qu’il était avait assisté au spectacle des femmes tondues de la place Armand-Carrel, dans le XIXe arrondissement, où des abrutis avaient brutalisé quelques femmes qui avaient préféré un bel amant d’un mètre quatre-vingt à un petit poilu d’un mètre soixante en bandes molletières. Jamais il n’avait pu oublier cette jeune mère, son enfant dans les bras, poursuivie par une foule vociférante.
Dans un village pas loin de Lacoste, un Allemand avait jeté son uniforme dans le Calavon pour rester toute sa vie avec la femme et l’enfant qu’il lui avait fait. C’était un très bon menuisier et personne n’avait jamais songé à tondre sa femme – hormis, bien sûr, quelques connards qui faisaient de temps en temps allusion à cette histoire.
Aujourd’hui, Émile se retrouvait retraité, assis devant son jardin dans une petite maison, pas loin de Saint-Rémy-de-Provence, tout étonné qu’elle se soit passée si vite, sa vie. Restait un imbroglio de souvenirs qui le laissait perplexe et méfiant vis-à-vis de la politique, des médias médiocres et de tous les « istes » en général.
Sa vie, elle était sans vue maintenant, comme sa maison. On ne voyait pas loin, il n’y avait pas d’espace. Agréable, mais sans vue, abrutie de soleil.
Il avait un gentil voisin à qui il avait fait cadeau de sa tondeuse. Comme il était plus jeune et plus courageux que lui, de temps en temps il venait lui tondre son petit terrain, et la femme de celui-ci, qui avait pitié de sa solitude, lui laissait souvent des tomates provençales, ou autre chose de sa cuisine familiale.
Bien avant, il avait divorcé d’une jolie femme qui lui avait donné deux filles, mais qui n’avait pas tardé à le trouver invivable, comme tous les chevaliers errants qui s’emmerdent quand l’aventure s’est calmée et que l’âge abîme leur romantisme imbécile.
Plus tard, il avait passé quelques années avec une femme bien plus jeune que lui dans ce paradis provençal. Mais un jour, le ciel bleu était devenu cruel et la belle était partie avec le mistral. La vie d’Émile était devenue une solitude cynique et ses seules visites, il les réservait à son voisin, le Dr Albert Villers, à quelques kilomètres de là, vers Mollégès.
Albert avait quatre-vingt-cinq ans. C’était un beau vieillard qui traînait dans sa grande maison sa mélancolie souriante, toujours la même veste en velours, même en été, et des espadrilles même en hiver.
En bas de la grande maison d’Albert s’étendait un champ de tournesols. En hiver, c’était un cimetière de tournesols, mais dès les beaux jours, ils se redressaient du néant tels des morts vivants, les yeux écarquillés vers la grande maison.
Les mouches étaient parties se chauffer ailleurs à cause de l’hiver, cet hiver provençal qui peut vous les geler par surprise et vous les faire comme des raisins de Corinthe, mais qui peut vous réserver le cadeau d’un déjeuner dehors au soleil, la veille de Noël, comme un pied de nez à la météo.
La maison d’Albert était une très vieille dame de plus de deux cents ans qui avait abrité des aristocrates et de grands bourgeois provençaux. Elle gardait la légèreté, en même temps que la rusticité d’une influence italienne. Les volets claquaient sous le mistral qui arrivait par bourrasques et s’introduisait dans les vitres cassées ou mal réparées, à vous faire croire qu’il y avait l’air conditionné.
Elle était négligée, cette maison, mais les coquelicots du printemps, et aussi la lavande du champ d’à côté, pouvaient lui donner l’odeur d’une jeune fille en fleur.
Les robinets des salles de bains faisaient du bruit ; les escaliers en bois grinçaient comme la cale d’un bateau pour les voyages de ce vieux rêveur diurne qu’était Albert.
En hiver, la grande cheminée accueillait les chats et réchauffait le vieux corps d’Albert, qui s’endormait avec son journal à la main. Un jour, il l’avait laissé tomber et une brindille avait enflammé La Dépêche du Midi, consumant l’actualité tout comme elle aurait pu faire flamber Albert, si Émile n’était venu prendre sa branlée coutumière aux échecs et n’était intervenu avec un seau d’eau. L’odeur de brûlé résista quelques jours, mais la lavande en vint à bout naturellement.
Albert n’avait plus le droit d’exercer, ni donc, en quelque sorte, d’exister. Il avait eu un problème avec la morphine et pratiqué quelques interventions pour rendre service à des jeunes femmes en difficulté, à une époque où celles-ci ne faisaient pas ce qu’elles voulaient de leur corps. Il avait mauvaise réputation dans le pays, mais il donnait des consultations gratuites pour des gens que la Sécurité sociale semblait avoir oubliés, comme les chiens abandonnés dans le pays de Crau.
Albert recevait pas mal de coups de téléphone dans la nuit, avec insultes à la clé. Mais il s’était habitué aux menaces des anciens patients mécontents de ses traitements. Les patients, il est vrai, ne sont pas plus charitables avec leur médecin qu’avec le garagiste qui n’a pu remettre leur voiture à neuf. Il se souvenait notamment d’une famille de paysans qui, venus rendre visite à un proche sous perfusion à l’hôpital de Cavaillon, et que l’on venait d’opérer d’une tumeur, s’étaient mis à hurler, scandalisés : « Mais qu’est-ce que vous lui avez fait ? »
Dans sa grande demeure remplie de livres et de vieux tableaux, pleine de poussière que le mistral faisait voler quand il oubliait de fermer une fenêtre, Albert n’avait pas trouvé de bonne pour s’intéresser à son cas.
Tout à coup ,il se mit à pleuvoir ,escroquerie du syndicat d'initiative ,mousson provençale pour nettoyer les vieux palais pontificaux ,laver les péchés des papes qui se tapaient toutes les petites brunes du coin et disséminaient leur progéniture dans tous les coins de la campagne .
La prostate... Organe qui menace tous les hommes et qui sert, avant de ne plus servir à rien, à balancer des spermatozoïdes dans des directions opportunes, comme un petit revolver à eau. Modeste contribution des hommes au miracle de la gestation par ces êtres d'exception que sont les femmes, et qui créent la vie.
On ne se pressait pas de mourir. La mort, il faut quand même savoir la faire attendre. Elle nous a assez emmerdé toute notre vie. Seuls les animaux parviennent à l'ignorer et donc à l'éviter, faute de savoir qu'elle existe.
Jennifer Richard évoque "Le Diable parle toutes les langues", publié chez Albin Michel. L'histoire d'un individu détestable, le plus grand marchand de mort des temps moderne : Basil Zaharoff. Marchand d'armes, magnat de la presse, de la finance, du pétrole également ; il a pesé sur la destinée du XXème siècle dans l'ombre, en vendant des armes à tous les pays en guerre. Un personnage absolument odieux, cupide, cynique, raciste, ne recule devant rien pour accroître son immense fortune. Il n'a dit-il "jamais rien regretté", se disant près à finir chez le diable qui parle toutes les langues.
Retrouvez l'intégralité de l'interview ci-dessous : https://www.france.tv/france-5/la-grande-librairie/
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