3. Les reins du temps
Bach et Mozart éclairent brusquement son
séjour. Deux grands aînés dardant leurs yeux jaunes,
vers sa septième année, sur son unique mobilier :
l’harmonie, le nombre, posant des lueurs sur sa
ténèbre familière. Sa demeure est spirituelle. Deux
pupilles de grands fauves à l’arrêt, dont il règle à loi-
sir la suspension parmi la nuit de sa beauté. Une île
qu’il ne quittera plus. Entrouverte, jusqu’à l’horizon,
vers un passé immense, son seul avenir. Sous cette
double lampe, il met la main au feu. Les doigts
posés dans les clous du temps, il a cru d’emblée, les
yeux grand fermés. Les doigts amoureux posés sur
le Temps. Ses doigts atterrent. Prosternent à terre.
Conduisent à lui. Sa haine des projecteurs. Son hor-
reur du bruit. Ses doigts qui annulent l’autre.
Qui soumettent au même. Le monde est sa
prison. Il veut fuir le monde.
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2. Il met le doigt sur quelque chose
Première expérience sonore : une fanfare, qui
lui arrache des cris affreux, des cris de sourd. Son
affaire: le son qui chuchote, le son qui rend le
silence des choses. Le son qui touche aux choses en
leurs contours, qui fait le tour de leur présence
d'une simple caresse ; données à toucher, au bout
des phalanges, aux seuls proches. Une quenouille de
son tendue entre lui et eux. Dont la dentelle est cal-
culée pour les atteindre strictement.
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