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Édouard Jimenez (Traducteur)
EAN : 9782070126125
304 pages
Gallimard (17/03/2011)
3.5/5   11 notes
Résumé :

Purgatoire raconte l’histoire d’Emilia Dupuy, dont la vie s’est brisée un jour de juillet 1977, près de la ville de Tucumán, dans le nord de l’Argentine. Avec son mari Simon, cartographe comme elle, ils étaient partis en mission dans cette région lointaine pour parachever la carte d’une routeinternationale à la demande de l’Automobile Club de Buenos Aires. C’est alors qu’ils sont arrêtéspar les militaires en raison de leurs activités « suspectes », ils d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Photographie de couverture: Raymond Depardon.

J'ai lu ce roman une première fois assez rapidement, et y suis revenue deux jours après, tant j'avais l'impression, prise par l'histoire elle-même ,d'avoir raté quelque chose d'important , un deuxième degré de compréhension de ce que l'auteur voulait dire à ce stade de sa vie, alors qu'il était déjà malade.
En exergue: "..le fugitif subsiste et dure("A Rome, ensevelie dans ses ruines , Quevedo)
Et toutes les têtes de chapitre sont des extraits du Purgatoire de Dante . le purgatoire, là où on attend éternellement .

Peut être faut-il inscrire ce très beau roman dans la tradition de ce fameux réalisme magique. En tout cas la réalité, l'histoire de l'Argentine récente, et la magie, une dimension fantastique , s'y côtoient en permanence. Ainsi que la façon d'en parler, donc la littérature.
" Simon Cardoso était mort depuis trente ans lorsque Emilia Dupuy, sa femme, le retrouva à l'heure du déjeuner dans le salon particulier du Trudy Tuesday ."  Première phrase.

Emilia et Simon, un jeune couple, cartographes tous les deux, ont été arrêtés en 1976 par la police de l'état de Tucuman, lors d'une mission effectuée pour le compte de l'Automobile club, établir une carte de cet état destinée aux touristes. Emilia est relâchée très vite, on lui dit que Simon est parti avant. Parti où? Personne ne le sait. Enfin, il y a eu des témoins qui l'auraient vu mort, exécuté tout de suite, mais ?
Progressivement, on apprend dans le récit qu'Emilia est la fille du Dr Duruy, chef de la propagande de la dictature. Et cette propagande, elle est simple dans ce pays où règne une vague de disparitions subites , ce que l'on n'a pas vu n'existe pas. Magie!

"Au sujet des disparitions de ces années-là, on continue à entendre des histoires qui accélèrent même les battements de coeur. Certaines revues, que l'on peut obtenir dans les librairies du vieux Buenos Aires , racontent, avec le langage mi-hypocrite mi- complice d'alors, l'égarement de personnes à bord de leurs voiliers, dans le Rio Plata, qui s'en allaient en abandonnant leur embarcation à la dérive. Beaucoup d'entre eux étaient de grands propriétaires , comme le mari perdu de Nora Balmaceda. Avant d'entreprendre l'ultime excursion de leur vie, ils cédaient les terrains et les industries de la famille à des chefs militaires qui avaient été leurs amis et leurs protecteurs. Les plaintes des femmes et des épouses lésés s'accumulaient dans les tribunaux de justice, mais aucune n'était recevable faute du corps de l'absent. Là où on ne voit rien, il ne s'est rien passé, expliquaient les porte-parole du gouvernement. Les doubles négations, depuis lors si fréquentes dans le parler quotidien, s'emparèrent également du langage journalistique." Ici, il ne reste rien ", "  il n'y a personne " étaient des expressions qu'on répétait à la radio et dans les émissions de télévision. On les entend et on les lit encore."

Ces disparitions hanteront , je pense, les Argentins longtemps. Benjamin Avila, le réalisateur du film «  Enfance clandestine » expliquait très bien les difficultés et les perpétuelles interrogations de la génération suivante. Notamment en ce qui concerne ceux qui ne sont pas morts, ces enfants enlevés et adoptés , dont la trace est si difficile à retrouver.

Emilia va donc rechercher des traces de l'existence de Simon pendant 30 ans. Deux dimensions dans la recherche, l'espace avec ces cartes qu'on leur avait appris à dessiner en créant "  des illusions là où la vérité paraissait le plus invincible" , cartes qu'elle dessine en explorant chaque endroit où elle est susceptible de retrouvrer Simon, dont on lui signale la présence ici ou là.
Et le temps.. 30 ans de recherches et.. Et les deux dimensions vont se confondre un jour dans cet amour fou, hors du temps.

Un des autres éléments de ce livre, mais pas le moindre, c'est ce que Martinez , l'écrivain, nous dit de lui,écrivain en exil pendant la dictature, de sa propre histoire, et de la littérature.
Emilia confie son histoire à un écrivain, et c'est lui qui la raconte. Qui l'écrit. Tout n'est-il que roman, tout n'est-il qu'illusion ?

"Je commençai à écrire sans savoir où j'allais… Ces trente années de séparation, pensai-je , reproduisent d'une certaine façon les trente années que j'ai passées en dehors de mon pays, un pays que j'espérais retrouver , à mon retour, tel que je l'avais laissé. Je sais qu'il s'agit d'une illusion, naïve, comme toutes les illusions, et c'était peut être ce qui m'avait séduit, car les années perdues n'ont cessé de me tourmenter, et si je les raconte, si j'imagine la vie que j'aurais vécue chaque jour, peut-être, me dis-je, pourrai-je les exorciser. .. Je voulais l'impossible car je n'aurais pas pu vivre à l'écart des êtres torturés, des affamés, des esclaves qui, dans les camps de la mort, oeuvraient à la gloire de l'Amiral et de l'Anguille… Je voulais savoir quelle vie aurait été la non-vie d'un écrivain interdit d'écriture. Les interrogations ne m'ont pas laissé en paix, et j'ai commencé à y répondre avec désespoir. Cette phrase est trop dramatique à mon goût mais elle n'en est pas moins vraie. J'ai couru d'une page à l'autre, impatient d'en apprendre la suite. J'ai avancé à un rythme effréné qui n'est pas le mien. D'ordinaire, je tarde des heures sur une seule phrase et même sur un mot, mais cette fois-ci, presque sans m'en rendre compte, j'ai largué la grand-voile et j'ai engagé une course contre la mort. Comme c'était prévisible, la mort est venue me chercher.. "

C'est un roman extrêmement fouillé, dense, bourré de références littéraires, cinématographiques, musicales , un roman tragique qui ne manque pas d'humour , enfin d'humour noir quand même, une réflexion sur l'identité, le hasard,la confrontation entre la force de l'illusion et la médiocrité de l'imposture , le récit d'un amour tellement fort qu'il résiste à tout, mais, plusieurs jours après, je ne sais toujours pas si j'ai tout saisi de la profondeur métaphorique de ce texte, de cette histoire individuelle , qu'il importe, il me semble , de ne pas cantonner à elle , mais aussi ( mais plutôt?) à un livre testament d'un écrivain argentin et de tout ce qu'il veut nous transmettre de l'histoire de son pays et de la sienne.

" On écrit des romans dans cette intention, pour réparer dans le monde l'absence perpétuelle de ce qui n'a jamais existé."









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Emilia rejoint son ami écrivain, qui a décidé d'écrire son histoire, dans un bar. Au plein coeur de la dictature argentine, 25 ans auparavant, elle et son mari, Simon, cartographes, ont été arrêtés et séparés. Fille du docteur Dupuy, bras droit du tyran, Emilia est vite libérée. Mais malgré les témoignages de ceux qui affirment que Simon a été vu une balle dans la tête, elle est persuadée qu'il est encore en vie. Elle passera les 25 années suivantes à le chercher. Et c'est cette poursuite sans fin qu'elle raconte à l'écrivain en manque d'inspiration, lui qui s'est exilé pour ne pas souffrir du régime politique de son pays.
Depuis peu, Emilia a changé. Elle affirme avoir retrouvé Simon, par hasard, dans un bar. Elle l'a reconnu à sa voix, qui n'a pas changé. Lui non plus n'a pas changé d'ailleurs, les 25 années passées semblent ne jamais avoir existé pour lui.

Alors, je vais être très franche : je n'ai absolument rien compris à ce livre !
L'auteur évoque la rencontre d'Emilia et de l'écrivain dans le café, les gens qui passent et qu'il voit par la fenêtre, le passé d'Emilia, tel qu'elle le raconte, c'est-à-dire de façon non chronologique et souvent contradictoire, des digressions analogiques et sans doute philosophiques entre l'existence d'Emilia et de Simon et les cartes qu'ils dessinaient dans leur jeunesse ou le rôle de l'écriture. le côté fantastique de l'histoire, avec ce Simon à l'abri du temps, m'a beaucoup dérangé, les délires de la presse people de la maitresse du Dr Dupuy m'ont ennuyés, je n'ai pas réussi à remettre dans le bon espace-temps l'histoire d'Emilia, entre son enfance, sa jeunesse, sa quête, sa mère, etc… Bref, intellectuellement, je suis allée au bout de ce livre, mais tourner la dernière page n'a pas mis un terme à ma perplexité quant au but de l'auteur ou l'intérêt de l'ouvrage ! Dommage !
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Le purgatoire, Emilia y déambule depuis maintenant trente ans. Trente années qu'elle attend le retour de son mari disparu, Simon.
En juillet 1977, Emilia et Simon sont de jeunes géographes qui parcourent l'Argentine pour dresser des relevés topographiques. Au cours de l'une de leur sortie, dans la province de Tucuman, les deux jeunes gens sont arrêtés par des militaires. Dessiner des cartes ? Pour les militaires, tout est subversif, surtout leur jeunesse. le couple est donc emprisonné et interrogé. Lorsqu'Emilia est libérée grâce à l'intervention de son père, le docteur Dupuy, un intellectuel très proche des généraux au pouvoir, elle se retrouve seule. Seule, car son mari, selon les dires des militaires, est déjà parti. Parti, mais où ? Emilia ne le reverra jamais. Tout atteste que Simon est mort, mais Emilia ne peut ni ne veut le croire. Pourquoi aurait-elle été libérée, elle et pas lui ? Alors la jeune femme va le rechercher, et cela, durant toute sa vie. Et puis un jour, aux Etats-Unis, dans un café, Emilia reconnait son mari. Enfin ! Trente ans ont passé, Emilia a 60 ans. Simon, lui, n'a pas changé.

Tomas Eloy Martinez nous offre ici un superbe roman d'amour, entre le fantastique, le rêve et la réalité. Une histoire de quête, de désespoir et de folie.
Le lieu et le contexte historique, bien sûr, ne sont pas anodins à ce récit particulier. Nous sommes en Argentine, lorsque le pays vit ses heures les plus sombres. La junte militaire au pouvoir fait « disparaître » toutes les personnes qui lui apparaissent comme des opposants. du jour au lendemain, certains voient leurs parents, leur fils, leur fille, leur voisin, disparaître, se volatiliser. Que deviennent-ils ? Beaucoup aujourd'hui n'ont toujours pas de réponse, du moins pas de corps à pleurer. Qu'y a-t-il de plus terrible que la mort elle-même ? La disparition, puisque l'on ne sait pas… Comment faire le deuil alors que l'on peut toujours espérer ? C'est ainsi que le ressent Emilia. Et le jour où elle retrouve Simon, même s'il n'a pas vieilli, même s'il a gardé la même apparence qu'autrefois, le principal est qu'il soit là. Elle savait qu'elle le retrouverait. le récit, entre instants présents et souvenirs d'Emilia, nous fait revivre la rencontre des jeunes gens, l'évidence de leur amour, leurs jeunes années. le personnage de l'écrivain, un Argentin exilé comme Emilia aux Etats-Unis, relate également leur histoire. Mais parfois, un doute s'installe : sommes-nous dans les souvenirs d'Emilia ou bien le rêve, le fantasme, a-t-il pris le dessus ? Tout se tient dans cette frontière ténue qui rend le récit parfois difficile à suivre.
On découvre également le cynique et calculateur Docteur Dupuy, le père d'Emilia. A travers ce personnage, l'auteur nous parle de la dictature militaire en Argentine. Manipulateur, opportuniste, le docteur Dupuy nie les disparitions et méprise ces folles de la place de Mai qui sans fin tournent en rond en réclamant leurs « disparus ». Il justifie les tortures, retourne sa veste au moment opportun, sait se faire briller quand cela l'arrange. le docteur Dupuy, c'est le symbole des horreurs de l'Argentine ; c'est le symbole des êtres imbus, autoritaires et fous qui ont un jour gouverné ce pays pour en faire un enfer. C'est le souvenir des anciens tortionnaires nazis qui renaissent avec l'assentiment des généraux.
J'avais emprunté ce livre pensant lire un roman sur les terrifiantes années de la dictature argentine. « Purgatoire », c'est bien plus. On quitte la réalité – une réalité trop pénible à vivre - pour passer dans le fantastique, l'illusion. le récit n'est pas toujours aisé, on s'y perd parfois. J'ai parfois « décroché », me disant « Mais où nous emmène-t-il ? ». En fait, ce roman n'est pas juste fondé sur une description factuelle, historique et émotionnelle de l'Argentine. En effet, Tomas Eloy Martinez nous fait partager par ses clins d'oeil cinématographiques et ses références littéraires, par ses illusions romanesques, tout son univers intellectuel. Au lecteur d'adhérer… ou pas.

« Purgatoire », c'est surtout l'histoire d'une femme restée en errance depuis l'époque où son pays l'était. C'est l'histoire d'une disparition, celle d'un être, celle de la mémoire et celle de la raison.
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La lecture de ce roman m'a pris un temps infini. Pourtant, il est sublime, magnifiquement écrit. Mais aussi terrible.
Alors j'y suis allée à doses homéopathiques. Pour pouvoir digérer, et surtout aller au bout. Mais même comme ça, c'est difficile.
Surtout si l'on se réfère à la tragique actualité, dans les pays d'Amérique Latine, qui démontre que cette folie-là, celle des hommes, que l'on espérait d'un passé révolu, ne s'arrêtera jamais (http://www.courrierinternational.com/article/2014/11/11/le-voyage-vers-l-enfer-des-etudiants-disparus).
Car, au delà de cette belle histoire d'amour, c'est bien de cela dont il s'agit : la corruption, le totalitarisme, le peuple malmené, impuissant. L'horreur. Et après ça les séquelles, impossible à panser.
C'est un roman que je vous conseille vraiment, dans la lignée de "D'amour et d'ombre", d'Isabel Allende, mais aussi "Prières nocturnes", de Santiago Gamboa, tous dénonciateurs d'un système politique véreux et corrompu jusqu'à la moelle.
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critiques presse (2)
Lexpress
27 juin 2011
Cette quête amoureuse désespérée, folle, démesurée, le romancier l'orchestre comme une marche vers l'au-delà, vers ce Purgatoire où Dante l'attend pour lui servir de guide. Et où les frontières entre la vie et la mort, entre le réel et le cauchemar s'effacent peu à peu.
Lire la critique sur le site : Lexpress
LaPresse
27 juin 2011
Purgatoire est la dernière oeuvre littéraire de l'auteur argentin mort en 2010, à l'âge de 75 ans. Il nous laisse une histoire intense, belle et sombre comme le pays qu'elle décrit.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Plus je pénètre la vie d'Emilia, plus celle-ci m'apparait, du début à la fin, comme un enchainement de pertes, de disparitions, de quêtes vaines. Elle a consacré des années à pourchasser des néants; des personnes qui n'existaient plus, à se souvenir de faits qui ne s'étaient jamais produits. Et si nous étions tous ainsi ? Notre vie ne se réduit-elle pas à malmener l'histoire pour y laisser un signe de notre passage, une misérable fumée, une petite lueur, tout en sachant que même la trace la plus profonde est un oiseau emporté par le vent ? Un être humain équivaut à un autre, il est possible que nous soyons tous morts sans nous en rendre compte, ou que nous ne soyons pas encore nés et que nous l'ignorions, avais-je dit à Emilia l'une des dernière fois où je l'avais vue. Nous venons au monde à notre insu, à cause d'une somme de hasards, et nous partons n'importe où, très probablement nulle part. Si tu n'avais pas aimé Simon, tu en aurais aimé un autre. Tu l'aurais fait avec joie et sans culpabilité, car on n'aime pas ce que l'on ne connait pas.
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Dimanche dernier, au sermon, le père Flannagan a évoqué le purgatoire. L'Eglise catholique croyait que le purgatoire représentait la purification indispensable aux âmes imparfaites pour entrer au paradis. On enseignait qu'accepter les tourments comme un acte d'amour à l'égard de Dieu, ainsi que toutes les formes de châtiment et de pénitence, c'était le purgatoire. Avant, c'était comme ça, plus maintenant. A présent, l'Eglise est plus tolérante, a dit le curé. Le purgatoire est une attente dont on ignore la fin.
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T'es gaucho, toi, Cardoso? T'es montonero, bolcho?
Pas du tout.
Tu sais ce que c'est, le communisme?
Je crois que oui. Ce qui arrive en Russie, en Pologne, en Allemagne de l'Est.
'Xactement! Des pays sans Dieu, où tout est à tout le monde. Même les femmes et les enfants appartiennent à l'Etat. Y a pas de propriété privée. N'importe qui peut piquer ce qui est aux autres.
C'est aussi simple que ça?
C'est moi qui pose les questions. Oui, aussi simple que ça. Où il y a pas de Dieu, il y a pas de décence. Tu trouves bien qu'un jour un mec de la rue débarque chez toi et défonce ton épouse parce que ça lui chante?
Non, je ne trouve pas.
L'Etat communiste leur donne ce droit à tous. Toi aussi, tu peux en faire autant, aller dans la maison du mec et lui rendre la pareille en baisant sa femme.
Je n'avais jamais entendu parler de ça.
T'as pas intérêt à en douter. En Russie, même les enfants de maternelle le savent et ils s'habituent, ils sont obligés. Ici, on apprend le respect. Dieu, d'abord. Ensuite, la patrie et la famille. C'est la sainte trinité argentine.
Si vous le dites, je n'en doute pas.
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Au sujet des disparitions de ces années-là, on continue à entendre des histoires qui accélèrent même les battements de cœur. Certaines revues, qu'on peut encore obtenir dans les librairies du vieux Buenos Aires, racontent, avec le langage mi-hypocrite mi-complice d'alors, l'égarement de personnes à bord de leurs voiliers, dans le Rio de la Plata, qui s'en allaient en abandonnant leur embarcation à la dérive. Beaucoup d'entre eux étaient de grands propriétaires, comme le mari perdu de Nora Balmaceda. Avant d'entreprendre l'ultime excursion de leur vie, ils cédaient les terrains et les industries de la famille à des chefs militaires qui avaient été leurs amis et leurs protecteurs. Les plaintes des frères et des épouses lésées s'accumulaient dans les tribunaux de justice, mais aucune n'était recevable faute du corps de l'absent. Là où l'on ne voit rien, il ne s'est rien passé, expliquaient les porte-parole du gouvernement. Les doubles négations, depuis lors si fréquentes dans le parler quotidien, s'emparèrent également du langage journalistique. "Ici, il ne reste rien", "il n'y a personne" étaient des expressions qu'on répétait à la radio et dans les émissions de télévision. On les entend et on les lit encore.
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( Orson) Welles l'observait, ébahi. Ici, dans ces journaux, j'ai lu que dans ton pays il y a des magiciens, des illusionnistes, c'est vrai, Charlie? Comme tu dois le savoir, je suis plus un illusionniste qu'un metteur en scène de cinéma. On avait raconté à Dupuy que Welles avait tourné peu auparavant un film sur la mystification et la magie, F for Fake. Il en possédait une copie dans une petite salle de projection de La Republica, mais il n'avait pas eu le temps de la regarder. Tu veux filmer des magiciens? Dupuy était surpris. Aucun problème, dit-il. En Argentine, il y en a beaucoup. Tu pourras disposer de tous ceux dont tu auras besoin. Ecoute-moi, Charlie, je lis ici ( Welles reposa son énorme main sur les chemises) que les magiciens de ton gouvernement font disparaître les gens qui se promènent dans la rue. Dupuy s'inquiéta. C'est ce qu'on t'a dit? Ce sont des calomnies. L'Argentine est victime d'une campagne perverse, une trame mensongère ourdie par des terroristes. Personne ne disparait. Ce sera inutile d'aborder ce sujet dans ton film.
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Video de Tomas Eloy Martinez (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Tomas Eloy Martinez
Hommage à Tomás Eloy Martínez sur le site de La Fundación Nuevo Periodismo Iberoamericano "El periodismo no es un acto de narcisismo , es un acto de servicio, servicio a la comunidad, servicio a los demás , servicio a la verdad." http://www.fnpi.org/homenaje-a-tomas-eloy-martinez/
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