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sur 2844 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Ayant essayé de lire ce roman il y a deux ou trois ans, sans grand succès, je m'attendais à ce qu'il me tombe de nouveau des mains, or le charme a cette fois-ci opéré et de marquante façon, me référant à l'écriture de François Mauriac qui m'a beaucoup plu, de même qu'à ce portrait de femme qui m'a particulièrement touchée, moderne si l'on considère que le roman a été publié en 1927. Sacrifiée sur l'autel du mariage arrangé et de la maternité non désirée, rongée par l'angoisse et le désespoir de ne pouvoir exister pour elle-même, Thérèse Desqueyroux saisit l'occasion, lorsqu'elle se présente, d'empoisonner son mari Bernard, un geste criminel qui résulte en un non-lieu lorsque ce dernier la disculpe pour sauver les apparences, ce qui l'enferme, cruellement, encore davantage dans cette vie dont elle ne veut pas et qui s'apparente à la mort. À défaut de ressentir de l'empathie pour Thérèse, que l'auteur n'a pas cherché à rendre attachante, on en a pour la souffrance qui est la sienne, et on ne peut qu'admirer la force vitale qui l'habite en ce qu'elle fait le choix de la vie. Un roman qui porte à réfléchir et pour lequel j'ai eu un gros coup de coeur.
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Un paysage féminin exploré jusque dans ses moindres recoins. Mauriac signe avant la lettre un roman féministe et livre une peinture acide, glacée de la bourgeoisie patriarcale, soucieuse des apparences, prête à tout pour échapper au scandale. Un monde totalement inaffectif où seuls comptent la position sociale, la chasse, les propriétés. le malheur assèche et Thérèse elle-même ne peut aimer, incarcérée dans l'ennui, dans l'incapacité de gouverner sa vie, agissant d'instinct pour trouver une issue qui n'existe pas, si ce n'est peut-être dans les dernières lignes du roman. Incapable d'amour dans le cadre d'un mariage arrangé. Incapable de loyauté dans une amitié. Inapte à l‘amour maternel. Comme un mouche qui se heurte et se heurte encore à la vitre d'une fenêtre qui ne s'ouvrira jamais. La province est une prison. La bourgeoisie, également. Thérèse qui échappe à un procès pour avoir tenté d'assassiner Bernard, son mari se voit ainsi privée d'un destin. Féministe Mauriac ? Près d'un siècle s'est écoulé depuis l'écriture de son roman. Mais celui-ci demeure d'une terrible actualité car, peut-être inconsciemment, l'auteur montre là où mènent ces comportements qui visent à enfermer les femmes dans des cases sociales. Thérèse est une femme qui dit non, avec ses moyens, le peu qu'elle a pour se révolter et en cela elle est une héroïne intemporelle.
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Ce qui marque particulièrement dans la lecture de ce roman, c'est une compréhension particulièrement fine du sentiment d'étouffement qu'une femme pouvait ressentir à cette époque, face aux mariages en partie arrangés, à l'amour de façade, à une vie dont l'épanouissement devait bien souvent se limiter à la famille et aux enfants. François Mauriac parvient à nous faire ressentir, pour Thérèse Desqueyroux, cette femme qui tente de regagner un semblant de vie, de liberté, par les moyens les plus criminels, de la compassion. Tout en nous laissant dans une zone de clair-obscur, sans non plus nous faire ressentir de la haine pour son mari qui n'est, finalement, qu'un homme comme les autres. le tout en un format court, intense, servi par une écriture à travers laquelle on sent tout la solitude de Thérèse, l'odeur des pins, et son incendie intérieur.
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Cette lecture a été une rencontre avec un personnage des plus troublants. Thérèse n'est pas de ses héroïnes que l'on comprend tout de go et jusqu'au bout, elle restera complexe.

Esprit en décalage avec celles et ceux qui l'entourent, elle qui lit, fume, raisonne et critique ne parvient pas à rentrer tout à fait dans le moule qui est fait pour elle. Ce milieu bourgeois est asphyxiant, et, même si elle n'a pas un mot plus haut que l'autre sur son état de femme mariée, le mariage est une prison dans laquelle elle suffoque et nous étouffons avec elle. La maternité ne lui amène pas davantage de joie et j'ai trouvé audacieux d'aborder cette absence d'amour maternel.

On comprend que rien ne tout ça ne lui convient, qu'elle n'était pas faite pour cette vie, mais elle est difficile à approcher, mise à distance par sa froideur, son détachement. La torpeur qui envahit le roman rend d'autant plus marquante une certaine passivité de sa part. La première partie sonne comme un long monologue intérieur, tentant d'expliquer le pourquoi de son geste, mais il ressort de cette introspection peu à peu qu'il n'y a pas de réponse claire. Si réponse il y a, c'est celle d'une inadéquation avec son milieu, avec sa famille, d'une indifférence envers sa vie présente.
Il a fallu arriver à la seconde partie du roman, quand Bernard lui refuse brutalement le droit à la parole, pour réellement entrer en empathie avec ce personnage. On ploie sous le poids du regard familial, du conformisme, des apparences, du conservatisme. Ce n'est pas un portrait de grande criminelle, ce n'est pas un monstre : c'est une femme désespérée qui a tenté d'échapper à son milieu, de renouer avec une possibilité de vivre.

Ce roman ouvre diverses interprétations sur différents pans de la personnalité de Thérèse et, parmi les pistes possibles pour saisir sa discordance avec le monde qui l'entoure, ses amours nous ont donné à réfléchir tant il semble se dégager de ce récit des attirances homosexuelles qui se lisent entre les lignes. Entre sa relation avec Anne lors de leur adolescence (« son adolescence contre la mienne »), les temps passés cachées dans la palombière et certaines réactions lorsqu'Anne vit un amour de jeunesse avec un voisin, mais surtout lors d'un épisode de mi-rêverie, mi-délire, écrit de façon neutre, sans que l'on puisse le lire uniquement au masculin ou au féminin. Un temps où elle rêve de quelqu'un qu'elle seule connaît, de « ce corps contre son corps, aussi léger qu'il fût », « des bouches qu'elle avait chéri de loin »… Peut-être est-ce notre regard de 2023 ou peut-être était-ce bien là ? Certaines révélations sur la vie de Mauriac rendent l'hypothèse d'un alter ego bisexuel possible.

Ce roman s'est révélé plus riche que ce à quoi je m'attendais. Bien que ce mariage soit vécu comme une oppression, je n'ai pas pu purement et simplement blâmer Bernard. Certes, les passages où Thérèse focalise sur la présence envahissante dans le lit et ses mastications bruyantes rendent la cohabitation crispante ; la mentalité est assez frustre et pauvre intellectuellement, d'où des réactions parfois un peu ridicules et quelques répliques particulièrement insensibles. Néanmoins, lui aussi m'a semblé pris au piège par son milieu et sa famille, sous le joug d'une posture virile qui ne doute pas. Il est difficile de sortir des chemins tracés si rien ne vient provoquer le déclic.

Jusqu'à cette fin, douce-amère – tonalité parfaitement adaptée au roman –, qui m'a totalement satisfaite. C'est l'écho de quelque chose qui aurait pu être, tous deux regardant l'autre, l'écoutant. Tous deux doutant un instant. Tous deux devenant un tout petit peu plus humains. Un instant, une considération éphémère…

L'histoire de l'emprisonnement d'une femme dans son quotidien, dans une société qui nie les personnalités individuelles et lisse le tout sous une vacuité émotionnelle. le portrait d'un mal-être, d'une dépression qui ne dit pas son nom. L'acte criminel devient accessoire finalement : il n'était peut-être qu'un moyen de se faire entendre, là où toute parole était vaine, inaudible pour ses proches. Un roman bien plus intense et subtil que ce à quoi je m'attendais.
Lien : https://oursebibliophile.wor..
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Ce roman est un classique de la littérature que l'on étudie souvent au lycée.

Ça été mon cas et je n'avais pas aimé ce livre au point que je ne l'avais même pas terminé...

Mais à la suite d'un bookclub où l'on a débattu de François Mauriac, j'ai décidé de lui laisser une nouvelle chance.

Heureusement j'avais conservé l'édition imposée quand j'étais en première.

Et j'ai été très surprise de ma lecture !

J'ai finalement trouvé l'écriture assez fluide et, une fois rehabituée au passé simple qui n'est plus si courant à notre époque, la lecture s'est faite en moins de deux jours.

L'histoire est intriguante : on se demande sans cesse ce que Bernard va faire à sa femme, ce qu'il va faire de sa femme et ce qu'elle va faire elle.

Et le dénouement m'a plutôt surprise car je ne m'attendais pas à une telle fin.

Ça été un joli moment de lecture même si je ne pense pas qu'elle me marquera pour le restant de mes jours tout de même.
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Un livre très court mais très dense. le portrait d'une femme ambivalente dont on comprend qu'il ait marqué la littérature française.

Une lecture que je n'étais pas sûre d'apprécier mais au final il y avait plein de choses à en tirer !

Une critique et analyse plus complète est disponible sur mon blog ↓
Lien : https://albertebly.wordpress..
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Captivant portrait que celui de cette empoisonneuse : on pense avant de le lire que ce sera une plongée dans un esprit maléfique, mais le romancier nous pousse à la compassion envers son personnage, sans en faire une victime innocente. C'est plutôt le portrait d'un être terriblement seul, inadapté à son milieu : tandis qu'elle recherche l'échange, un certain raffinement, les Landes sont décrites presque comme un monde à la lisière de l'humanité, où les forêts renforcent l'impression de séquestration, et où les hommes n'ont que des appétits frustres comme la chasse, à l'instar des hommes primitifs. En ne nous donnant pas la clé de son geste, Mauriac nous pousse plutôt à voir dans son récit comment, de désillusion en désillusion, se distille goutte à goutte le poison du crime.
Il le fait avec une grande modernité dans le propos, notamment quand il évoque l'insatisfaction sexuelle de Thérèse.
J'ai aussi été sensible à l'intelligence de Mauriac, avec des idées à chaque phrase. C'est d'ailleurs le reflet du bouillonnement intérieur de Thérèse, contrastant avec son environnement bien terne. le récit du voyage de Thérèse vers la demeure conjugale est remarquable, et montre une maîtrise parfaite de la technique romanesque faisant alterner les souvenirs, la description des événements présents et l'anticipation de ce qui va venir, la confrontation avec l'époux. La suite est plus convenue, sans être inintéressante.

Un mot sur l'édition de Jean Touzot que j'ai utilisée, au Livre de poche : il est regrettable que sa préface, même s'il montre une bonne compréhension de l'auteur, multiplie les euphémismes pour évoquer une clé du livre, l'homosexualité possible de Thérèse, et avec plus d'euphémismes encore celle, avérée, de Mauriac lui-même. Pourtant, dans les documents en annexe, Mauriac mentionne parmi les femmes qui ont inspiré son personnage une femme jugée aux assises et « ayant probablement le goût des femmes ». de plus, plusieurs passages laissent à penser que Thérèse préfère Anne, sa belle-soeur, à son mari. On a donc une préface qui suggère à demi-mot ce que ne peut comprendre qu'un lecteur averti. Ce n'est pas ma conception de ce que doit être une édition grand public, mais soit. Par contre, on se passerait bien de remarques homophobes telles que ceci : « En revanche il sait, et il en administre la preuve aux laxistes de la fin de notre siècle, que l'honneur consiste à surmonter une tentation barricadée d'interdits dont en son âme et conscience on a reconnu le bien-fondé. » On appréciera que cette préface ait été écrite en 1989, donc en pleine épidémie du SIDA. Il serait sans doute temps de réviser cette édition.
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Le récit, inspiré de la célèbre affaire des Chartrons, commence dans le train qui ramène Thérèse chez elle après qu'un non-lieu a été prononcé au terme de son procès, à la faveur du témoignage de son mari. Non non, vous ne rêvez pas : c'est bel et bien Bernard, l'époux et la victime par tentative d'empoisonnement de Thérèse, qui finit par la disculper. Ne croyez pas pour autant que ce dernier ait le moindre doute sur sa culpabilité... Il lui tient surtout à coeur de soustraire sa famille à l'opprobre qui s'est abattue sur elle.

Avec tout le talent qu'on lui connaît, François Mauriac dépeint avec précision la personnalité de Thérèse et la manière dont elle s'est construite dans une bourgeoisie patriarcale étouffante, parvenant ainsi, non pas à justifier, mais à expliquer son geste et rendre un semblant d'humanité au monstre de froideur qu'elle est devenue.

Cet acquittement sera-t-il synonyme de liberté pour Thérèse ? Rien n'est moins sûr... En effet, le sort que lui réserve sa famille, et notamment son mari, à son retour au domicile conjugal sera peut-être bien plus éprouvant que la peine à laquelle elle a échappé.
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Le week-end dernier j'ai pioché dans la bibliothèque de ma mère qui contient des milliers d'ouvrages, quelques vieux livres de poche, cornés et jaunis, de la fameuse collection « J'ai lu »…
Pour moi ce sont donc des « J'ai lu », jamais lu ! des « J'ai lu, à lire » quoi…
Sur le chemin du retour j'avais déjà dévoré la moitié de ce roman de Mauriac, auteur passé avec le temps, un peu au second rang…
Le pitch, vous le connaissez certainement : Thérèse Desqueyroux, mariée tôt , tente d'empoisonner son mari, un sylviculteur de province. Elle est sauvée de la condamnation par sa belle famille qui préfère héberger une criminelle chez eux, plutôt que de se voir exposée au scandale… dès lors la maison familiale sera la prison de Thérèse.
L'histoire n'a pas perdu de sa force, c'est une critique féroce de la petite bourgeoisie de province, étriquée, obnubilée par la bien-pensance, l'apparence et le quand-dira-t'on …
Par contre, j'ai trouvé le style un peu« vieilli »… Oups ! Je ne devrais pas dire ça d'un prix Nobel de littérature, crime de lèse majesté !
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Pour écrire " Thérèse Desqueyroux" Francois Mauriac s'est inspiré du procès Canaby qui a marqué sa vie de jeune adulte. Dans cette histoire, une femme accusée d'avoir tenté d'empoisonner son mari sera finalement acquittée sur le témoignage en sa faveur de ce dernier. Mais loin d'être un pas vers la liberté, Mauriac dépeint une toute autre geôle, celle du mariage arrangé et des convenances.
Nous entamons le récit avec un long monologue de Thérèse qui après son non lieu doit rejoindre Argelouse pour retrouver ce mari qu'elle souhaitait supprimer. Que va-t-elle lui dire ? Que sera sa vie maintenant ? Cette nouvelle vie, Bernard Desqueyroux l'a déjà pensée pour elle, une vie de recluse, de malade mentale en attendant que les choses se tassent. Puis enfin la libération, ou plutôt l'abandon de cette épouse devenue encombrante. Voilà dans les grandes lignes l'histoire de Thérèse Desqueyroux.
J'ai vraiment apprécié ce roman, pas tellement pour l'histoire et les personnages mais plutôt pour l'auteur. J'ai aimé le point de vue féministe et la dénonciation des mariages arrangés malheureux. Cette destinée inexorable réservée aux femmes contraintes d'épouser des hommes peu attrayants et peu interessants à l'instar de Bernard ou du fils Deguilhem, promis à la jeune et naïve Anne de la Trave. La famille, l'honneur, les possessions, tout passe avant elles. Elles ne sont que des dots ambulantes. L'écriture très imagée de Mauriac rend bien compte de cela. Thérèse est écartée du coude par son père et son avocat à la sortie du tribunal, les membres de sa famille sont comparés à des barreaux vivants.
L'enfermement de Thérèse est aussi symbolisé par cette lande du sud ouest opaque, lugubre qui n'offre aucun horizon. Mauriac y revient plusieurs fois. J'ai accroché au roman dès le début grâce à cela. Cette métaphore de Thérèse libérée de la justice mais s'enfonçant dans les pins, observateurs et presque acteurs de sa réclusion familiale m'a beaucoup plu.
Je regrette de ne pas m'être attachée aux personnages et de ne pas avoir été touchée plus que cela par le malheur de Thérèse mais, à côté de cela, je suis conquise par le style de Mauriac.

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