« Tout était figé, écrasé, trop vaste, vide, sans un bruit ni un souffle, avec toujours des montagnes, où qu'elle regardât, des montagnes indifférentes et pesantes » .
« Tout se jouait entre cet infime concentré de volonté humaine , désir de perfection et de contrôle tout- puissant , et cette nature solennelle et immuable, d'une indifférence absolue aux besoins et aux désirs de l'homme ».
« le silence était si grand qu'il ressentit un nouveau vertige » .
« L'air était tellement pur qu'il lui brûlait les poumons » .
Quelques passages de ce roman minéral, magnétique célébrant avec une grâce lumineuse, la magnificence d'une terre chargée de mythes et de légendes, au coeur d'un village entouré de montagnes, lieu situé à la frontière, carrefour de trois pays , désert au pied de ces hautes montagnes , où poussent les chardons violets , où l'on récolte le miel noir , un désert où l'on entend le canon sonner ….
Une énergie étrange, bienvenue, attire le lecteur, saisi tout entier par les odeurs, les couleurs et les sons comme Léo Bendos , un des héros de ce roman , à la nature solennelle et immuable, happé par ce LIBAN , à la fois comme un fantasme , historique , hors de la réalité , un pays torturé par les conflits…..
Fausta, céramiste , quitte Beyrouth pour la maison de son oncle : Rodolphe JR . kyriakos , dans ce village ,à la frontière de trois pays en guerre.
C'est en violant la propriété de voisins émigrés au Canada les Bendos, que l'intrigante céramiste Fausta a créé sans autorisation cette flamboyante piscine , aux carreaux bleus étincelants , sur un terrain qui ne lui appartient pas, cela lui rappelle les doux étés de son enfance , le seul endroit susceptible de l'apaiser , elle désire aujourd'hui se reposer d'un traitement au long cours depuis des années , elle tente sans succès d'être mère,.
Fausta aurait envie de se plonger dans la piscine avant une toute dernière injection qui lui permettrait peut - être ,d'avoir , enfin un enfant .
Revenu sur ces terres afin de constater le délit , le jeune héritier québécois Léo Bendos perturbe son séjour ….
Il désire en fait, régler cette affaire de piscine , vendre le terrain de sa famille et repartir.
Mais Léo tombe sous le charme de Fausta, ils se découvrent , fascinés surtout par ce village, la découverte et la contemplation des lieux , un paysage ocre, minéral , âpre , sans concession , Fausta faisait corps avec cette nature irréductible et puissante qui anéantissait tout ., un pays mourant et renaissant à chaque seconde.
Les paysages arides sont fascinants :une région particulièrement vide et déserte pendant la journée alors que la nuit de petites lumières agglutinées surprennent , tout est proche , ensemble, grégaire , d'étroits liserés de points lumineux révèlent alors tous les endroits inhabités de ce si petit pays.
La plume est magnétique , poétique, c'est l'histoire inachevée , à la fois intimiste et universelle de deux êtres happés par la puissance d'une nature et d'un lieu immuable.
L'auteure réussit avec une tendresse lumineuse ,aérienne, pétrie d'une grâce infinie à faire éprouver à tous nos sens le charme , la grandeur de cette terre imprégnée de chaleur, d'odeurs , celle de myrrhe et d'encens, les maisons de pierre blonde , surplombées de toits de tuiles rouges, les façades ornées d'arcades , de balustrades et de longues fenêtres effilées ….l'eau, le soleil, l'ombre bienfaisante …
Le lecteur ressent une impression d'inachevé.
Ce roman généreux célèbre la terre qui nous façonne ,évoque avec acuité nos identités mais manque, selon moi de réelle profondeur.
Le Roman même traversé de lumière étincelante s'avère léger, effleure les sujets, un peu facile .
Ce n'est que mon avis bien sûr , comme toujours .
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Oui, c’est ça, me dis-je parfois, qui me manquera le plus de notre bonne vie sur Terre, tous ces êtres humains qui jouent de leur voix, leurs mains ou leur corps, qui jonglent avec des gammes, des mots, des images, des volumes et des couleurs, qui jouent de leurs souvenirs, de leurs ressentis et du ressenti des autres, pour en faire quelque chose de magique ou de cauchemardesque, mais avec grâce et sincérité. Ils jouent pour tromper la souffrance, l’inacceptable, l’inconcevable, dans l’espoir de donner un sens à leur vie.
« C’est à cet instant que Léo ressentit avec force à quel point il était à des millions de kilomètres de chez lui .
Quel était donc le lien entre lui et cette jeune femme camouflée derrière de larges verres fumés, shootée à de petites sensations de secours comme à des bouffées de Ventoline , auprès de qui il marchait ? .
Quel était le lien entre cette femme à l’apparence urbaine et sophistiquée et ce mystérieux peuple ne connaissant pas les frontières qui habitait la moitié d’un village suspendu dans le temps ? . »
« Dès l’aurore, le balcon du haut était noyé de soleil, la dalle de la terrasse enflammée d’un violent éclat , réfléchi par le tissu blanc des fauteuils » .
Il se dit qu’ici tout pouvait se produire à une vitesse fulgurante, aussi bien les affaires que la guerre, de la même façon qu’on pouvait s’enliser des siècles et des siècles durant à l’image de ces créatures pataudes qui se déplacent avec une extrême lenteur et passent leurs journées accrochées aux branches des arbres. Ça devait être cette oscillation permanente entre deux états opposés qui faisait qu’ici, malgré le vide et l’ennui du désert, on ne pouvait pas ne pas se sentir vivant.
La rocaille crissait sous le pas rapide d'un homme. Il avançait sur un chemin éclairé par un flot de lumière électrique venant d'une vieille maison en pierre. L'homme trébucha, se redressa en pestant, avec, dans les mains, un tuyau en plastique qu'il venait de soulever. Il tira assez dessus pour fixer son point d'origine dans la propriété voisine puis il fit volte-face, suivit le tuyau jusqu'à une haie d'arbres et de buissons. Il écarta les branchages et découvrit, tranchée à vif dans la terre, une piscine bleu minéral, parfaitement cubique et pleine à ras bord, jaillie des profondeurs. Une exclamation de surprise indignée luiéchappa. La piscine émettait une lumière diffuse et sous-marine. Elle était enveloppée d'une vapeur légère phosphorescente qui laissait percevoir un terrain rocheux parsemé de blocs erratiques et de rangées d'oliviers. Ce rayonnement presque surnaturel contrastait avec l'horizon désert et vallonné que définissait la lune. Personne dans l'eau d'un bleu lagon, la surface satinée était à peine troublée par les circonvolutions tranquilles d'un robot-nettoyeur, dont les clapotis délicats s'ajoutaient au crépitement lointain des contrées arides. Après une longue minute de contemplation, l'homme sortit de son veston un portable, prit une photo et se remit à marcher en tapotant sur le clavier. S'envola le bruit crypté du message dans un silence parcouru du seul bruissement des feuilles.
Une immersion dans la fabrique de l'écriture avec des auteurs qui nous plongent dans les arcanes de la création et nous expliquent comment ça s'écrit…Cette semaine l'écrivaine libanaise Diane Mazloum, entre la grande histoire et la géographie – intime