Autant l'avouer tout de suite que je suis plutôt bon public aux chroniques historiques de
Marc Menant sur la prétendue chaine d'information du groupe Canal plus... J'étais... quand je regardais encore les chaines de télévision, il y a un peu plus de six mois environ. J'appréciais l'enthousiasme avec lequel il contait les journées particulières de tout un tas de gens qui, d'habitude, peuplent assez tristement les livres d'histoire. Sur ce bouquin, je vais être tout aussi clair et direct : ce n'est pas celui qui lui permettra d'être sélectionné par le jury du prix Nobel de littérature. Loin, loin de là.
L'ouvrage se divise en deux parties. Si la première est effectivement consacrée à l'histoire, ô combien inquiétante, des vaccins, en revanche la seconde apparaît comme un gros fourre-tout où il entasse ses lubies anti-médicales. Lubies est très péjoratif de ma part, j'en ai conscience mais je m'attendais plutôt, par symétrie et en pendant au schéma historique du vaccin, à un développement détaillé de l'histoire de la découverte du fonctionnement du système immunitaire. Ce qui semblait assez évident et logique du point de vue d'un plan raisonnable. Rien de cela, sur le sujet du système immunitaire, dans la première moitié, il faut se contenter d'une simple allusion à l'ignorance qu'en avait Pasteur. Pour le reste : tin-tin, rien ou quasiement, il y aura une nouvelle allusion dans un passage où il est question du microbiote intestinal.
Ceci dit, dans cette seconde partie qui me gène, je partage souvent son point de vue. Je suis bien d'accord avec lui sur le fait que lorsqu'on a un capital santé correct, il faut savoir le préserver et j'en ai profité pour réviser quelques notions de base. Mais la construction du livre est bancale et le titre à moitié trompeur. Sur les dix chapitres qu'il contient, cinq sont consacrés à la médecine en général et plus particulièrement à ses ratages. Sur la fin, entre l'effet placébo, l'hypnose et les miracles, j'ai l'impression de lire un extrait du Matin des Magiciens de Jacques Berger et
Louis Pauwels, ce qui n'est pas une référence en matière d'objectivité. Ils y citent un type du nom de
Charles Fort qui collectionnait les faits extraordinaires qui s'insèrent exceptionnellement dans le quotidien comme les pluies de grenouilles, et autres bizarries qui rendent le réel "fantastique". La démarche de
Marc Menant s'apparente à ce genre de collection. Ce qui ne veut pas dire qu'il a tort surtout quand il présente le médicament comme un poison (et c'est loin d'être stupide, tout médecin digne de ce nom sait que la moindre des molécules actives est dangereuse) mais du point de vue de l'éloquence, le mélange des niveaux de sérieux affaiblit son argumentation. Et au plus on avance dans le bouquin, au plus ça se délite. On s'éloigne de plus en plus du sujet, jusqu'à finir sur l'importance de la joie de vivre et l'accomplissement personnel. La connexion avec l'histoire des vaccins m'échappe complètement.
Alors j'ai beau être un méchant complotiste moi-même qui daigne à peine rencontrer son médecin traitant (de très loin, au téléphone, voir d'un bout à l'autre d'un long couloir, derrière des masques dont un ffp2, le sien, pour un malheureux rhume accompagné de toux que l'hystérie collective a fait rentrer dans la catégorie "maladie mortelle" ("mortelle", certainement, oui mais pour mon job si j'avais fait l'erreur de ne pas la déclarer aux "autorités médicales" officielles) ; qui fuit le médicament comme la peste ; qui n'ose même plus toucher ne serait-ce qu'aux huiles essentielles ; là, je suis désolé de le dire, mais sur les derniers cinquante pour cent du livre, ce faiseur de salmigondis saucissonne les paragraphes pour remplir des pages jusqu'au format minimal qui permettra de le facturer vingt euros en supermarché (et c'est loin de les valoir). Il finit en apothéose avec l'hommage à son papa et les remerciement à son éditrice, le comble kitschissime des erreurs de débutant, j'ai cru rêver. C'est pourtant un journaliste de longue date ; qui a de l'expérience ; qui n'en est pas à son coup d'essai (je ne connais pas du tout le contenu de ses autres "ouvrages" mais au vu des titres, j'ai l'intuition que le bonhomme a recyclé la plupart des idées de ses précédents "récits" - je ne vais pas aller jusqu'à parler d'enquêtes, il ne faut pas exagérer).
Comment peut-on en arriver là sur un sujet si sérieux ? Quand on s'attaque à des figures aussi emblématiques que celles de Pasteur et du vaccin, il faut être soi-même inattaquable. Alors commencer avec une diatribe aussi caustique qu'enflammée et sulfureuse mais étayée et argumentée, pour finir en dentelle d'idées incohérentes et dispersées comme, par exemple, "les collections de mots dans des cahiers de vocabulaires", on nage la brasse coulée dans le ridicule ; on finit par torpiller le projet sensationnel de départ par une accumulation d'un peu n'importe quoi...