Après quarante-huit heures de furie, la tempête s'est calmée. L'océan s'endort contre les récifs de Born. Sur le plateau sous-marin du Silver Bank, à quarante cinq miles à l'ouest de Saint Domingue, le baleineau joue dans un monde fluide de musique, de tiédeur et de lumière. Malgré ses neuf cents kilos, c'est encore un nourrisson; sa mère, une baleine à bosse, l'a mis au monde cinq jours plus tôt sur ce haut-fond protégé, l'une des maternités des grands cétacés.
Le baleineau est désorienté. Autour de lui, les chants envoûtants se sont tus et les animaux qui l'environnait on disparu. Sa mère elle-même n'est plus là. Il la cherche au milieu des herbier noirs et le long des canyons de roches claires. Ce nouveau jeu le conduit vers la barrière de corail, qui protège le plateau des alizés.
Soudain, l'océan se trouble. L'eau, si douce quelques instants auparavant, se change en acide. Un navire, le Prométhée, drossé par l'ouragan contre la barrière, et éventré sur les récifs, vomit la mort. Le Lexis échappé de ses fûts, est un poison violent pour la faune et la flore. A son contact, le baleineau brûle. En quelques minutes, sa chair creusée n'est plus qu'une gangue de souffrance. Il perd la notion de l'espace. Il s'affole. Aveugle, il se rapproche de l'épave en voulant fuir. Il se débat, heurte des choses dures et hostiles. La lumière elle-même le blesse.
Puis il est pris dans un remous. Ce courant puissant qui l'entraîne, c'est sa mère enfin revenue. elle le conduit au-delà de la nappe, vers les grands fonds. Trop tard. L'océan s'est transformé. Son goût est amer, sa douceur empoisonnée. Le baleineau blessé n'a plus que six jours à vivre.
Zoé à la Comédie- Française, en juin 2015, a lu un extrait de "L'espion de Richelieu" lors de l'évènement "Les petits champions de la lecture".