Dès le premier plat, me voici plongée dans mes souvenirs d'enfance. le gros édredon, le poêle unique, le linoléum, les fleurs de givre sur la fenêtre, le lit en fer et le tapioca (pour moi, c'était de la semoule au lait)… Je trempe ma madeleine, non dans le tapioca, mais dans mes odeurs et sensations enfantines. Nos souvenirs, les bons comme les mauvais, sont souvent liés aux papilles.
Chaque chapitre porte le nom d'un plat et le livre se termine par du champagne ; Normal pour une belle fin. Les souvenirs sont faits de la vie quotidienne avec ses joies, ses peines, ses trahisons, ses deuils…
Les personnages sont attachants ; plusieurs se détachent de leurs liens familiaux (j'aime jouer avec les mots) suite à des attachements hors nature pour leurs milieux sociaux.
Toute la vie est dans ce livre, les amours adultères, la relation amoureuse tante-neveu, la religiosité, le conformisme de certains, l'ennui, l'amour, la gourmandise, le suicide assisté… Beaucoup d'émotions, de poésie, de vie dans les souvenirs de trois familles suisses, liées entre elles où je passe de la bigote à la femme adultère, du parvenu au « vrai bourgeois » (ici j'ai pensé à Brel et Brassens), des portraits de famille, des situations familiales d'où émergent la beauté d'âme d'Anna, Fanny qui en vieillissant a renoncé aux amants mais pas à la séduction et Genève !
Surtout ne pas oublier Genève. Anne dit « Genève c'est comme un ventre ». Odile Ferrard, veuve Reymond « considérait Genève comme son berceau ». Tous y vivent ou y reviennent, berceau de la famille oblige. Genève comme une matrice où ils aiment se lover mais d'où certains s'expulsent.
De la nostalgie teintée d'ironie, c'est certain, de la tristesse, non.
Un livre gourmandise. J'ai aimé me promener dans Genève avec eux, revisiter leurs vies. La musique des mots de
Shmuel T. Meyer me fait penser au cinéma de
Lelouch.
Je vous l'ai dit, dès le début. Ce livre fut comme une madeleine que j'ai grignotée la bouche fermée pour ne pas mettre mes miettes de gâteau dans la vie des personnages de Shmuel Meyer.
Pour finir, cette belle phrase : « Lorsque je les serre dans mes bras, je sais exactement ce que vivre peut vouloir signifier. Ça semble idiot, mais c'est un sentiment électrique et multicolore si puissant qui traverse alors ma peau, ma chair, mes viscères, mes os, jusqu'aux nerfs de mes yeux qu'il me force à ouvrir la bouche pour ne pas le laisser tout consumer en moi.» Et si c'était ça la vie et si c'était ça le livre de
Shmuel T. Meyer.
J'ai lu ce livre grâce à l'opération Masse Critique de Babelio que je remercie pour cette lecture au goût, pour moi, de semoule au lait.
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