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Michel Launay (Éditeur scientifique)
EAN : 9782080701602
250 pages
Flammarion (07/01/1993)
3.02/5   27 notes
Résumé :

La Lettre à d'Alembert est une réponse à l'article " Genève " paru dans l'Encyclopédie en 1757. D'Alembert y exprime le souhait qu'on établisse un théâtre à Genève et qu'on mette fin à la polémique menée par les théologiens contre la comédie. Un théâtre à Genève, ce serait en somme la confirmation, aux yeux de l'Europe entière, qu'un théâtre moral est possible. Mais, pour Rousseau, le théâtre, qui cherche avant tout à flatter les passions du public, ne s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
[J'en ai marre de râler sur de la philo, alors je vous invite à aller plutôt voir cette critique : https://www.babelio.com/livres/Rousseau-Discours-sur-lorigine-et-les-fondements-de-lineg/2950, ou celle-là de quand j'étais encore un gamin si vous êtes mais alors vraiment pas exigeants : https://www.babelio.com/livres/Voltaire-Candide/8072/critiques/1472180. Ou bien d'aller lire l'« Esthétique ». C'est sympa, l'« Esthétique ».]
Mouche crevée dans le coin de la pièce et propos anachroniques débités à la pelle : bienvenue en fac de Lettres, et sa matière la plus funeste, l'histoire littéraire. On vous apprend entre autres les écrits de l'époque et leur subtilité désarmante, du genre « Les cathos c'est tous des femmelettes » versus « Les protestants faut tous les brûler », ou « Tous les Turcs sont des Arabes et tous les Arabes sont des Sauvages, et tous les Sauvages sont semblables à ces Anglais d'hérétiques ». Non mais faut comprendre, c'est une autre époque. Les femmes se retrouvent au couvent pour tomber amoureuses tandis que les hommes peuvent trousser les servantes à chaque bout de couloir. Non, mais faut comprendre, c'était une autre époque. Morale janséniste légaliste, morale jésuite qui justifierait un criminel du moment qu'il a voulu bien faire ; d'un côté les libertins qui se permettent de baiser tout ce qui bouge, de rejeter n'importe quel code moral, et en plus d'écrire avec les pieds (le tout culminera avec le combo XXX sadien) ; d'un autre côté les moralistes qui rejettent presque tout ce qui fait le bonheur du profane. Non mais faut comprendre, non mais faut comprendre…
D'un point de vue historique, oui ces oeuvres ont leur raison d'être. Elles reflètent la pensée d'un temps, et nous avons tout intérêt à l'observer et à l'analyser pour éviter qu'elle revienne un jour. Elles sont une pensée brute que nous nous devons d'affiner avec les connaissances et les approfondissements de notre siècle et de ceux qui ont séparé le sien. Mais du point de vue purement littéraire, il peut se glisser des trucs qu'on ne peut pas tolérer éthiquement, quand bien même (et a fortriori) elles seraient rédigées dans un but éthique. Se pointe ainsi la Lettre à d'Alembert de Rousseau, un philosophe que j'admire pour sa sensibilité envers la nature et son progressisme qui donnera naissance aux droits de l'Homme. Il tente de s'appuyer sur des raisonnements plutôt que s'arrêter aux apparences et est mû par un véritable intérêt moral : je ne peux que lui être reconnaissant là-dessus. La première fois que je lis, en bon bisounours naïf, je pense qu'il prend la défense du théâtre devant D Alembert. Et puis je relis et je me rends compte que je me suis planté au point que je dois refaire toute ma critique.
Parce que pour Rousseau, le théâtre n'est qu'un ensemble de vices et de perversion : tout ne peut y être qu'immoral, puisqu'il reflète les bassesses du peuple, et ça ne fera forcément que les niveler un peu plus par le bas. La tragédie nous fait nous attacher à des êtres rongés par leur perversion, la comédie nous faire rire et donc banaliser les défauts de soi-même et d'autrui. Les autres genres, pastorale dramatique, tragi-comédie, visiblement ça n'existe pas, donc passons. Qu'est-ce qu'a le théâtre de plus que les autres formats de fiction ? En quoi est-ce qu'il pousserait plus au vice qu'un roman, qu'une nouvelle ? En quoi ne pourrait-on pas en théorie raconter la même histoire à l'écrit et en spectacle (ce qui se faisait d'ailleurs déjà à l'époque) ? Admettons que ce soit le pouvoir de l'image qui se fasse plus magnétique que celui du mot. Admettons que le naïf consommateur d'oeuvre tombe dans des pièges face à l'oeuvre montrée qui ne lui arriveraient pas dans une oeuvre racontée. Admettons que, même si le mal est toujours châtié à la fin, il n'en est pas moins qu'il est montré au public des saloperies auxquelles il n'aurait pas pensé en temps normal. Il n'empêche que sans les films et les pièces sur le Seconde guerre mondiale, nous aurions oublié les dangers du nationalisme ; nous tentent-ils pour autant ? Il n'empêche que sans la pièce « Je crois en un seul Dieu », qu'elle soit ou non remplie de violence et de fanatisme, nous n'aurions jamais eu une vision aussi claire et nuancée de la guerre israélo-palestinienne ; il n'empêche que si le film « Citizen Kane » montre une Amérique dépravée, il est plus explicite que tous les pamphlets qu'on ait pu écrire sur celle-ci, ne dictant pas une ligne de conduite, mais montrant tout simplement comment un idéal peut être corrompu au fil du temps. le mal doit être montré au public, à condition d'être questionné. On peut en rire sans en atténuer l'horreur, sans même tourner en ridicule si l'on est doué. Il est vrai que nous devons nous passer de divertissements inutiles ou néfastes ; mais c'est justement ce questionnement qui fait que la fiction n'en est pas un.
Alors, où est le problème ? Bah sûrement dans les femmes, qu'y nous dit le père Rousseau ! Vous trouvez ça normal vous, qu'une femme monte sur scène ? Qu'elle parle à des HOMMES ? Bah oui, c'est évident, pourquoi Dieu il aurait donné un gramme de jugeote à ce qui constitue quand même la moitié de l'Homme et qui l'aide à la procréation comme à un idéal de stabilité ? Pourquoi elles auraient leur mot à dire à la guerre plutôt que de s'occuper de leurs enfants qu'on massacre ? Pourquoi elles auraient leur mot à dire à la paix vu que tout ce qu'elles savent faire, hein, c'est nous séduire nous les pauvres hommes qui ne faisons mais alors ABSOLUMENT jamais ce genre de trucs ?!
Posons-nous deux secondes : le raisonnement est cohérent bien que contestable (il faut revenir à la nature et la nature veut que les femmes soient inférieures en force physique et donc occupent un autre rang que les hommes ; sauf si on pense comme moi que notre rôle est d'assimiler la nature pour ensuite la maîtriser, car s'il fallait continuer d'en faire partie, nous n'aurions jamais inventé la technologie par exemple), et à aucun moment l'ouvrage ne va se vautrer dans une misogynie grossière : Rousseau pense que les jeunes filles ne sont pas aptes à se montrer pour leur bien-être, non seulement sur scène, mais aussi dans le grand monde, où elles étaient bien plus considérées comme des potiches que si elles avaient été des femmes au foyer. Je sais qu'une vie stable en couple est toujours souhaitable, je sais qu'il y a de très bonnes mères au foyer (la preuve : la mienne) et je n'ai rien contre son idéal très poétique de la féminité. Simplement, interdire aux femmes le métier d'actrices, de metteuses en scène, de chanteuses ou n'importe quel métier incluant une estrade, le temps l'a bien montré après lui : non seulement ça priverait la démocratie d'un point de vue autre et précieux, non seulement on se sentirait bien moins concernés par les affaires de viols / violences / tout ce que vous voulez (parce que oui, les nanas ne font pas qu'écrire des machins à l'eau de rose), non seulement ce serait brider les volontés artistiques de la moitié de la population, mais ce serait nous priver d'artistes de talent comme Arianne Mouchkine, Agnès Varda, Constance Garcia (petit placement de produit pour mes potes de collège), Emmanuelle Parrenin, Hindi Zara, Agnes Obel, j'en passe et des meilleures… Dans quelques années, une asso à deux balles découvrira ce texte, fera tout un remue-ménage pour l'exclure de l'enseignement, et tentera d'en interdire les rééditions… Tout ça pour un gars qui n'était même pas vraiment macho…
Enfin bon. À côté de ça, reste que la dissociation entre spectacle et fête est pertinente : le spectacle ne fait que montrer, la fête nous fait participer nous tous. Sorti de son contexte, c'est même extrêmement pertinent : plutôt que de laisser des politiciens se donner en spectacle, que nous tous participions à la République résoudrait quantité de problèmes actuels… Et Rousseau restant Rousseau, celui-ci confesse dans sa bonne foi qu'il n'a pas la science infuse. Il a fait son boulot en se montrant plus progressiste que nombre de contemporains et admet qu'il pourrait s'y trouver quelques erreurs involontaires. La preuve avec la comédie dont il prophétise qu'elle ne pourra aboutir en Suisse qu'à de petites guéguerres mesquines entre personnalités locales ; 500 ans plus tard, Thomas Wiesel démonte avec brio et intelligence les dogmes des plus grandes start-ups internationales. Comme quoi le temps donne réponse à tout…
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J'ai découvert cette oeuvre philosophique de Rousseau en khâgne. Ce texte e présente sous la forme d'une lettre ouverte en réponse à D Alembert. Rousseau y donne son avis sur les spectacles, les théâtres et la société de divertissement - pour employer un terme moderne. Je ne partage pas son opinion selon laquelle le théâtre a pour conséquence la décadence des moeurs, en détournant les hommes de la moralité. le théâtre n'est là que pour flatter les passions les plus basses, il est incapable d'éduquer les citoyens. le comédien lui-même n'est qu'un menteur qui se travestit pour remplir ses rôles.
Cependant, j'ai apprécié les réflexions de Rousseau sur le Misanthrope de Molière et notamment le personnage d'Alceste. Rousseau se reconnaît dans cet honnête homme qui refuse de mentir et de faire des concessions à la société. le passage sur les Montagnons est aussi très intéressant. C'est une utopie qui présente ces habitants isolés des montagnes comme un peuple idéal, justement parce qu'il n'a pas d'amusements - ou plutôt, pas d'amusements immoraux.
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Il est intéressant de découvrir la pensée d'un philosophe célèbre, mais cela reste ennuyeux à lire...
Lien : http://la-riviere-des-mots.b..
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
J’ai tort, si j’ai pris en cette occasion la plume sans nécessité. Il ne peut m’être ni avantageux ni agréable de m’attaquer à M. d’Alembert. Je considere sa personne : j’admire ses talens : j’aime ses ouvrages : je suis sensible au bien qu’il a dit de mon pays : honoré moi-même de ses éloges, un juste retour d’honnêteté m’oblige à toutes sortes d’égards envers lui ; mais les égards ne l’emportent sur les devoirs que pour ceux dont toute la morale confine en apparences. Justice et vérité, voilà les premiers devoirs de l’homme. Humanité, patrie, voilà ses premieres affections. Toutes les fois que des ménagemens particuliers lui font changer cet ordre, il est coupable. Puis-je l’être en faisant ce que j’a du ? Pour me répondre, il faut avoir une patrie à servir, et plus d’amour pour ses devoirs que de crainte de déplaire aux hommes.

Comme tout le monde n’a pas sous les yeux l’Encyclopédie, je vais transcrire ici de l’article Geneve le passage qui m’a mis la plume à la main. Il auroit dû l’en faire tomber, si j’aspirois à l’honneur de bien écrire ; mais j’ose en rechercher un autre, dans lequel je ne crains la concurrence de personne. En lisant ce passage isole, plus d’un lecteur sera surpris du zele qui l’a pu dicter : en le lissant dans article, on trouvera que la Comédie qui n’est pas à Geneve et qui pourroit y être, tient la huitieme partie de la place qu’occupent les choses qui y font.
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Je ne vois qu'un remède à tant d'inconvénients:c'est que, pour nous approprier les drames de notre théâtre, nous les composions nous-mêmes, et que nous ayons des auteurs avant des comédiens. Car il n'est pas bon qu'on nous montre toutes sortes d'imitations, mais seulement des choses honnêtes et qui conviennent à des hommes libres.
Page 225
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Parce que l'esprit humain, moins étendu, moins noyé parmi les opinions vulgaires, s'élabore et fermente mieux dans la tranquille solitude.
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L'amour du beau est un sentiment aussi naturel au cœur humain que l'amour de soi-même.
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On dirait que notre Coeur se resserre, de peur de s'attendrir à nos dépens.
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Vidéo de Jean-Jacques Rousseau
*RÉFÉRENCE BIBLIOGRAPHIQUE* : « Neuvième promenade », _in Les confessions de J.-J. Rousseau,_ suivies des _Rêveries du promeneur solitaire,_ tome second, Genève, s. é., 1783, pp. 373-374.
#JeanJacquesRousseau #RêveriesDuPromeneurSolitaire #Pensée
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