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Marc Buhot de Launay (Éditeur scientifique)Giorgio Colli (Éditeur scientifique)Mazzino Montinari (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070339174
464 pages
Gallimard (25/09/2008)
4.17/5   9 notes
Résumé :
Ce choix de lettres montre comment Nietzsche a peu à peu conçu son œuvre, rompant successivement avec la tradition de son milieu d'origine, avec les perspectives que lui ouvraient ses études de philologie, comme avec celles, enfin, que lui offrait sa fréquentation de l'univers wagnérien. Ces ruptures allaient de pair avec d'autres, moins visibles : le rejet pratiqué de manière très ironique des courants dominants de la culture allemande ; l'innovation stylistique, s... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
La récente parution de "Lettres choisies" chez Folio ravira les passionnés de Friedrich Nietzsche. En complément de la lecture de ses oeuvres, ce recueil très riche (135 lettres) apporte des éclaircissements sur l'élaboration d'une pensée mais aussi donne des indications sur une personnalité hors du commun qui étonne par un sens de la franchise et de l'honnêteté qui ne peut inspirer qu'une immense admiration. Couvrant toute sa période de créativité : de ses débuts comme professeur de philologie à Bâle jusqu'à sa crise de démence à Turin en 1889, ce choix de correspondances, comme nous le précise son auteur Marc de Launay, s'est fait en fonction d'un axe : l'évolution du rapport de Nietzsche à ses oeuvres, en s'appuyant sur une constante, celle d'une solitude du philosophe. Il est vrai que Nietzsche reste très discret dans ses missives sur ses grands concepts philosophiques. Pour lui, les correspondances sont plutôt dédiées aux affaires pratiques et sont d'ailleurs bien éloignées du style de ses oeuvres prévues pour être éditées. Par contre il traite largement des questions de forme et de réception de ses oeuvres. le besoin de reconnaissance transparaît tout le long du recueil, on le voit s'accrocher à toute démonstration de sympathie, mais tout en restant intègre et fidèle à ses principes. L'image d'un philosophe mettant en pratique sa pensée se confirme dans ce recueil, quand Nietzsche s'isole vers les sommets des montagnes suisses de Sils-Maria, il nous semble voir Zarathoustra contemplant les satisfaits abrutis du modernisme triomphant.
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Des lettres qui ont mis longtemps à trouver le centre de ma cible. Mais au fur et à mesure du temps qui passe, ça frappe, ça décoche et ça me touche.
Nietzsche se révèle quelqu'un de bon, un type qui parle de ses failles sans pleurnicher, qui essaye et a toujours essayé d'en faire quelque chose, de faire quelque chose de grand, du plus grand possible.
Il n'a jamais vraiment fermé de portes à quiconque, même à son ami devenu ennemi Wagner...
Il y a aussi un côté manque de rigueur, voire fausse info (pour parler en termes contemporains) qu'il critique toujours et dont il est souvent coupable lui-même, ce qui lui donne aussi un côté mauvaise foi qui me réjouit, qui m'amuse beaucoup, ça donne le sourire.
La solitude c'est dur, est-ce un mal nécessaire pour aboutir à quelque chose qui résistera au temps, qui passera les âges...
Nietzsche avait raison, au moins un peu, peut-être beaucoup.
Intéressant, parfois très intéressant ce recueil de lettres choisies (dont les notes sont d'indispensables éclairages.)
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Lettre à Overbeck du 5 janvier 1884 (?)

Le Docteur Paneth est venu avant-hier me rendre une nouvelle visite. Il m’a prié de le suivre à Villefranche pour passer quelques jours chez lui, et j’ai accepté son invitation. Hier matin, il m’a vanté le site d’Eze, et sa description a été si séduisante que j’ai pris ce matin même le train pour Eze.
Depuis le littoral un chemin escarpé s’élève jusqu’au nid d’aigle sur lequel sont perchées les maisons les plus élevées du village. Arrivé en gare d’Eze en milieu de matinée, j’ai aussitôt entrepris l’escalade, que mon ami m’avait présentée comme très pénible, craignant qu’une telle ascension soit incompatible avec la piètre santé dans laquelle il m’avait retrouvé. Il ignorait que pour moi marcher est tout sauf une activité épuisante. Depuis des années je marche entre quatre et six heures par jour, parfois davantage encore, ce qui est pour moi une absolue nécessité. Quitter à intervalles réguliers la position assise de l’intellectuel pour arpenter les chemins environnants fait partie de mon hygiène de vie : comment pourrais-je demeurer assis à ma table de travail pendant des heures sans être assailli par les plus terrifiantes migraines ? Mes promenades ne sont jamais celles d’un touriste, elles font partie intégrante de mon travail du jour. Au cours de mes marches, mon cerveau continue à poursuivre le travail commencé assis : qu’il s’agisse d’une réflexion sur un ouvrage dont je viens d’entamer la lecture, de l’élaboration d’un raisonnement, de la formulation d’une idée.
Mes plus belles idées ont toujours surgi inopinément au cours de mes marches solitaires, un peu comme si l’effort physique stimulait mon cerveau et lui donnait accès à des dimensions que je recherchais sans pouvoir les atteindre alors que j’étais assis à mon bureau. Mais ce que j’ai vécu hier en grimpant jusqu’au petit village d’Eze dépasse de très loin toutes mes expériences antérieures. Légèrement essoufflé pendant la première moitié de l’escalade, je m’arrêtai régulièrement et me retournai vers la mer qui scintillait en contrebas. Mais à mi-parcours j’ai retrouvé mon souffle et j’ai cessé de regarder en arrière. J’ai concentré mon attention sur le doux bruissement que faisait le vent en glissant à travers les branches des oliviers dont la plupart des terrains qui bordaient le chemin étaient plantés. Le chant des oiseaux se mêlait harmonieusement au bruit du vent, et cette symphonie a animé mon corps d’une vigueur exceptionnelle.
Depuis la mi-décembre mon cerveau était en quête de ce qui devrait être un passage essentiel de mon futur Zarathoustra : un moment consacré aux nouvelles valeurs que les plus libérés parmi les hommes devront pouvoir inventer et assimiler pour s’arracher à la stagnation, ou pire, à la régression qui menace notre espèce. Il me faudra, en ce chapitre du Zarathoustra, opposer les anciennes tables morales qui ont guidé l’humanité depuis des millénaires, aux tables nouvelles qui nous permettront de reprendre le chemin de notre évolution. Ces tables, j’en suis encore bouleversé, m’ont été entièrement soufflées par je ne sais quel démon entre la gare et le nid d’aigle du village d’Eze. Arrivé au sommet, j’étais en possession de la totalité du texte qui sera un moment décisif de mon Zarathoustra.
En rentrant à Villefranche, j’ai immédiatement couché sur le papier les phrases dont le destin m’avait fait l’inattendu cadeau. Je n’ai pu raconter dans le détail au Docteur Paneth ce qui m’était arrivé. Il m’aurait fallu pour cela le faire pénétrer dans les arcanes de mon Zarathoustra, et je n’en avais ni le désir, ni l’énergie. Même s’il en avait été autrement, aurait-il été capable de m’accompagner dans ces nouveaux territoires que les humains ne sont pas encore prêts à habiter ? Il m’a cependant été tout à fait possible de lui faire comprendre les relations entre mon corps et mon esprit que j’expérimente en marchant. Je lui ai expliqué que c’est quand l’inspiration créatrice coule le mieux en moi que mes muscles fonctionnent à merveille. C’est moins la qualité de mes réflexions qui dépend du mouvement de mes muscles (même s’il en bien ainsi), c’est plutôt ma performance physique qui se trouve facilitée par la richesse de mon travail intellectuel. Quand une idée nouvelle s’impose à moi, je suis transporté dans une sorte d’état second qui me fait oublier toute fatigue.
Ce que je n’ai pu avouer à mon ami, c’est que les pensées décisives qui ont envahi mon cerveau sur le chemin pentu conduisant au nid d’aigle d’Eze, ce « renversement des valeurs » que je situerai au cœur de mon Zarathoustra, ont trouvé une sorte de preuve de leur pertinence dans l’effet qu’elles ont eu sur mon corps. Cette « preuve par le corps » fut probablement envisagée par nos ancêtres grecs, puis fut perdue de vue par les « hommes théoriques » héritiers de Socrate. J’ai su la ressusciter sur le chemin d’Eze .
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Je suis tout surpris, tout à fait enchanté ! J’ai un prédécesseur, et quel prédécesseur ! Je ne connaissais presque pas Spinoza : que maintenant j’aspire à lui, voilà qui a dû être une "action instinctive". Ce n’est pas seulement que sa propre orientation générale soit pareille à la mienne – faire de la connaissance la plus puissante des passions -, je me retrouve en outre moi-même sur cinq points essentiels de sa doctrine ; ce penseur très solitaire et tout à fait hors norme m’est le plus proche précisément pour ces raisons : il nie la liberté de la volonté ; les buts ; la structure morale du monde ; le non-égoïsme ; le mal ; même si, à vrai dire, les disparités sont énormes, elles tiennent davantage à la différence des époques, de la culture et de la science. En somme : ma solitude, qui, sur de très hautes montagnes, me coupa souvent, très souvent, la respiration et me fit monter le sang à la tête, est maintenant du moins une dualitude.
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Hier le ciel laissait présager un orage de première grandeur, je gravis en toute hâte un sommet voisin, qu'on appelle le "Leusch" (tu pourras peut-être m'expliquer le sens de cette nomination), trouvai là-haut une hutte, un homme en train d'abattre deux chevreaux, et son garçon. L'orage éclata sur le mode le plus violent, avec tempête de grêle, j'éprouvai une incomparable exaltation et saisis à quel point nous ne comprenons bien la nature que lorsque nos soucis et nos tracas, nous contraignent à trouver refuge auprès d'elle. Qu'était-ce alors pour moi que l'être humain et son indécise volonté ? Qu'avais-je à faire de l'éternel : "Tu dois", "Tu ne dois pas" ? Comme c'était autre chose, l'éclair, l'ouragan, la grêle, libres forces sans éthique ! Comme elles ont de la chance, comme elles sont puissantes, pur vouloir que ne vient point troubler l'intellect.
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Presque toutes mes relations avec les gens sont nées des crises subies par mon sentiment de solitude : Overbeck tout autant que Rée, Malwida tout comme Köselitz - j'ai été ridiculement heureux chaque fois qu'avec n'importe qui j'ai découvert ou cru découvrir que nous avions une parcelle ou un recoin en commun. Ma mémoire est surchargée de milliers de souvenirs honteux de semblables faiblesses qui me rendaient la solitude absolument insupportable. Ajoute à cela ma maladie qui toujours provoque en moi le plus effroyable découragement ; ce n'est pas sans raison que j'ai été profondément malade et, aujourd'hui encore, moyennement malade, comme on dit, c'est parce qu'il me manque un environnement correct et que je suis toujours obligé e jouer quelque peu la comédie au lie de me distraire au contact des autres.
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La vie très intérieure, prisonnière de tant de souffrances, que j'ai jusqu'à présent menée (et qui a fait subir un naufrage à ma nature au fond solide) a peu à peu provoqué un isolement contre lequel il n'est plus aucun remède. Ma plus chère consolation est toujours de garder en mémoire les rares personnes qui ont su endurer de semblables conditions d'existence sans être brisés, en sachant préserver une âme bienveillante et haute. Personne ne saurait songer à eux avec plus de reconnaissance, cher Monsieur, que je ne le fais.
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Fabrice Midal vous présente "La théorie du bourgeon", son nouveau livre, disponible en livre audio !
Résumé : Le découragement est le problème majeur de notre temps. Là où nous pourrions avancer, nous baissons les bras. Là où nous pourrions être victorieux, nous partons perdants. On nous a fait croire que nous devions être dans le contrôle permanent, dans l'efficacité absolue. Mais la vie ne se contrôle pas, elle ne se gère pas. Comment inverser le mouvement ? Comment retrouver l'élan pour sortir de la paralysie qui nous guette, pour rejoindre enfin le monde et essayer de le réparer ? Se fondant sur les enseignements de philosophes qui, comme Nietzsche, Bergson ou Hannah Arendt, ont affronté ce péril majeur avec lucidité, Fabrice Midal nous amène à reprendre confiance en nous et en l'humanité. Avec La théorie du bourgeon, il nous apprend à cultiver la vie dans son surgissement, ce bourgeon qui réside en nous et qui ne demande qu'à croître pour donner des fleurs, pour donner des fruits. C'est ce remède anti-découragement que je vous invite à découvrir.
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