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Françoise Rosset (Traducteur)
EAN : 9782070767885
176 pages
Gallimard (04/03/2004)
3.5/5   1 notes
Résumé :
"... Car nous sommes ici pour civiliser, et civiliser veut dire, littéralement, soigner, éliminer le complexe panique, vous sortir de la psychose tellurique, aussi notre travail exige, vous le comprenez bien, avant tout, que nous pénétrions au cœur même de l'âme indigène, que nous y plongions jusqu'au fin fond, jusqu'aux profondeurs où se forgent, monstrueuses et difformes, comme dans les tableaux de Jérôme Bosch, vos idées anarchisantes et vite destructrices, vous ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
« L'Afrique – qui fit – refit- et qui fera. » Michel LEIRIS

Les premiers livres publiés dans cette collection bénéficiaient d'une présentation de Jean Noël Schifano directeur de la collection. J'en extrait deux phrases emblématiques « Nous parions, ici, sur les Africains d'Afrique et d'ailleurs, de langue française et de toute langue écrite, parlée et sans doute pas écrite encore, nous parions sur l'écriture des continents noirs pour dégeler l'esprit romanesque et la langue française du nouveau siècle. Nous parions sur les fétiches en papier qui prennent le relais de fétiches en bois. ». le frontispice des premières parutions a disparu mais l'orientation éditoriale demeure.

C'est après avoir lu de nombreux auteurs, africains, antillais, publiés dans cette collection (et chez d'autres éditeurs), que j'ai souhaité, dans une note aux dimensions modestes, faire partager des plaisirs de lecture et peut-être vous entraîner dans ces espaces si proches et si peu connus. En ces temps d'éphémères, je choisis de puiser dans les premiers ouvrages publiés.

Laissez vous guider par les titres et leurs résonances, passez la porte des jaquettes tachées et entrez dans ces continents, vous y trouverez des écrivain-e-s passionné-e-s et passionnants.

Vous avez peur de l'inconnu, vous chercher des repères, pourquoi ne pas commencer par les deux livres de Boniface MONGO MBOUSSA « Désirs d'Afrique » et « L'indocilité » qui présentent un large panorama d'auteurs, odeurs classiques, fragrances modernes, ténèbres rwandaises, flamboyances congolaises, diaspora et casques coloniaux.

L'écriture des un-e-s vous enchantera, celle d'autres vous fera rire, leurs rêves vous sembleront proches et d'autres si lointain. Contes, récits épiques, aventures, livres accrochés à la vie.

Quelques idées, pour vous mettre l'eau à la bouche, espérances de lectures à venir.

Plongez vous dans la langue savoureuse de Abdourahman WABERI « Transit » qui de Roissy à Djibouti évoque la guerre et l'exil ou « Rift, routes, rails » variations au passé et au présent sur les déserts, les océans et les mythes. Choisissez la langue brutale de la martiniquaise Fabienne KANOR qui dans « D'eaux douces » raconte l'aliénation d'une femme au prise avec les questions identitaires.

Peut-être serez vous attiré par le titre « Ma grand-mère bantoue et mes ancêtres les Gaulois » de Henri LOPES qui revient sur le mouvement de la négritude et s'interroge sur la création, la francophonie, le métissage à l'heure de la globalisation .

Choisissez l'un des romans de Ananda DEVI, originaire de l'île Maurice, par exemple « Soupir » et son premier paragraphe « La terre est enflée comme une langue qui n'a pas bu depuis longtemps. le sable coule aux pores. Les horizons et les regards sont scellés. Au dessus de nous, le ciel semble ouvert. Mais il n'y a rien d'ouvert, ici. Nous sommes nés enfermés. »

Suivez la quête d'amour de Maya, héroïne de Nathacha APPANAH-MOURIQUAND.

Vous n'aimez pas le foot, que cela ne vous rebute pas d'entrer dans « La divine colère » du camerounais Eugène EBODE, pour y partager sa critique de la compétition et des passions « transformant les stades en crachoir et en cratère de tous les exutoires ».

Que dire de « L'ivrogne dans la brousse » du nigérian Amos TUTUOLA, qui fait figure d'ancêtre de ces littératures. La traduction de Raymond QUENEAU est un régal.

Allez à « Lisahohé » capitale imaginaire mais si réelle du togolais Théo ANANISSAH pour suivre et vous perdre dans une enquête où le narrateur même ne semble pas si innocent.

Rejoignez la tendresse de la gabonaise Justine MINTSA dans « L'histoire d'Awu » à moins que vous ne vouliez suivre le chemin du journaliste qui vous entraînera sur les traces de Lidia do Carmo Ferrerira poétesse dans « La saison des fous » de l'angolais José Eduardo AGUALUSA.

Mais peut-être serez vous plus sensible à la confrontation entre modernité et privilèges ancestraux dans « La révolte du Komo » du malien Aly DIALLO, au récit du congolais Mambou Aimée GNALI et son « Beto na beto, le poids de la tribu » ou au destin de l'aveugle Doumé dans le roman « le cri que tu pousses ne réveillera personne » du camerounais Gaston-Paul EFFA .

Admirez le portrait dressé de l'île Maurice par Amal SEWTOHUL dans « Histoire d'Ashok et d'autres personnages de moindre importance », ou parcourez l'effacement de la société traditionnelle dans le système colonial de Donato NDONGO dans « Les ténèbres de ta mémoire ».

Je ne veux ni vous lasser si substituer mes propres découvertes à vos possibles lectures.

J'ai gardé pour la fin la mosaïque de Sylvie KANDE « Lagon, Lagunes » et la petite postface si belle de Edouard GLISSANT qui se termine par cette invitation « Je voulais seulement, à cette place, partager avec vous l'insondable et l'imprévisible. Écrire est une divination. Lire ce qui fut écrit, c'est déchiffrer l'énigme. »
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Il n'est pas aisé de trouver un livre d'un auteur de la Guinée Équatoriale, ce petit pays coincé entre ses voisins homonymes et qui a la singularité d'avoir été colonisé par l'Espagne dans une zone d'influence plutôt franco-portugaise...

Heureusement, Donato Ndongo-Bidyongo nous offre, avec ces Ténèbres de ta mémoire, le récit d'enfance à la première personne d'un jeune guinéen, tiraillé entre son héritage ancestral et les attentes que fait peser sur ses épaule sa tribu, et les ambitions du curé du coin pour le faire entrer dans les ordres et l'envoyer jusqu'en Espagne.

Alternant entre rituels initiatiques sylvestres et sacrements catholiques, le jeune héros, avec tout le sérieux d'un enfant, nous fait part de ses désirs et hontes inavouables dans un monde qui s'obstine à faire disparaître la culture d'un peuple pour lui faire embrasser une nouvelle foi. J'ai d'ailleurs beaucoup aimé les disputes entre le curé et l'oncle Abeso, qui détricote les arguments du religieux grâce à une argumentation plutôt jouissive.

Ces remarques taquines et l'humour qui sous-tend le récit viennent contrebalancer les longues descriptions parfois un peu ennuyantes du roman.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La forêt est précieuse grâce à son ombre rafraîchissante et régénératrice, grâce au chant des oiseaux, au cri strident des singes, à l'odeur des fruits mûrs qui se mêle à l'arôme des caféiers en fleur, au coin de ciel bleu en feu, à peine perceptible parmi le reflet des feuilles bigarrées et humides, au faible souffle de la brise entre les arbres, à l'image furtive d'un animal surpris par le vrombissement de la moto.
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Le père se mettait alors à lui reprocher l'immoralité de sa conduite, le fait qu'il avait plusieurs femmes, et l'oncle répliquait qu'il avait entendu dire que le Dieu des Blancs avait ordonné aux hommes de croître et de se multiplier pour qu'ils ne disparaissent pas de la surface de la terre, car il les avait créés à son image.
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Je traduisais ce que le père disait de la religion véritable, de la mort et de la résurrection du Christ pour la rédemption de tous les hommes, et l'oncle Abeso le regardait d'un air hautain qu'il ne prenait qu'avec les Blancs. Et il demandait au père s'il avait vu toutes ces choses qu'il racontait, et le père était bien forcé de dire que non, que c'était une tradition, et alors l'oncle répliquait que lui aussi pouvait lui raconter les traditions de sa tribu, car toutes les tribus ont les leurs et le secret de la paix entre les différentes tribus est que chacune conserve et cultive les siennes sans s'en prendre aux amulettes qui protègent les autres. Toutes les traditions ont leur part de vérité et leur part d'erreur ou du moins d'exagération et aucune ne peut être adoptée comme vérité unique, disait l'oncle tout en chassant à l'aide d'un petit balai (une touffe de brins de palmier) les mouches qui voletaient autour de nous.
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Je présume que s'ils n'avaient pas cette manie, nos chemins ne se seraient jamais croisés
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Ses yeux, jadis bleus et qui n'avaient plus maintenant qu'une infime partie de leur éclat, se posaient impertinents sur mon visage
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