Sans être pour autant « le plus grand mystère du monde de l'art », il faut raison garder, selon l'expression à la mode actuellement, cette affaire de faux tableaux n'en est pas moins impressionnante à bien des égards.
D'abord parce qu'il s'agit d'oeuvres attribués à des maîtres anciens renommés,
Lucas Cranach l'Ancien, Frans Hals, Gentileschi, le Parmigianino,
Le Greco… achetés par des collectionneurs d'importance, tel le prince du Lichtenstein ou des musées de réputation internationale, Louvre, Metropolitan Museum…) ou vendu par des commissaires ou des marchands de grande renommée, tels Sotheby's, Christie's.
Mais aussi que cette affaire a démarré par la réception d'une lettre anonyme adressée à la justice (le dépositaire n'a pas été identifié), que le magistrat nommé en charge de l'affaire n'est autre que Aude Buresi connue pour avoir instruit l'affaire Fillon et démêlé la question du financement de la campagne 2007 de
Sarkozy. Laquelle Aude commence avec fracas, dès le début de cette affaire en saisissant la première oeuvre incriminée, la Vénus au voile signée Cranach, alors en pleine exposition à Aix en Provence, pour la placer sous séquestre. Non mais !
Alors
Vincent Noce, journaliste d'investigation, qui a eu très tôt, vent de cette affaire, a infiltré les coulisses du marché et mené sa propre enquête, recueilli de très nombreux témoignages, y compris celui de Ruffini, le collectionneur vendeur que l'on retrouve derrière la plupart des affaires en cause. Pour lui sa défense ne variera pas « «Ce n'est pas moi qui ai décrété qu'ils étaient l'oeuvre de grands maîtres. Ce sont les experts, les marchands, les conservateurs… Moi, je ne suis pas expert. À eux de prendre leurs responsabilités». Un travail de fourmis, un formidable jeu de piste qui, tableau après tableau, marchand après marchand, de rapport d'experts en rapport d'expert, sans négliger un petit tour via les paradis fiscaux, aboutit à ce livre-enquête d'une très grande richesse d'informations sur le marché de l'art et ses arcanes, sur les questions que posent l'expertise et les subtilités d'appréciations des experts et leurs responsabilités, mais aussi sur les acheteurs et sur les transactions bancaires y afférentes.
C'est du lourd, parfois un peu roboratif, disons que ça manque un peu de respiration, mais bon il vaut bien un petit effort. Et puis c'est un ouvrage qui nous incite à surfer pour compléter les informations fournies, c'est ainsi que j'ai beaucoup appris au passage sur
Lucas Cranach l'Ancien, ami de
Martin Luther dont il fut le témoin de mariage et parrain de son premier fils, qu'il fut maître de cour, ça ok, mais aussi engagé en politique (maire), et propriétaire d'une imprimerie….
C'est ainsi que j'ai repéré aussi une petite coquille page 206, qui indique qu'on peut admirer la Lamentation du Bronzino à Grenoble, alors qu'elle fait partie du fonds du musée de Besançon depuis 1799.