Comme d'habitude, Maggie O'Farrell joue sur les époques, sur les lieux, sur les secrets de famille, sur les liens entre soeurs, enfants et parents, sur les souvenirs, pour tisser une histoire double : d'une part cette de deux soeurs unies, aux destinées bizarrement heurtées, d'autre part un jeune homme en quête de son père, ayant épousé par pitié une femme qu'il n'aimait pas...
On se doute que les destins vont se croiser, mais comment et pourquoi ? Un mystère est à l'origine de l'histoire de chacun, mais un mystère plausible. Pas du grand suspense, donc, mais plein de petites touches pour dessiner des portraits très vrais et un roman très... romanesque !
Par contre, j'ai trouvé des longueurs vers la fin, alors que tout le roman m'avait passionnée...
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Encore un roman de Maggie que j ai dévoré et adoré comme une petite friandise .
On retrouve ses thèmes fétiches et récurrents et sa construction de roman faite de changements brusques d époque et de personnages ,ce qui est déroutant mais bon pour les neurones .
Après tout quand nous rêvassons ,nous sautons aussi sans transition d'un thème à l'autre , d'une époque à l'autre .
On retrouve l archétype de l homme grand et élancé follement amoureux d une jeune fille pas conventionnelle grande et brune elle aussi , pétrie de secrets .;
Follement romantique disais -je
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Ses yeux erraient sur les deux îles irrégulières aux côtes déchiquetées, défoncées. L'Irlande avait une forme de chien, et on voyait bien la façon dont la Grande-Bretagne l'avait jadis englobée, avant que les plaques tectoniques se disloquent et la libèrent. Protubérant, le pays de Galles tirait pour s'arracher à l'Angleterre, comme s'il voulait suivre l'exemple de l'Irlande. Jake observa la ruée des routes et des voies ferrées convergeant vers le gros point rouge de Londres, tels des canaux à l'eau bondissante. Il vit que la Cornouailles donnait un coup de pied dans la mer, et que l'Ecosse faisait paraître l'ensemble déséquilibré, le cou mince du nord de l'Angleterre semblant avoir peine à supporter le poids de cette tête.
P 131
Le mot anglais homesick lui déplaît car, à son avis, il ne rend pas bien ce qu’on éprouve quand on a le mal du pays. Il préfère les longues voyelles mélancoliques du terme allemand Heimweh. Pour lui, il ne s’agit pas d’une simple nausée, non, il se sent abattu, écrasé, horrifié, malheureux, disloqué, désespéré.
L'Irlande avait une tête de chien (…). Jake observa la ruée des routes et des voies ferrées convergeant vers le gros point rouge de Londres, tels des canaux à l'eau bondissante. Il vit que la Cornouailles donnait un coup de pied dans la mer, et que l'Ecosse faisait paraître l'ensemble déséquilibré, le cou mince du nord de l'Angleterre semblant avoir peine à supporter le poids de cette tête.
Hong Kong évoque souvent à Jake une sorte de déversoir de l'Europe. Les gens qui y viennent ont quitté leur pays et leur famille pour une raison qu'ils tiennent généralement secrète. Ils en sont arrivés à des stades divers de séparation ou de fuite, à moins qu'ils ne soient à la recherche d'un élément insaisissable susceptible de parfaire leur personnalité. Du moins espèrent-ils que leur sentiment de manque ne les poursuivra pas de l'autre côté de l'océan. A condition de s'éloigner suffisamment, on peut réussir à se fuir soi-même.
La maternité est une chose claire, bien balisée. Ces neuf mois que vous passez avec un autre être ensaché en vous constituent un contrat à vie, non écrit, impossible à résilier. La paternité est en revanche nébuleuse, indéfinie, parfois presque rien, simple cellule à flagelle précipitée dans le vide.