AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Cynthia Ozick (Autre)
EAN : 9782823617245
224 pages
Editions de l'Olivier (25/02/2021)
3.94/5   9 notes
Résumé :
Les années passants, Joseph Brill a fait son deuil des grandes ambitions qui le consumaient. Dans un collège du Middle West, il enseigne aux petits Américains les rudiments de l'algèbre et de la Torah. Sa vie est la parodie, le pastiche involontaire d'un destin inaccompli...
Que lire après La galaxie cannibaleVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
La galaxie cannibale s'ouvre sur Joseph Brill, plein d'autosatisfaction médiocre. Certes, il est intelligent, maitrise plusieurs langues, a fondé sa propre école pour juifs sur les bords d'un lac du Midwest américain. Pourtant, il était destiné à accomplir de grandes choses. Jeune, à Paris, il a survécu à la rafle du Vel d'Hiv et à la Shoah. Ça aurait pu tourner au mélodramatique mais c'était mal connaître l'autrice Cynthia Ozick. Que quelques pages, elle va à l'essentiel et continue son histoire. Brill lisait de grands auteurs, s'intéressait à l'astronomie, visait les étoiles. Maintenant, bien des décennies plus tard, il espère que ses pupilles accompliront de grandes choses à sa place – et se souviendront de lui une fois là haut. Toutefois, l'admission de la jeune Beulah Lilt vient le troubler.

Cette fillette ne se démarque pas du tout : elle ne participe pas en classe, ne s'intègre pas à un cercle d'amies. La mère ne semble pas s'en inquiéter et cela trouble encore plus le pauvre Brill qui insiste pour la rencontrer. Leurs échanges débordent du cadre scolaire, Hester Lilt étant philosophe, ils parlent d'histoire, de religion, même de métaphysique. D'ailleurs, le titre, La galaxie cannibale, vient d'un de ces échanges, Lilt s'en servant pour comparer le fonctionnement de l'univers au comportement des individus. Les années passent mais, pour Brill, le temps commence à manquer. Malgré des inclinaisons ou plutôt des affinités intellectuelles avec la philosophe, il se tourne vers la jeune, jolie et fertile assistante-réceptionniste. La réplique de Lilt est foudroyante. « Ce n'est pas une femme que vous voulez. Ce n'est pas un enfant que vous voulez. C'est vous-même. Votre propre continuation. Votre propre rédemption. Vous vous mettez au centre. Vous pensez à la mort. Vous voulez être immortel. » (p. 169)

Et, en effet, l'école Edmond-Fleg n'est plus assez, il lui faut un fils qui saura monter vers les étoiles. Et ce fils semble renfermer les promesses tant désirées… pour le moment. Même une lettre de son successeur, annonçant mille changements, en d'autres mots tout le legs de Joseph Brill ne l'émoit pas autant qu'on aurait pu le croire. C'est plutôt l'ascension de Beulah Lilt, l'inconsidérée, qui le tourmente sans fin. Comment une fille aussi terne a-t-elle pu devenir une artiste peintre particulièrement articulée ? Comment peut-elle passer sous silence toute l'éducation qu'il lui a prodiguée ? C'est un vol ! Hester savait que sa fille accomplirait de grandes choses et l'a tu.

L'histoire juive, bien qu'elle contienne quelques grands héros, est surtout grouillante d'hommes humbles et résilients (comme Job) ou bien de comiques pratiquant l'autodérision (comme Woody Allen). Dans toute son oeuvre, l'autrice américaine Cynthia Ozick penche vers ses derniers. Et c'est marquant dès ses premiers romans, La galaxie cannibale étant son deuxième à être publié. Ses personnages, à commencer par Joseph Brill, sont à la fois très réalistes et très caricaturaux. En effet, bien qu'il soit attachant avec ses espoirs déçus, ses manies dépassées et ses indécisions, surtout ses choix, il peut paraître ridicule. Sa vie pathétique se transforme en parodie et on peut en dire autant des autres personnages. Toutefois, même dans la comédie on peut tirer un enseignement…
Commenter  J’apprécie          420
Joseph Brill est le principal d'une école primaire religieuse judaïque dans le Midwest dont il est l'âme, le garant et, pour tout dire, le père fondateur. Miraculé de la rafle du Vél' d'Hiv', qui lui a pris toute sa famille, hormis trois soeurs dénommées, en manière de sobriquet, les ABC- rapport aux premières lettres de leur prénom, il a voulu créer une école dont l'enseignement refléterait ses propres principes, nourris d'une sorte de noblesse et d'une antiquité jumelles, fusion du savoir de l'Europe et de la sagesse de Sion, Madame de Sévigné prenant le thé avec Maimonide. L'homme, vieux garçon, est très à cheval sur les principes de sélection des juvéniles candidats, il ne saurait tolérer des cancres et des fainéants dans cette école qui est un peu son bébé. La seule entorse qu'il s'est permis aux tables de la Loi de l'établissement est l'admission d'une enfant - dont le mutisme, la timidité et le manque d'éveil confinent à la débilité, par égard pour les brillants états de service intellectuels de sa génitrice. 

La Galaxie cannibale est le portrait attachant d'un individu un peu rigide, marqué par les drames de l'histoire, qui se donne tout entier dans un projet pédagogique épousant la méthode d'apprentissage qu'il a créé et qui révèle l'attachement viscéral pour la foi de ses ancêtres et sa filiation intellectuelle avec la haute culture du pays dont il s'est exilé. On appréciera l'évocation d'un Paris fantasmé et quelques pages remarquables sur le musée Carnavalet et la sublime correspondance de Madame de Sévigné et sa fille la Comtesse de Grignan. 
Commenter  J’apprécie          40
Ce livre est assez décevant. Ce principal de collège, insatisfait de son statut, gère cette école de façon désordonnée et inégale, malgré l'ambition qu'il a pour elle et ses élèves. Tout cela l'ennuie un peu, et il sera fasciné par une jeune élève sans relief, et surtout par sa mère, avec relief(s). Bof.
Résigné, conscient d'un certain échec, il choisira, de guerre lasse, la simplicité et la routine de la vie des autres: le mariage, la paternité, et la vieillesse ... dans un quartier de vieux.
Je me suis assez ennuyé, et n'ai terminé la lecture que parce que le livre est mince. Désolé.
Commenter  J’apprécie          20

Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Il songeait à cette région des mathématiques où tout peut être inventé et où tout ce qui est vient choisir ses formes dans l'infinie plénitude de ce qui pourrait être.
Il se disait : 𝘓𝘦 𝘊𝘳𝘦́𝘦́ 𝘦𝘵 𝘭𝘦 𝘕𝘰𝘯-𝘌𝘯𝘤𝘰𝘳𝘦 𝘊𝘳𝘦́𝘦́ 𝘰𝘯𝘵 𝘶𝘯𝘦 𝘦́𝘨𝘢𝘭𝘦 𝘦́𝘭𝘰𝘲𝘶𝘦𝘯𝘤𝘦 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘦𝘶𝘳 𝘭𝘢𝘯𝘨𝘢𝘨𝘦 𝘰𝘳𝘪𝘨𝘪𝘯𝘦𝘭, 𝘭𝘢 𝘥𝘪𝘷𝘪𝘯𝘦 𝘭𝘰𝘤𝘶𝘵𝘪𝘰𝘯 𝘥𝘦 𝘭'𝘦́𝘲𝘶𝘢𝘵𝘪𝘰𝘯 ; 𝘢𝘭𝘰𝘳𝘴, 𝘲𝘶𝘪 𝘱𝘰𝘶𝘳𝘳𝘢𝘪𝘵 𝘥𝘪𝘳𝘦 𝘭𝘦𝘲𝘶𝘦𝘭 𝘦𝘴𝘵 𝘭𝘦 𝘱𝘭𝘶𝘴 𝘣𝘦𝘢𝘶, 𝘭𝘦𝘲𝘶𝘦𝘭 𝘦𝘴𝘵 𝘴𝘶𝘱𝘦́𝘳𝘪𝘦𝘶𝘳 𝘢̀ 𝘭'𝘢𝘶𝘵𝘳𝘦 ? 𝘊𝘦 𝘲𝘶𝘦 𝘯𝘰𝘶𝘴 𝘵𝘦𝘯𝘰𝘯𝘴 𝘱𝘰𝘶𝘳 𝘙𝘦́𝘢𝘭𝘪𝘵𝘦́ 𝘯'𝘦𝘴𝘵 𝘲𝘶𝘦 𝘗𝘰𝘴𝘴𝘪𝘣𝘪𝘭𝘪𝘵𝘦́ 𝘱𝘢𝘳𝘵𝘪𝘦𝘭𝘭𝘦, 𝘨𝘳𝘰𝘴𝘴𝘪𝘦̀𝘳𝘦𝘮𝘦𝘯𝘵 𝘵𝘢𝘪𝘭𝘭𝘦́𝘦 𝘥𝘢𝘯𝘴 𝘭𝘢 𝘮𝘢𝘵𝘪𝘦̀𝘳𝘦 𝘮𝘶𝘦𝘵𝘵𝘦, 𝘮𝘰𝘥𝘦̀𝘭𝘦 𝘥𝘦 𝘱𝘩𝘺𝘴𝘪𝘤𝘪𝘦𝘯 𝘤𝘰𝘯𝘴𝘵𝘳𝘶𝘪𝘵 𝘴𝘶𝘳 𝘭'𝘢𝘳𝘮𝘢𝘵𝘶𝘳𝘦 𝘣𝘳𝘶𝘵𝘦 𝘥𝘦 𝘭𝘢 𝘱𝘦𝘴𝘢𝘯𝘵𝘦𝘶𝘳 𝘦𝘵 𝘥𝘦𝘴 𝘦́𝘭𝘦́𝘮𝘦𝘯𝘵𝘴 𝘤𝘩𝘪𝘮𝘪𝘲𝘶𝘦𝘴.
Pesanteurs, éléments chimiques ! Atomes et forces ! Systèmes à l'état brut. Peut-être les galaxies n'étaient-elles qu'une ébauche, un choix provisoire au regard d'un autre principe non encore expérimenté dans la matière. Etait-il lui aussi une ébauche, une autre version d'un homme qui aurait pu se tenir ici, à sa place, sur le sable froid ?
Commenter  J’apprécie          80
Elle supportait mal qu'on fût à la traîne ; et lui s'était arrêté trop tôt. L'ambition de cette femme prenait une forme qu'il n'avait jamais rencontrée, à moins qu'il ne l'eût oubliée. Cette ambition était identique au désir, et son désir ne ressemblait pas à celui qu'il nourrissait ; il avait depuis longtemps relégué le rêve. Son ambition, son désir à elle, c'était de couler des moules, de donner vie à la forme. Il reconnut - à présent qu'il savait chercher - qu'elle travaillait à construire un cadre pour chaque idée. Ses idées étaient curieusement obliques, comme dans une parodie. Elle exposait - elle mimait - tous les schémas rationnels, mais avec le tour de vis presque imperceptible de son sourire maléfique. Etrange qu'elle eût une enfant. Il connaissait les mères, en profondeur, au-delà des limites ; elle ne ressemblait à aucune d'entre-elles. Les mères étaient toutes irriguées de sécrétions spontanées, inexorables. Un magma grondait en elles du matin au soir, elles étaient propulsées en avant par l'explosion de fleuves internes. Les mères étaient des radeaux sur les grandes eaux de leurs propres instincts. Encerclement, préservation, défense, protection : voilà ce grondement et cette force. C'était le pourquoi et le comment de leur existence : creuser autour de leur progéniture un fossé bouillonnant. L'ardeur de leur vie ne tendait à rien d'autre et, en dépit des apparences, elles étaient prises dans l'étau de la nature, prisonnières d'une illusion de liberté : comme l'abeille en plein vol ignore que son but est le miel et suppose que chacun de ses vols se fait pour l'amour de voler, ainsi les mères allaient de-ci, de-là, faisaient ceci ou cela, croyaient à telle chose ou telle autre, mais tout cela à une fin immuable et sans nuance. Et un jour, leur progéniture serait pareille à elles ; agressive, arrogante, incroyablement vivace, les glandes défendant la nécessaire et rude poussée vers la continuité.
Commenter  J’apprécie          133
Rien ne bougeait. Rien ne changeait. Le CP était toujours le CP, la quatrième était toujours la quatrième. Cette idée le glaçait : c'était le froid même du cosmos. Pareil, tout était éternellement pareil. La nature remplace, remplace à l'identique avec une monotonie glaciale.
Puis il les voyait qui continuaient à passer devant lui, ces enfants éternellement enfants, qui n'iraient jamais au-delà de l'éveil de la puberté ; ils passaient devant lui, pareils, toujours pareils : les mêmes enfants timides, les mêmes clowns et plaisantins, les mêmes yeux avec leurs peines cachées, les fillettes ravissantes, les enfants mornes et sans grâce, tout ce ramassis de chairs quelconques expulsées d'entre les cuisses du tout dernier contingent de mères. Une vague après l'autre et toujours la même vague. Ils étaient comme ces étoiles dont on ignore si elles sont vivantes ou mortes. Il n'est pas permis d'être témoin de leur fin ; seulement de leur précoce apparition, véhiculée par une antique lumière.
Commenter  J’apprécie          160
A ces instants, il ne lui semblait plus être un maître d'école mais le détenteur d'un pouvoir quasi sacré. Il savait ce qu'il tenait entre ses mains : la miraculeuse ascension des vies, l'avenir en puissance dans le présent, toute l'excellence du genre humain. "Le monde repose sur le souffle des enfants dans les écoles" : ce fragment du Talmud faisait frissonner son âme comme le feuillage d'un arbre baigné de chaleur.
Commenter  J’apprécie          161
Mais il était un autre palais devant lequel Joseph aimait passer chaque fois qu'il le pouvait, toujours sans en parler à son père ni au Rabbin Pult. Pour s'y rendre, il suffisait de tourner à gauche dans la rue Vieille-du-Temple afin de rejoindre la rue des Francs-Bourgeois, puis de longer deux pâtés de maisons. Aux yeux de Joseph, c'était sans doute la plus belle demeure du monde. Il s'arrêtait sous le portail et son regard traversait une cour secrète, fleurie et ornée de statues. Qu'il était agréable, qu'il était étrange de se dire que des gens en chair et en os avaient autrefois dormi dans des lits ordinaires, dans cette délicieuse demeure ! Des ailes de pierre enserraient la cour ; des masques de pierre riaient au-dessus des portes, mais Joseph ne reconnaissait pas ces symboles du carnaval. Courant, bien vite, il eut l'intuition qu'il venait de découvrir une singulière élégance, bien que l'élégance lui fût elle-même étrangère. Pour vénérable que fût cet étonnant édifice, il voyait bien que ce n'était pas un église, non seulement parce qu'il n'y avait pas de croix sculptées sur les portes, mais surtout parce qu'il n'éprouvait aucune peur. Une église lui aurait fait peur. Pures et brillantes, les portes ouvertes étaient comme une invite. Joseph plongeait son regard dans un endroit obscur et merveilleux : des silhouettes évoluant à pas lents, flânant comme en rêve, contemplant des murailles, des colonnades, des lions, de mystérieuses dames de pierre. Puis, il courait vers la poissonnerie de la rue des Rosiers et vers son balai.
Il donnait à cette escapade un nom secret : "Le chemin détourné". Et, de plus en plus souvent, il suivait ce chemin détourné, fasciné par la belle demeure et ses nobles proportions. Il lui fallut six mois pour découvrir ce que c'était : le musée Carnavalet. Et il lui en fallut six de plus pour trouver le courage d'y entrer. Enfin, près d'un an s'écoula avant qu'il ne lui vînt aux oreilles que cette maison avait été celle de l'étonnante Mme de Sévigné, bien qu'il ne sût toujours pas qui était cette Mme de Sévigné et en quoi elle était étonnante.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Cynthia Ozick (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Cynthia Ozick
Vendredi 18 septembre 2020 / 11 h 30
Écrivaine, traductrice de l'anglais. Elle a reçu en 2007 le prix Maurice-Edgar Coindreau et le prix Laure-Bataillon pour Les Papiers de Puttermesser de Cynthia Ozick. Un secret sans importance (prix du Livre Inter 1996), Dans la nuit brune (prix Renaudot des lycéens 2010. Elle est également l'autrice d'un essai consacré à Virginia Woolf avec Geneviève Brisac, V.W. le mélange des genres ? Ce coeur changeant (L'Olivier, 2015) Prix Littéraire du Monde. Son dernier roman La Chance de leur vie (L'Olivier, 2018) a connu un beau succès de librairie.
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (27) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1822 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *}