Bénies soient certaines
erreurs de jeunesse qui nous donnent à lire des poèmes bouleversants. Car la jeunesse ne sait pas encore que l'on peut survivre aux amours mortes.
Cette naissance à l'amour, qui est le propre de la jeunesse, est ce qu'il y a de plus troublant. D'ailleurs n'a-t-on pas cette mystérieuse conviction que l'amour est lié à la jeunesse, qu'ensuite et bien ensuite… on aime. Mais l'amour ! Cette ravageuse vague qui déferle du bout des mondes invisibles pour nous entamer l'âme et battre la chair, cette sublime torture aux délices infernaux, seule la jeunesse en a la clé.
Quand hélas le temps a fui, que cet âge d'or n'est plus qu'un lointain souvenir, parfois magnifié, parfois vomi, selon la façon dont on aura transcendé son parcours, on peut alors saisir un recueil de poésie, le plus humble soit-il, un écrit de jeunesse, le sien ou celui d'autrui, un poète de passage aussi éphémère que l'est la jeunesse, cette héroïne aux ailes de géant qui l'empêchent de marcher, d'être à l'aise, d'être « installée »… et là, on retombe en jeunesse.
J'ai entre les mains un de ces recueils réchappés de l'oubli ou du déni : «
Erreurs de jeunesse » de Michèle Perret. Je l'aurais intitulé « Merveilles de jeunesse »… mais n'est-ce pas, à chacun son propre regard sur l'ineffable traversée…
Ce recueil peut s'ouvrir au hasard et vous recevez un jet de lumière archaïque. Cela vous baigne instantanément dans cette aura que vous avez connue et oui, autrefois. Je parle aux lecteurs d'entre vous qui n'ont plus vingt ans depuis longtemps mais…. Quant aux autres, à ces extraordinaires passagers de la jeunesse, inconscients de cette grâce fugitive, ils y liront leur âme…
Oublions la poussière du temps qui a voilé notre primitive gloire, et « Assourdie de bonheur/émerveillée d'amour… » « Tandis que j'aime en rêvant »… tirons le nectar de cette lecture. Non pas des yeux, mais de tout le poids de notre virginité réinventée.
Oui des mots tout simples, des mots sentis. Des évidences qui plantent leur glaive dans l'attente, « la tendre et longue absence » : « Tu m'as dit une seule fois que tu m'aimais/Tu me l'as dit j'en suis sûre… » . Et la fureur, sainte fureur qui nous boude désormais : « Que vous rencontriez votre honte/Et que vous mordiez en elle/A belle dent à pleine bouche/Comme dans le fruit juteux de l'amour »…
Plus qu'un essai, mieux qu'un roman, les poèmes lapidaires de jeunesse révèlent l'ouragan qui est passé, semant désordre, larmes, replis mais tant d'espérance aussi ! Construisant la femme, l'homme du devenir. Un recueil à lire en cet octobre aux lumières fanées, aux si plaintives plaintes du temps dépassé…