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EAN : 9782365331258
240 pages
Asphalte (22/08/2023)
3.79/5   57 notes
Résumé :
Cholet, Maine-et-Loire. Elliot, bientôt trente ans, est forcé de revenir chercher du travail dans la ville de son enfance. Lulu, bientôt soixante ans, est employée de caisse chez Carrefour. Ensemble, ils ne vont rien changer. Plexiglas raconte leur amitié, rythmée par les moments clefs d'une année ordinaire dans une zone d'activité commerciale : Saint-Valentin, Pâques, Été, Rentrée, Toussaint. Le tout au cours d'une année pas du tout ordinaire : 2020. Plexiglas raco... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (15) Voir plus Ajouter une critique
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Pétri d'humanité, essentiel, d'une merveilleuse intelligence, « Plexiglas » est un récit engagé, dont la sociologie est un cahier du jour d'une sincérité radicale.
Cholet lève ses miscellanées. Ville entre centres commerciaux, vaches dans les prés au plus près du flux consumériste.
On s'attache d'emblée à l'admirable écriture. Ce pourrait être une trame journalistique, géopolitique.
Nous sommes au coeur même de Cholet dans le Maine et Loire. Cette ville oeuvre à l'histoire contemporaine, réelle, au plus près de nos regards et de nos observations.
« Plexiglas » est l'acuité d'une mise en abîme irrésistible, touchante et intègre.
Une déambulation capitale et loyale, le plan en main.
Haut les coeurs !
Antoine Philias est né à Cholet. Ne doutez jamais de l'authenticité de ce récit résurgence. Il est le pain pour la faim et l'eau pour la soif. Antoine Philias rassemble l'épars. le charme d'une histoire comme une galette des rois en partage. Les protagonistes nous frôlent. On ressent d'emblée de l'empathie, un rayon de soleil sur notre épaule. Ce livre est une valeur sûre qui explore les thématiques, les diktats du monde du travail et plus encore. Un corps à corps avec Antoine Philias et Elliot qu'on aime de toutes nos forces. Tous dans cette ville oeuvrent au bien commun, petites mains invisibles, essentielles et lumineuses.
Elliot revient dans l'antre de son enfance. Qui plus est dans la maison natale celle de son grand-père. « Grand, jeune, curieux, et pas contre un peu d'émerveillement, Elliot passe les portes automatiques et se mêle à la galerie. Enfant, il venait du moins une fois par semaine. Se souvient même de l'époque où carrefour s'appelait Continent… Y déambulant, Elliot oublie sa fin d'année misérable, le trou dans son porte-monnaie et son retour à Cholet ».
Le 5 décembre il s'est blessé. Lors d'une manifestation contre la réforme des retraites à Rennes. Fragilisé, il revient dans cette ville, espérant trouver la réponse à sa quête de vie.
Le roman est cyclique. Les pages tel un éphéméride, mouvements d'ailes et d'eux, les employés, ouvriers, les sans et les plein d'âme et de bonté.
« Plexiglas » survole cette région entre le passé et maintenant. Cholet, Trémentines, La Séguinière, le May-sur-Èvre, etc. 
Les mutations, les bouleversements de la Zac de Cholet pour toile de fond, de nostalgies ou de désirs. Les transformations urbaines explicites et riches de sens. Ici, gravitent des personnages exemplaires d'endurance. Les souffrances des disparités sociales. Carrefour est un emblème. le symbole qui retient dans ses mains les employés dans l'ombre.
On aime Lulu, la soixantaine, les mains gercées, femme ridée et vaillante, qui connaît par coeur les habitus de Carrefour. Elle est hôtesse de caisse ou caissière. Au choix de la clientèle. Elle est l'hôte du livre. le visage d'une pauvreté dont elle cueille les étoiles.
L'auteur tire les ficelles. Il sait et connaît les fragiles espoirs, les difficultés pour vaincre les inégalités. Employés qui vont être jetés en pâture dans l'ère Covid, qui va mener une guerre aux travailleurs essentiels. « Plexiglas », les soldats sur la ligne de front, près à prendre des risques. Instaurer des codes de batailles. Sans masque, sans aucune pratique de ce virus qui bouscule les coutumes et les apparences. le roman fait la courte échelle, dévorant et sublime. Mois après mois, les protagonistes deviennent nôtres.
« J'ai envie de te prendre dans mes bras, mais je ne sais pas si je vais pouvoir ». « Situé entre la D158 et Jardiland, l'étang de la Godinière semble un oasis au milieu du béton ». « Elliot a beau être reconnaissant, il n'est pas revenu à Cholet pour habiter La Séguinière ».
Elliot, au fil des jours d'un évènementiel froissé comme du papier cadeau, dans les entrelacs des amitiés vives des collègues dont pas un secret ne lui échappe, va franchir sa voie de traverse. le roman est une cartographie apprenante et semble la meilleure des camaraderies. Les signaux vifs d'une analyse d'un territoire avec une loupe, un coeur et le don inné d'exprimer les gestuelles, les caractères, les routes et les mutations citadines.
« Un an et demi après son départ, un mois après sa mort, c'est acté : la maison et le terrain de Papy appartiendront dès octobre au promoteur Sopic ».
« On croise peu de monde dans le bourg de la Séguinière. Encore moins un jour férié confiné ».
« Quand le Covid sera fini, elle ouvrira son salon. A déjà repéré des locaux, soit un ancien cabinet de kiné sur la route de Tiffauges, soit à côté d'Intermarché à Cholet ».
« Ça fait longtemps qu'on ne peut plus qualifier La Séguinière de campagne. Les exploitations agricoles se font aussi rares que les lotissements gagnent du terrain. Quand un village devient cité puis dortoir, il faut de la place ».
On aime l'exaltante fraternité qui apaise et berce les tendresses. « Plexiglas » métaphore des inégalités, des barrières mentales qui enserrent les êtres et refusent la moindre ouverture de ce quart-monde rural. Une frontière entre les nantis et les autres, ceux qui portent le monde dans leurs bras. Ce canevas admirable, macrocosme sociétal est un livre de salut. Cette lecture au croisement des destinées est vivifiante. Ce roman accroche ses bras autour de notre cou. L'exemplarité d'êtres de connivences et de magnanimité. L'expression même de la vraie vie. Un livre fronton. Publié par les majeures Éditions Asphalte.
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Je viens du Grand Est. Mais Cholet ça aurait pu être chez moi. Les références, les enseignes, les marques, les lieux, les habitudes de vie, l'attitude et le comportement des gens. Tout aurait pu être transposé à Moulins-lès-Metz. Sauf qu'à la place du Carrefour, j'avais un Cora.
 
Eliott c'est le paumé de service, celui qui ne sait pas quoi faire de sa vie. Blessé lors d'une manif, chômeur à 30 piges, il revient dans sa ville natale, un coin aussi paumé que lui, et qu'il a fui dès qu'il a pu. Il s'installe dans la maison du grand-père désormais en EHPAD et passe ses journées à glander, fumer et glander. Tout en méditant sur sa vie, sur l'avenir, la famille, les Gilets jaunes… Et lorsqu'il rencontre Lulu, la caissière du Carouf, il s'amuse à repenser la société avec elle.
 
Plexiglas c'est du pur roman social. Comme on les aime. Comme on en voudrait plus. Qui estomaque et te fout un poing en pleine poire. Un roman cinglant. Acerbe. Vif, intelligent, et tendre aussi. le genre de roman brillant et parfait, celui qui te reste en tête longtemps après l'avoir terminé. Celui qui te fait tout chaud dans le coeur mais aussi vachement froid dans le dos. Celui qui te fait verser une larme à la fin parce que c'est la fin et que c'était bouleversant. Celui dans lequel les perso sont ultra réalistes, à un point tel que tu t'apprêtes à remettre en question toute ta vie à cause dudit bouquin. Ce texte un peu anar qui te booste à fond, te pousse en avant et te dit « vas-y bouge-toi arrête de subir ta vie, fonce, c'est le moment ou jamais ! ».
 
L'auteur est fort, très fort. Son bouquin il le déroule au rythme des fêtes calendaires, pendant l'année du Covid, en 2020, même si ça fleure bon les années 90. On y suit des personnages attachants et fondamentalement crédibles dans une caricature poussée mais finaude de ceux qui représentent le peuple, le vrai. de ces travailleurs acharnés que rien n'épargne. Surtout pas un gouvernement capitaliste et peu soucieux du bien-être de ces « petites gens », ces miséreux, ces ploucs qui font pourtant tourner le pays et qui ont répondu présents pendant cette pandémie, cette période coronavirus qu'au final tout le monde a bien vite oubliée. Oubliées ses conséquences aussi. le confinement. La furie dans les magasins alimentaires. Aux caisses. Les plaques de Plexiglas. Oublié.e.s les travailleurs, les travailleuses et leurs conditions précaires, instables, anxiogènes. Oublié tout ça. Poupouf. Envolé. Aujourd'hui on te crache volontiers à la gueule dans le métro et on se permet de toucher tes poireaux fraichement achetés les mains pleines de morve.
 
Ces péquenauds ils nous touchent parce qu'ils nous ressemblent. Eux c'est nous. La France et son large panel de divergences d'opinions, de pensées, de valeurs. Ce bouquin c'est un état des lieux de la violence extrême générée par tout un système défaillant. Une violence normée et banalisée dans une société classiste, patriarcale de blancs cisgenres hétéros. Une société consumériste, ultracapitaliste qui pousse les pauvres à toujours plus consommer car après tout qu'est-ce qu'il leur reste d'autre ?
 
Ce bouquin c'est une pépite. Une pépite qui donne voix aux prolos, aux reclus, aux paumés, aux déconnectés, à ceux qui ne croient plus en rien, à ceux qui ont baissé les bras mais aussi à ceux qui luttent corps et âmes contre un système oppressif en espérant faire valoir leurs droits.
 
Je n'oublierai jamais Eliott et ses complices de la galaxie Carrefour.
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Elliot a bientôt 30 ans. Il revient à Cholet, sa ville natale, s'installe dans la maison vide de son grand-père en périphérie de la ville pour trouver du travail. Lulu approche de la soixantaine. Veuve, son fils est parti s'installé à Paris pour ses étude. Elle est caissière à Carrefour.
Nous sommes le 31 décembre 2019, ils se rencontrent au Balto, le bar situé dans la galerie commerçante. Au fil de l'année 2020 post Gilets Jaunes et en plein Covid, ils se rapprochent, deviennent amis dans cette zone d'activité commerciale qui s'étend d'enseignes en magasins, comme une ville dans la ville.
Avec cynisme et beaucoup d'humour, Antoine Philias pointe du doigt le monde du travail dans la grande distribution et les métiers qui gravitent autour.
Articulant son roman au fils des saisons et des différentes fêtes de l'année, on suit une galerie de personnages qui sonnent tous plus vrais les uns que les autres, décrivant la France dite périphérique.
Car sous couvert d'humour, c'est une satire sociale et politique que nous avons entre les mains mettant à l'honneur ces héros du quotidien, invisibles et souvent oubliés.
Un roman plein d'humanité sur les gens « ordinaires » qui vivent comme ils le peuvent raconté avec une subtile et touchante férocité.
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L'AUTRE TERRE DU MILIEU

D'abord Antoine Philias comme Tolkien vous fournit sur une carte les repères de la Terre du Milieu… en l'occurrence ici, la terre de la ZAC de Cholet. Ah! c'est sûr, on va beaucoup moins loin que chez Tolkien! Ici ni Hobbit ni anneau magique, mais Elliot et Lulu qui aimeraient bien voir plus grand.

Mais leur terre du milieu à eux, c'est celle du Carrefour de Cholet à la sortie de l'autoroute, du Balto, le bar de la galerie commerciale, de l'EHPAD qui accueille leurs proches en fin de vie, et de leurs logements modestes, ultimes havres de repos après une journée travail souvent pénible.

Après un incipit imposant d'emblée une langue et un rythme qui ne souffrent pas l'abandon, on sait déjà qu'Elliot on va l'accompagner jusqu'au bout et que Lulu, on va s'attacher à elle, parce qu'elle en a besoin; besoin d'un nouveau souffle pour tenter d'éviter de s'enfermer blasée dans sa petite vie précaire.

Cette terre du milieu est peuplée de vies de solitude, de 31 décembre avec pour compagnons de fête un téléphone, une télévision, un livre, des pensées.

Mais heureusement cette terre du milieu n'est pas vaste. Alors les solitudes d'Elliot et de Lulu vont finir par se rencontrer et rejoindre d'autres solitudes. On vit avec eux dans les limites de cette carte, d'une Saint-Sylvestre à l'autre.
Un environnement qui les a façonnés et construit leur identité: la Zac, ses commerces et ses clients, le travail quand il y en a, les collègues, un quotidien qui se répète, la fatigue mais aussi quelques amitiés.

Alors pour se sentir moins seul on se rassemble au Balto ou ailleurs, on se syndicalise, on se permet de s'exprimer car oui on doit pouvoir espérer mieux, être respecté, rester digne et dire non à la violence au travail, y compris derrière un plexiglas.

La langue claque, elle est vraie, se frotte aux discours politiques ou à ceux d'un PDG, une sorte d'esthétisme social, dans un roman social qui s'engage avec lucidité, humour et un esprit de fraternité indispensable pour affronter le monde.

Alors rendez-vous dans la Terre du milieu de la ZAC de Cholet, une immersion dans la France périphérique qu'on ne regarde jamais vraiment.
Prêts ?
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Elliot, bientôt 30 ans, revient habiter à Cholet, dans la maison de son grand-père actuellement à l'EHPAD. Il a été blessé à une jambe lors d'une manifestation. Il n'a plus de travail et compte bien ne rien faire tant que ses maigres économies le lui permettront. Il traîne dans la galerie du Carrefour à côté de chez lui, notamment au bistrot le Balto. Il va y croiser Lulu, caissière, 60 ans, percluse de douleurs aux articulations. Une amitié naît entre eux. Autour d‘eux gravite toute une galerie de personnages : William l'agent de sécurité, Josie l'employée de ménage, Franck le syndicaliste, Félix l'opticien qui plaît bien à Elliot, etc. Des gens auxquels on peut s'identifier ou qu'on peut croiser dans notre vie.
Malheureusement l'arrivée de la Covid et du confinement l'oblige à rester chez lui. A part les coups de fil de sa soeur jumelle, il ne se passe pas grand-chose. On les suit durant une année, de la saint-Sylvestre 2019 à la St-Sylvestre 2020, période traversée par la Covid avec encore la présence des gilets jaunes au début.
Les paragraphes alternent entre les points de vue d'Elliot et de Lulu sans changer de chapitre. Les deux voix se mêlent. On est plongé dans la vie d'une zone, d'une grande surface. le roman est entrecoupé d'extraits de discours d'Emmanuel Macron et de communications de la direction du supermarché. L'auteur n'est pas tendre avec le Président ou les politiques de Cholet. C'est très ironique et drôle.
Les lieux sont réels. L'auteur y a vécu. Il a inséré une carte de la ZAC de Cholet au début du roman, petit clin d'oeil à Tolkien. Mais bien sûr cette zone ressemble à toutes les zones de France. Sorte de roman sur les gens invisibles, on s'attache aux personnages alors que leur vie n'a rien d'exceptionnelle. le ton est léger et rythmé. Antoine Philias parle des conditions de travail dans la grande distribution alimentaire et ça ne fait pas rêver. Et pourtant on se surprend à tourner les pages encore et encore. Un roman social qui sonne juste, très lucide, très bien construit et surtout très humain ! Un conseil, ne passez pas à côté de ce livre moins médiatisé de la rentrée littéraire.
Lien : https://joellebooks.fr/2023/..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Incipit :
Saint-Sylvestre
calme et claire nuit de l’An
à bonne année donne l’élan

Carrefour est ouvert. Au-dessus de l’entrée on lit :
Grands. Petits.
Jeunes. Moins jeunes
Pressés. Moins Pressés.
Lents. Curieux. Zigzagueurs.
Chiens. Chats.
Distraits. Concentrés.
Sérieux. Emerveillés. Calmes.
Ici, nous partageons tous un air de famille.
Grand, jeune, curieux et pas contre un peu d’émerveillement, Elliot passe les portes automatiques et se mêle à la galerie : faux léchage de vitrine devant celle de Jules, comparaison des offres de SFR et d’Orange, coup d’œil aux montures d’Atoll l’opticien. Enfant, il venait au moins une fois par semaine. Se souvient même de l’époque où Carrefour s’appelait Continent. Depuis, des boutiques ont fermé, d’autres ouvert, et l’hypermarché ressemble désormais à une résidence de loisirs high-tech : infos, météo et horoscope sur écrans LED, mélange de pubs et de cantiques dans les enceintes, petits vieux sur bancs spacieux entourés de ficus bidons, gamins dans piscine de ballons, Marc Levy dans la bibliothèque participative et babyfoot au milieu de l’allée. Carrefour est un casino où tout est fait pour que l’expérience soit ludique, le passage du temps dissimulé. On pourrait être mardi ou jeudi, en mars ou en août, à Metz ou Toulouse, tout est possible tous les jours. Y déambulant, Elliot oublie sa fin d’année misérable, le trou dans son porte-monnaie et son retour à Cholet.
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Aller récupérer Gilles à la gare. Lui aussi, Franck l’a vu en photo, avec vingt kilos en moins. Il sait la rancœur que ressent Lulu envers son frère, du fait qu’il a abandonné Cholet sans se retourner, de sa prétendue réussite. Chaque fois qu’elle le décrit comme un égoïste parvenu, Franck se dit secrètement qu’elle exagère, aggrave son cas, doit projeter ses insécurités sur le seul membre de la famille Doué à avoir échappé à son déterminisme. Mais pas de politique et encore moins de psychologie de comptoir, alors Franck reçoit la poignée de main virile de celui qui l’appelle déjà son nouveau beauf et s’étonne de voir que Lulu n’a pas encore changé son vieux tacot.
Sur la route de l’EHPAD, où c’est seulement sa deuxième visite en deux ans, on n’entend que Gilles. Sa voix qui porte largement au-dessus de sa sœur déplore le port du masque dans son TGV, une contrôleuse l’a réprimandé parce qu’il mangeait un sandwich, on peut même plus bouffer avec leurs conneries, moi pour bien leur montrer que tout ça est absurde, j’ai passé le reste du trajet à boire dans ma bouteille et vas-y Frankie, tu peux accélérer un peu, y’a pas plus dangereux que ceux qui roulent lentement, j’ai un saisonnier qui s’est pris un PV la semaine dernière, heureusement je connais tous les condés de Haute-Savoie et quelle horreur la saison d’ailleurs, comme si j’avais pas assez d’emmerdes avec les taxes et les charges, a fallu qu’on se tape le corona, putain ça pousse les lotissements à Trémentines, faut investir Lucette, tu seras plus près de la mère comme ça, plus près de Carrouf, vous pourriez acheter maintenant que vous êtes deux, et toi Hugo, toujours la belle vie à Paname, quand est-ce que tu descends skier avec ta petite ? Pourtant habitué aux éructations stupides des gars de l’entrepôt, Franck contient une furieuse envie de déposer Gilles au bord de la D160. Lulu lui lance un regard qui contient du je te l’avais dit, du sois patient, du j’ai l’habitude de gérer mon con de frère.
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10h30. Entre deux tubes d’anciens étés, un message sort en boucle des haut-parleurs : Toutes les équipes de votre magasin sont mobilisées pour assurer votre santé, nous renforçons également nos équipes de nettoyage pour une désinfection régulière des chariots et paniers, nous vous invitons à respecter les gestes barrière et à privilégier le paiement sans contact en dessous de 30 euros. Celle qui est mobilisée ce matin, c’est Josie. Employée de ménage depuis vingt-trois ans, elle lavait déjà le sol de Carrefour quand c’était le sol de Continent. Se souvient qu’à l’entrée est, au lieu d’une boutique de jeux vidéo, il y avait un photographe chez qui elle achetait ses cadres. Qu’avant d’être remplacée par l’enseigne de chocolaterie-épicerie fine Le Comptoir de Mathilde, une boulangerie lui donnait chaque matin un sachet de viennoiseries de la veille à emporter. Qu’on pouvait boire un café pour quelques centimes à l’ancien Balto et louer des cassettes au distributeur à côté du photomaton. Le décor change, pas le travail. Josie avoue quand même que ses outils sont plus efficaces, l’odeur des produits moins forte, la salle du personnel plus confortable. Bien sûr, elle n’est plus toute jeune, la moindre articulation lui rappelle que la retraite approche.
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Tu dis si t’as besoin d’aide hein ?
Il n’y a pas grand-chose que Franck puisse faire pour aider Lulu, clouée aux toilettes. Elle s’est contenue dans la voiture, lâche tout sur le trône. Ses cuisses ne font plus qu’un avec le plastique de la cuvette. Se lever n’aurait aucun sens, sa vessie la condamne à résidence. Elle vit ici et maintenant. À le choix entre les vieux Moto Mag de Bernard et Le Monde diplo de Franck. Dossier sur Emmanuel Macron et l’Etat profond. Le monarque la suit jusqu’au trône. Dès que la cystite lui en laissera le loisir, elle écrira un sms au père Retailleau.
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12h30
« Votre masque mademoiselle ! Je sais que c’est dommage avec un sourire comme le vôtre mais pas le choix ! »
Posté à l’entrée ouest, William enseigne à Jonathan l’art d’appliquer les codes sanitaires dans la joie et la bonne humeur. Une petite blague, un commentaire sympa, ça passe toujours mieux.
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Vidéo de Antoine Philias
VLEEL 259 Rencontre littéraire avec Antoine Philias, Plexiglas, Éditions Asphalte
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