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EAN : 9782356540614
120 pages
Ypsilon éditeur (08/10/2015)
4.19/5   8 notes
Résumé :
Traduction d’Étienne Dobenesque

Approximations réunit les poèmes inédits d’Alejandra Pizarnik écrits tout au long de sa vie littéraire, de 1956 à 1972, et jamais repris en volume. Des premiers temps de son écriture à ses ultimes développements, le terme d’« approximation » a pour elle valeur de description, voire de programme pour son projet poétique. La notion répond bien à ce qui fait la singularité de sa voix : soit à la fois une forme de candeur e... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
En écoutant attentivement, on peut entendre résonner chez Alejandra Pizarnik l'écho lointain d'un Matin rimbaldien. Avec les mêmes termes que le jeune Arthur dans sa « Saison en enfer », elle en vient à avouer : « je ne sais plus parler ». Elle ne peut plus que « dire », ce qui signifie être envahie par les « syllabes hostiles » des « mots de tous », inaptes à incarner sa voix singulière au sein du langage. Et là où la figure de l'aube était encore possible chez le jeune poète français, sa correspondante argentine du XXème siècle contemple l'astre naissant et déclare dans une formule définitive :

« Le soleil s'est fermé, le sens du soleil s'est fermé, le sens de se fermer s'est illuminé. »

Une illumination paradoxale, en clair-obscur : les images mélancoliques composent un élan poétique sans cesse interrompu par cette vulnérabilité face aux mots des autres. Sa poésie adopte ainsi une forme fragmentaire, où s'opère une tentative de se réapproprier le langage, en donnant de nouveaux sens aux mots. Il y a là de timides impulsions, des ébauches de parole, parfois si évanescentes que seule son énonciatrice peut encore les percevoir. Elle se répond alors à elle-même, dans un état d'aliénation, d'où le « je » est absent :

« Un jour, tu sauras pourquoi tu parles moins que tu ne dis. »

Parler ne revient donc plus qu'à murmurer, mimer le vide, esquisser l'absence par petites touches. Les images de ce recueil, répétitives, sont comme autant de couleurs délavées à la disposition de la poétesse, qui les associe en d'étranges compositions. Il importait de les reprendre de façon cohérente en français, comme le révèle le traducteur dans sa postface. Autrement, les approximations de la langue briseraient le rythme des Approximations du regard qui se dessinent ici.

« dans l'aurore venue de mes yeux
des oiseaux suspendus dans l'air sont à mes yeux
ce que sont des fleurs dans la main d'un mort
voix dorée dans l'air
tombée d'un arbre ouvert
et il n'est pas vrai que je demanderai secours »

Dans ces tableaux surréalistes, la mort n'est jamais très loin de la naissance, suggérée ici par l'aurore. C'est pourquoi la vision se brouille, morte-née, dans ce dernier vers où la poétesse exprime son renoncement à chercher un exutoire ailleurs qu'en son art. Mais la résonance diffuse de ces vers n'est finalement qu'un succédané de l'apaisement idéal, celui où la parole ferait définitivement taire le langage et ses mots imparfaits :

« j'ai beau parler, je ne trouve pas de silence. »

Pizarnik élabore ainsi une poétique de la perte, où la recherche de calme se traduit par des mots et des phrases toujours simples, qui unissent les origines et l'avenir à travers l'intuition du néant :

« je crains d'arrêter d'être
celle que je ne fus jamais »

Ces deux vers évoquent Fernando Pessoa. En se désincarnant comme elle le fait, Pizarnik tend vers l'idéal du poète portugais, sa Notre-Dame-Du-Silence. Auraient-ils pu cheminer ensemble dans les jardins abandonnés, comme hors du temps et de l'espace, qui reviennent de façon lancinante dans leur poésie commune ? Personne ne peut le dire.
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Citations et extraits (59) Voir plus Ajouter une citation
La nuit, le poème

Quelqu’un a trouvé sa voix véritable et l’éprouve dans le midi des morts. Ami de la couleur des cendres. Rien de plus intense que la terreur de perdre l’identité. Cette enceinte pleine de mes poèmes témoigne que l’enfant abandonnée dans une maison en ruine, c’est moi.

J’écris avec cet aveuglement sans âme des enfants qui jettent des pierres à une folle comme si c’était un merle. En réalité je n’écris pas : j’ouvre une brèche pour qu’arrive jusqu’à moi, au crépuscule, le message d’un mort.

Et cette affaire d’écrire. Je vois par miroir, en obscurité. Je pressens un lieu que nul autre que moi ne connaît. Chant des distances, j’écoute des voix d’oiseaux peints sur des arbres ornés comme des églises.

Ma nudité te donnait de la lumière comme une lampe. Tu me palpais le corps pour que ne se fasse pas le grand froid de la nuit, le noir.

Mes mots exigent du silence et des espaces abandonnés.

Il y a des mots qui ont des mains ; à peine écrits, ils me cherchent le cœur. Il y a des mots condamnés comme des lilas dans la tempête. Il y a des mots semblables à certains morts bien que je préfère, entre tous, ceux qui évoquent la poupée d’une enfant malheureuse.
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L’œil de la joie (un tableau de Chagall et Schubert)

La mort et la fille
enlacées dans le bois
dévorent le cœur de la musique
dans le cœur du non-sens
une fille porte un candélabre à sept branches
et danse derrière les tristes musiciens
qui jouent de leurs violons cassés
autour d’une femme verte enlacée à une licorne et d’une femme bleue enlacée à un coq
dans le bas
et dans le triste
il y a des petites maisons
que nul ne voit
de planches, humide,
s’enfonçant comme des bateaux,
c’était donc ça, le concept de l’espace ?
créatures en érection
et la femme bleue
à même l’œil de la joie met au point
la saison thaumaturge des amours mortes.
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le silence est lumière
le chant savant du malheur
émane un temps primitif
je cherchais la pierre non le pain
un hymne innocent non les malédictions
la connaissance de mes noms
pour les oublier et m’oublier
mais je ne l’ai pas cherché l’exil
non plus que je ne me suis menti
je n’ai pas adoré le soleil
mais je n’ai pas attendu cette lumière noire
à la pointe de midi
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Yeux primitifs

La couleur infernale de quelques passions, une ancienne tendresse. Les manques de quelque chose, de tout, au soleil noir de leurs désirs élémentaires, excessifs, non accomplis.

Quelqu’un chante une chanson de la couleur de la naissance : dans le refrain passe la folle avec sa couronne argentée. Ils lui jettent des pierres. Je ne regarde jamais l’intérieur des chants. Toujours, au fond, il y a une reine morte.
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ivre du silence…


ivre du silence
des jardins abandonnés
ma mémoire s’ouvre et se ferme
comme une porte au vent
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Videos de Alejandra Pizarnik (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Alejandra Pizarnik
« […] « La poésie est parole dans le temps », Machado (1875-1939) n'a pas cessé de l'affirmer. Encore fallait-il que le temps ne se résumât pas à la pression immobile du passé sur la circonstance, ni la parole au simple ressassement de l'irrémédiable. Certes Machado […] a éprouvé une manière d'attirance étrange devant la négativité et la noirceur du destin de l'Espagne. Il ne s'y est point abandonné. Ou plutôt, avec une véhémence souvent proche du désespoir, une tendresse mêlée de répulsion et de haine, il a tenté, longuement, d'en sonder les abîmes. […] La poésie - Machado, seul de sa génération, s'en persuade - n'a plus pour tâche de répertorier pieusement les ruines ; elle se doit d'inventer le futur, cette dimension héroïque de la durée que les Espagnols ont désappris dans leur coeur, dans leur chair, dans leur langue depuis les siècles révolus de la Reconquête. […] […] Nostalgique de l'Inaltérable, à la poursuite du mouvant… Par son inachèvement même, dans son échec à s'identifier à l'Autre, la poésie d'Antonio Machado atteste, et plus fortement que certaines oeuvres mieux accomplies, la permanence et la précarité d'un chemin. Hantée par le néant, elle se refuse au constat de l'accord impossible. Prisonnière du doute et de la dispersion, elle prononce les mots d'une reconnaissance. Elle déclare la tâche indéfinie de l'homme, la même soif à partager. » (Claude Esteban.)
« […] “À combien estimez-vous ce que vous offrez en échange de notre sympathie et de nos éloges ? » Je répondrai brièvement. En valeur absolue, mon oeuvre doit en avoir bien peu, en admettant qu'elle en ait ; mais je crois - et c'est en cela que consiste sa valeur relative - avoir contribué avec elle, et en même temps que d'autres poètes de ma génération, à l'émondage de branches superflues dans l'arbre de la lyrique espagnole, et avoir travaillé avec un amour sincère pour de futurs et plus robustes printemps. » (Antonio Machado, Pour « Pages choisies », Baeza, 20 avril 1917.)
« Mystérieux, silencieux, sans cesse il allait et venait. Son regard était si profond qu'on le pouvait à peine voir. Quand il parlait, il avait un accent timide et hautain. Et l'on voyait presque toujours brûler le feu de ses pensées. Il était lumineux, profond, car il était de bonne foi. Il aurait pu être berger de mille lions et d'agneaux à la fois. Il eût gouverné les tempêtes ou porté un rayon de miel. Il chantait en des vers profonds, dont il possédait le secret, les merveilles de la vie ou de l'amour ou du plaisir. Monté sur un Pégase étrange il partit un jour en quête d'impossible. Je prie mes dieux pour Antonio, qu'ils le gardent toujours. Amen. » (Rubén Darío, Oraison pour Antonio Machado)
0:00 - Titre 0:06 - Solitudes, VI 3:52 - du chemin, XXII 4:38 - Chanson, XLI 5:39 - Humour, fantaisies, notes, LIX 7:06 - Galeries, LXXVIII 7:54 - Varia, XCV, Couplets mondains 9:38 - Champs de Castille, CXXXVI, Proverbes et chansons, XXIX 10:14 - Champs de Castille, idem, XLIII 10:29 - Prologues. Art poétique. Pour « Champs de Castille » 12:17 - Générique
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