En général je ne dis pas « c'est mauvais », je dis « j'ai pas aimé ».
Oui mais là… c'est vraiment mauvais.
Et en plus j'ai pas aimé.
Je développe ?
Sachant que je me suis (héroïquement) envoyé l'intégralité des 253 pages de ce machin, autant argumenter.
Donc je développe.
L'histoire du fakir qui... que... tout ça, se veut loufoque, originale, irrésistiblement drôle et accessoirement moraliste. Hélas, si l'auteur a puisé son inspiration au pays d'Ikea, ce n'est certainement pas chez Jonasson ou Mankell, ç'eût été trop beau. Les aventures de son indien calamiteux se résument donc à une fablounette approximative et niaiseuse, lestée d'un assemblage de clichés maladroits et dégoulinants de démagogie politiquement correcte.
L'histoire, passe encore, mais comment parvenir à se concentrer sur celle-ci tant le style de la narration pique les yeux ? Lourdingue, indigent, malhabile…. J'en pleure encore.
De rire.
Ou de désespoir, je ne sais plus.
Tiens, exemple-type de la phrase qui pique : « Une vraie caverne d'Ali Baba. Il y en avait de partout.»
Au hasard, autre phrase qui pique (si, j'insiste) : « Si elle voulait quelque chose, elle le prenait de suite.»
J'aime pas quand ça pique.
En revanche, le linguiste avisé notera sans déplaisir un fascinant effort de syntaxe de la part de l'auteur, dont l'étourdissant répertoire d'expressions suggestives telles que joli, jolie, jolis, jolies, belle, belles, beau, beaux, très beaux, vachement beaux… force le respect. De quoi, dans quelques années et avec un peu de pratique, détrôner Enid Blyton et son incontournable Oui-Oui au pays des placards en kit.
Mention spéciale également aux multiples envolées poétiques rivalisant de virtuosité et dont je vous livre ici gracieusement quelques spécimens remarquables :
« Ajatashatru leva ses yeux Coca-Cola vers la jeune femme. Ils pétillèrent comme le soda lorsqu'on le verse dans un verre. »
« Elle reposa le combiné, dévorée par les flammes d'un feu sauvage. » (pardon, j'ai pouffé)
« L'eau qui sortait de la poire des douches avait un aspect sombre et terreux » (chez moi c'est une pomme, mais bon, ça reste du Sacha Distel, on va pas chipoter).
Dans un dernier élan d'indulgence un peu lasse, oublions le style au bénéfice de l'humour. Car bien sûr l'auteur est un comique. Comique érudit qui plus outre, qui recycle avec un opportunisme d'une rare élégance l'humour des années soixante-dix (« il attendait qu'un feu rouge crache sa pastille Valda »), les métaphores subtiles propres aux années quatre-vingt (« il fondait aussi vite qu'un glaçon sur le nombril de Kim Basinger ») ou de saisissantes références à la littérature des années deux-mille (« il ne faut pas tenter le diable… même s'il ne s'habille pas forcément en Prada… »)
LOOOL, MDR, PTDRXXL.
Courage, c'est pas fini, car je tiens à partager l'allégresse qui m'étreint à la relecture du mini-florilège de vannes-à-deux-balles proposé ci-après (dans le texte et non exhaustif hélas) :
« Le président de la France s'appelait Hollande. Tiens, quelle drôle d'idée ! le président de la Hollande s'appelait-il monsieur France, à tout hasard ? » (soupir)
« Taisez-vous et laissez-nous travailler ! Coupa froidement Demarbre, qui avait toujours un peu de mal à le rester [virgule] de marbre. » (re-soupir)
« Sophie Morceaux dut se faire à l'horrible réalité : elle était devenue borgne. Ce qui était intolérable, vous en conviendrez, pour une actrice qui n'avait même pas tourné dans Pirates des Caraïbes. »
LOL, MDR, PTDRXXL bis.
Oui j'ai pris des notes ! D'aucuns trouveront sans doute le procédé mesquin mais ce fut pour moi le seul moyen d'endurer dans la sérénité ce déferlement de pouèt-pouèt-tagada-lol-mdr-ptdrxxl, et d'être à même de rédiger mon commentaire avec l'objectivité que mérite toute entreprise littéraire, fut-elle une bouse cosmique de cette envergure.
Dans sa biographie fantaisiste l'on apprend que Romain Puértolas a exercé à ce jour d'innombrables métiers, de professeur de langues à découpeur de femmes dans un cirque autrichien (LOL, MDR, PTDRXXL). Alors, le plan arnaqueur-plumitif monsieur Puértolas, ça, c'est coché. A présent passez à autre chose hein, ça ne pourra pas être pire.
Quant à toi, vaillant ami lecteur qui aura eu la bonté de me lire jusqu'au bout, j'ose espérer t'avoir épargné la dépense parfaitement inutile de dix-neuf euros, prix-public-conseillé. Si c'est le cas, ne me remercie pas car c'est offert de bon coeur (humour des années quatre-vingt, LOL, MDR, PTDRXXL).
Lien :
http://minimalyks.tumblr.com/