Queen: The Complete Illustrated Lyrics.

Dès que l'on parle de Queen, on pense à Freddie Mercury, décédé du sida le 24 novembre 1991. Leurs chansons sont toujours ancrées dans notre culture de base, et on reconnaît bon nombre d'entre elles dès les premières notes. Et c'est beaucoup. Nous essayons d'obtenir la musique originale, au pire remasterisée, mais certainement pas réinterprétée avec la « voix » de Freddie Mercury transposée par une certaine intelligence artificielle générative. Post Mortem Voice en effet. Et il n'y a aucune substitution possible.

Pour nous aujourd'hui, Queen est une mythologie. Ils s'habillaient de la manière la plus provocante possible et faisaient toutes sortes de pitreries scéniques. Les costumes et les ébats étaient censés révéler le corps des interprètes et celui de Freddie Mercury en premier.

Corps sexy, corps sexy, corps sexy
je veux ton corps
Bébé, tu es chaud
Le langage du corps.

Une telle déclaration était en phase absolue avec leur époque, même si elle l'est sans doute moins aujourd'hui. Les baby-boomers sont devenus pubères vers ou un peu avant 1968 et leur seule ou principale motivation dans la vie était d'acquérir à plusieurs davantage de langage corporel, l'un étant la sémantique et l'autre la syntaxe et les deux produisant du langage corporel, parfois avec l'aide du lexique qui pouvait participer pleinement au jeu linguistique, ou simplement fournir une nourriture supplémentaire à la machine à langage corporel. Un plan à trois, c'était le paradis. Un quatuor était le paradis le plus haut que seul Dieu pouvait imaginer. La grande foule de Woodstock était une manifestation anti-guerre contre la guerre du Vietnam précisément et l'invasion du Cambodge que Nixon allait décider un mois plus tard. Dans une longue réponse à certaines critiques dans le Raleigh Times (Raleigh, Caroline du Nord) du samedi 14 février 1970, j'écrivais sur cette même question du Vietnam : « Les Vietnamiens m'ont appris que vous ne devez jamais accepter que quelqu'un vous marche sur les pieds, non pas parce que vos pieds sont sensibles, mais parce que vous devez avoir une certaine estime de vous-mêmes.

Nous avions tous en tête cette lettre de Père à Fils, mais du point de vue du Fils qui en réalité n'a jamais reçu de lettre du Père :

Prends cette lettre que je te donne
Prends-le, fiston, tiens-la bien haut
Tu ne comprendras pas un mot de ce qu'elle contient
Mais tu réécriras tout ça avant de mourir.

Je ne suis pas encore mort et mon père, lui, est mort, c'est sûr, mais je n'ai pas réécrit sa lettre parce que la seule lettre orale que j'ai reçue de lui date de 1970 : « Ici, nous vivons d'une certaine manière, et tu n'es pas censé changer cela. » Pauvre de moi ! Et pourtant, je n'étais pas un « bon vieux garçon d'amour », en fait, je n'étais pas même un garçon d'amour, du moins pas encore, et j'ai quitté la maison de mes parents peu de temps après lorsque j'ai récupéré un salaire normal en tant qu'enseignant. Peut importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse ! Peu importe la couleur du chèque pourvu que le montant soit bon !

Mais nous avons tous ressenti et amplifié ce message sur la liberté.

Mais la vie continue
Je ne peux pas m'y habituer, vivre sans, vivre sans
Vivre sans toi à mes côtés
Je ne veux pas vivre seul, hé bé
Que Dieu sait, que je dois me l'approprier, cette liberté
Alors bébé, tu ne vois pas
J'ai besoin de faire une pause.

Et rien ne s'est amélioré, rien n'a changé. Nous sommes encore plus ou moins intimidés de vivre en couple, un couple à côté de tous les autres, et les clochards ou des rats de bibliothèques solitaires ne sont que des clochards ou des rats de bibliothèques, qu'ils soient des gens qui cheminent ou des gens qui consacrent beaucoup de temps à des activités déterminées de façon un peu compulsive. Nous avons aimé nous perdre dans le langage, pas dans le langage corporel, juste dans le langage sonore.

Je vois une petite silhouette d'homme,
Scaramouche, Scaramouche tu feras le Fandango –
Coup de tonnerre et éclairs – ça me fait très très peur –
Galileo, Galilei,
Galileo, Galilei,
Galileo Figaro – Magnifico –
Mais je ne suis qu'un pauvre garçon et personne ne m'aime.

Figaro évoque Mozart et ses Noces de Figaro, et son progressif enlisement dans la pauvreté et la maladie plutôt que de céder aux normes viennoises de vie convenable pour les pauvres serviteurs musicaux de la cour impériale. Papageno lui dit, nous dit que la bonne façon de sortir c'est de se retourner et de montrer à tous ces calices de pouvoir nos dos et particulièrement le bas de ce dos, et même un peu plus bas que ce bas dorsal. Que pensent-ils que nous sommes ? Des bohémiens peut-être mais pas des mendiants, du moins pas encore. Et cela nous amène au Prophète si vos oreilles ne sont pas bouchées par une telle prédiction de perdition future.

Oh, oh enfants du pays
L'amour est toujours la réponse, prends ma main
La vision s'efface, une voix que j'entends
« Écoutez le fou ! »
Mais j'ai quand même peur et je n'ose toujours pas
Riez du fou.

Comme le chantaient un film punk et un boys' band punk,

Dieu sauve la reine
Le régime fasciste
Ils ont fait de toi un retardé mental
Une potentielle bombe H
Pas d'avenir
Pas d'avenir
Pas d'avenir pour toi
Pas d'avenir
Pas d'avenir
Pas d'avenir pour moi
Pas d'avenir
Pas d'avenir
Pas d'avenir pour vous

Et un Vicieux Sid vient amplifier ce délire avec sa déclaration anti-gay sur son orientation sexuelle, dont nous n'avons rien à faire, nous, les mélomanes.

Et maintenant, la fin est proche
Et donc je fais face au dernier rideau
Espèce de connard, je ne suis pas un pédé
Je vais exposer mon cas, dont je suis certain
[…]
Je trouve tout ça tellement amusant
Dire que j'ai tué un chat
Et puis-je dire, pas d'une manière gay
Oh non, oh non, pas moi
je l'ai fait à ma façon

Et le chat qu'il a tué n'était bien sûr pas une minette, mais pas de manière gay, avec une lance lui transperçant le corps et le clouant au sol pour mourir dans la paix et la douleur. Un autre chat qui devait considérer que Sid Vicious n'était pas vicieux de la bonne manière, ce qui était censé être de la manière gay. N'est pas gay qui veut, me direz-vous.

À cette triste époque de Rule Britannia et de Margaret Thatcher, nous avions Queen pour nous repécher de nos océans de larmes et peut-être retrouver un sourire de temps en temps. Freddie Mercury essaie de nous maintenir au pouvoir dans l'instant d'extase orgasmique qui arrive si vite et ne peut durer que si vous atteignez le niveau de puissance et êtes transformé en bombe atomique.

Laisse-moi te le montrer ouais
Tu vois ce que j'ai, j'en ai énormément
Dis-moi ce que tu ressens
Est-ce réel, est-ce réel
Tu sais que j'ai ce qu'il faut
Et je peux en prendre beaucoup
As-tu entendu le dernier appel bébé
Toi et moi avons du pouvoir, ouais
Toi et moi, nous avons le pouvoir de rester
Rester au pouvoir (je l'ai, je l'ai)

C'était une époque où il n'y avait pas tellement d'alternatives.

Et qu'en est-il de la musique ? Mais la musique était fascinante, hypnotisante, fascinante, aliénante et asservissante, et nous savourions cet esclavage plus que toute autre chose. Une telle musique est suffisamment harmonieuse pour nous bercer jusqu'en enfer, et certainement pas comme un délire punk, vicieux ou non.

Ces Queen nous manquent dans les concert vivants, mais ils sont partout dans le nuage virtuel de l'éternelle salle de concert là-haut dans le ciel, où ils retrouvent Freddie Mercury jour après jour, et le ciel est bien sûr notre limite, et tout le temps.

Dr Jacques COULARDEAU

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