Quoique je n’aie jamais abordé avec lui la nature du judaïsme en général et du sien en particulier, je ne puis douter de sa connaissance en la matière. Dans des notes ayant servi presque certainement à une conférence sur le peuple juif, il note : « Enseignement admirable de Hillel ». Il devait reprendre à son compte une des plus belles réflexions de ce sage juif qui vécut sous l’empereur romain Auguste, au temps d’Hérode, à la fin du Ier siècle avant l’ère chrétienne. Cet homme déclara un jour : « Si je ne suis pas pour moi, qui le sera ? Si je suis seulement pour moi, que suis-je ? Et si pas maintenant, quand ? » Autrement dit, qui donc peut être responsable de moi sinon moi-même ? Si je ne suis pas totalement moi, qui serai-je ? Et si cela seul me contente, sans que je me tourne vers les autres, je ne serai pas grand-chose. Si enfin je n’assume pas la totalité de mes actes envers moi et envers autrui dès maintenant, alors quand le ferai-je ?
Cette disposition habitait l’esprit de mon père et traduisait le plus important de tous ses combats, celui que l’on mène avec soi et dont l’expression extérieure, visible, constitue la vie sociale. Mais cela ne se clame pas et s’effectue dans le silence de l’âme. Il existe cependant une grande variété de silences, du plus niais au plus savant, du plus intuitif au plus subtil, du plus insouciant au plus déterminé, du plus sublime au plus lâche, du plus stratégique au plus irréfléchi, sans parler de l’absence, de l’oubli et de la mort. Je m’aventure ici au cœur des siens.
Qu'est-ce qu'Auschwitz aujourd'hui pour ceux qui ne furent ni victimes, ni bourreaux, ni témoins directs de la Shoah ?
Ce livre s'attache essentiellement à décrypter l'empreinte mystérieuse et indélébile que laisse une seule journée sur le sol d'un endroit dont l'esprit se demande s'il est bien de ce monde. (...) Une journée de janvier 1999 avec son fils de 17 ans.
Cet essai cherche à exprimer ce que peut ressentir aujourd'hui un homme né après 1945, ni victime, ni témoin, ni bourreau, resté quelques heures seulement là où des millions de personnes ont péri, en quelques minutes ou après d'interminables agonies.
François Rachline est essayiste et romancier. Il est membre du bureau exécutif de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (LICRA). Il a été professeur d'économie et vice-président du conseil de direction de Sciences Po Paris.
Il a également publié chez Hermann, une trilogie biblique : La loi intérieure, Au commencement était le futur, et Un monothéisme sans dieu.
Éprouver Auschwitz, Hermann, 148 p., 12 euros. Parution le 8 janvier 2020.
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