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EAN : 9782915746372
146 pages
TDO Éditions (15/07/2009)
4.67/5   3 notes
Résumé :
Deux hommes que tout oppose marchent l'un vers l'autre. Le premier, un chevalier Bourguignon, en route vers les terres du sud aux côtés des croisés, le second, un bonhomme cathare poussé par un songe. De leur rencontre sous les murs de la cité aux deux rivières, naîtra une lumière. Passionné par la foi cathare, Gérard Raynal signe ici, après les « Bûchers du Paradis » son deuxième roman sur le sujet. Son sixième chez TDO Éditions.
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Mon frère, l’abbé Amaury de Cesnac vint nous visiter dans la salle d’armes où nous nous étions réunis, mes capitaines et moi. Son pas lourd frappait les dalles d’un marteau régulier.
- Bienvenue l’abbé, cecy n’est pas un lieu bien recommandé pour un homme d’église, lui dis-je sur le ton de la plaisanterie.
Sa carrure imposante aurait pu lui permettre d’embrasser le métier des armes, mais la destinée, et surtout l’ambition de notre père, le Seigneur Philippe de Cesnac, l’avaient en son temps, poussé vers la carrière religieuse. Depuis, la vie sédentaire avait posé sur son ventre et ses hanches, un lest remarquable.
- Je viens vous dire ma fierté de voir le nom des Cesnac inscrit à nouveau au firmament des sages guerriers du Christ…
- Nous serons de la croisade en effet,
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père le souhaitait, et j’en fais un devoir. Le gonfalon de notre valeureuse lignée flottera une nouvelle fois sur les sentiers glorieux de la guerre sainte.
- Comme j’en suis heureux Peyre... comme j’en suis heureux !
Il savoura un instant cette félicité, ferma ses paupières charnues, respira doucement, à la manière d’un nourrisson repu. Mais bientôt son visage se durcit, et sa bouche se tordit en une moue amère.
- Promets-moi que vous ferez attention, on raconte que là-bas…
Je l’arrêtai d’un geste.
- Nous en reparlerons Amaury, nous en reparlerons plus tard, mes gens et moi avons de l’ouvrage. Nous devons nous préparer, car d’ici un mois la route de ces territoires du sud que l’on prétend abandonnés de Dieu, nous prendra.
- Diantre, d’ici un mois !
Dès que sa coule fut avalée par le rectangle obscur de la poterne, nous reprîmes, mes soldats et moi, les travaux d’organisation de notre future campagne. Il nous fallait, afin d’obéir au Comte Eudes de Bourgogne notre suzerain et aux évêques, lever une troupe conséquente. Chacun des capitaines fut donc chargé de recruter cent combattants. La tâche allait s’avérer aisée, car le seul mot de « croisade » suffisait à remuer les foules. Qui plus est, nous savions que les indulgences du pape offertes à tous les volontaires, et l’éventualité de ramener richesse et gloire auraient raison
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des réticences.
À vespres, lorsque nous nous séparâmes, et juste avant de nous rendre à l’office, je passai quelques instants avec Mengarde, ma douce et tendre épouse. Il s’agissait de la rassurer un peu. Et de l’honorer bien sûr. Il faut dire que le service de guerre pour lequel le Divin Bâtisseur m’appelait, nous séparerait durablement, et sa couche, que je savais réchauffer de la meilleure manière, allait, de longues semaines durant, demeurer désespérément froide.
Toujours aussi verveux, mon cher Amaury nous délivra un prêche si enthousiaste, que nous eûmes, mes hommes et moi, la gorge serrée d’émotion. Il jetait vers nous des regards appuyés, et vantait par avance les mérites de cette armée magnifique qui, au nom de Dieu, allait fondre sur le Toulousain et les territoires ennemis de l’Eglise. Il prétendait que Jésus lui-même serait à nos côtés, et cette perspective nous donna une force inouïe. Ses mains s’envolaient vers les voûtes, comme deux énormes papillons, puis, avant de se joindre en signe de piété, se posaient sur son ventre. En chaire, mon frère paraissait transformé. L’ombre de son corps se projetait sur les murs de la basilique et dansait au rythme de ses diatribes. Nul n’osait faire le moindre bruit, nul n’osait bouger, ni même racler sa gorge. Dans son habitacle doré, il nous dominait tous, et lorsqu’il laissait éclater son courroux contre les infidèles ou contre ceux qu’il jugeait piètres catholiques, il nous effrayait.
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Après la célébration, je demeurai quelques instants dans la nef pour m’entretenir avec lui de cette guerre sainte au cours de laquelle, par mon entremise, les Cesnac allaient s’illustrer.
Dans la sacristie, il tira un siège et m’invita à partager un verre de vin de messe. Je lui demandai :
- Dis-moi frère, toi qui est homme de connaissance et de foi, que sais-tu de ces ennemis que nous allons combattre dans le Sud ?
Il huma son breuvage, en but une gorgée, et posa sur moi son regard le plus doux. Puis, d’une voix calme, il me répondit :
- Vous allez combattre les cathares.
- Les cathares, je le sais bien frère, mais qui sont-ils ?
- Des suppôts de Satan, Peyre, des mécréants, des sodomites, les pires ennemis de notre sainte Eglise !
Cette description me les rendit insupportables. Ces suppôts de Satan, ces ennemis de Dieu et de l’Eglise, j’allais les pourchasser et les occire jusqu’au dernier. Je m’interrogeais toutefois sur les raisons de la prolifération dans les terres du Sud, de ces rebus de la chrétienté.
- C’est à cause de l’incurie du clergé local, et de la complicité des Seigneurs de là-bas…
- Sont-ils nombreux ?
- Des hordes entières Peyre, des hordes soutenues par le pays de Trencavel, le puissant comté de Foix, le Cominge, et sans doute Raymond le Toulousain qui, dit-on, n’est point
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franc du collier. Leurs châteaux sont infestés, et le moindre marché est une occasion rêvée pour ces hérésiarques de se réunir et de se reproduire.
J’imaginais, grâce à la description fort détaillée de l’abbé, des rencontres orgiaques organisées sur les places publiques ou dans le donjon des castels. J’entendais par avance leurs grognements lubriques. Je les honnissais. Pourtant, le seul fait d’avoir à affronter tous les puissants seigneurs que mon frère venait de nommer, me donnait des frissons. Je voulais en savoir plus :
- Et leur chef, qui est-il ?
Le regard félin du calotin se figea, sa bouche se tordit. Il lança :
- Le Malin est leur chef !
- Tudieu, que dis-tu là Amaury, le Malin est leur chef !
- Oui Peyre, si nous, nous sommes le bras de Dieu et de l’Eglise, eux obéissent au Bougre. C’est lui qui les guide et les inspire. Ils sont redoutables.
- Comment cela est-il possible ?
- Le Maudit s’incarne en chacun d’entre eux, il vit en eux.
J’avais désormais dans la bouche le goût putride de l’enfer. Mais pour l’heure, l’abbé en avait suffisamment dit. Au nom de Dieu, au nom du pape, au nom de l’église, au nom des Cesnac, je devais détruire jusqu’au dernier, ces maudits cathares. Et même si partir en croisade ailleurs qu’en Terre Sainte me paraissait étrange, j’étais disposé à jeter dans cette
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bataille toute l’énergie de ma jeunesse finissante. On ne pouvait laisser s’étendre impunément le poison de l’hérésie. Notre mère l’Eglise risquait d’en trop souffrir. Là-bas, en Palestine, nous avions eu à lutter contre des hommes, mais dans les terres du Sud, c’était Satan en personne qui nous guettait.
Beau et redoutable défi pour un Cesnac !
Le combat serait rude, mais Dieu nous soutiendrait, j’en étais certain. Et puis, ne racontait-on pas que l’armée à laquelle nous allions nous joindre, faite de Frisons, de Bourguignons, de Nivernais, de Clermontois, d’Angevins, de Poitevins, de Romains, et autres redoutables guerriers venus du monde entier, allait constituer l’Ost le plus imposant que la chrétienté n’ait jamais levé ?
Avant de me donner congé, l’abbé me glissa :
- Monte voir notre père, il demande à te parler.
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