Jacques Réda nous offre un lumineux recueil, Leçons de l’arbre et du vent. Une méditation poétique en soixante-deux séquences, dont la table des incipit, où prédomine l’alexandrin, permet de mesurer la portée : « L’éternité demande un long apprentissage. »
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Les rames des grands pins haut brossés par le vent
Grincent dans leurs tolets. Puis un bond en avant :
Tout craque avec l'envol sonore de leurs voiles.
Au travers apparaît un ciel fumant d'étoiles,
Rempli d'autres vaisseaux à l'ancre, nuageux.
Terre, vas-tu larguer ton vieux havre rocheux?
Je me joins à l'élan maritime des arbres
Et vois, sur l'horizon, des îles dont les charmes
Passent tous ceux que l'on rêva dans les greniers :
Soleils roulés sur des montagnes, des palmiers,
Par des aubes et des couchants inépuisables
Allongeant sur le bronze et le velours des sables
L'ombre de créatures d'ambre aux lourds cheveux.
Cartes postales sans adresse, quand je veux,
Elles viennent encore attester ces rivages.
Mais, Terre, tu n'es pas qu'un beau livre d'images.
Prisonnière du temps qui procède sans bond
Tu tournes dans le sens que l'on juge le bon :
Toujours dans le palpable. Or tout ce que je palpe -
Rouge écorce, rocher dégringolé d'une alpe,
Tout me souffle que, dans un proche lendemain,
Tu ne seras plus même une image. Personne
Ne saura que tu fus. Et, que je déraisonne
Ou non, il en sera de toi, dans l'univers,
Comme il en est du poids et du son de mes vers.
pp. 28-29
Chaque arbre est un caractère
Dont la forme sort de terre
Tout comme de notre esprit,
Sans qu'on les ait prononcées,
Des paroles, des pensées
Que l'on fixe par écrit.
Elles font, dans le langage,
Une sorte de branchage
Aussi net et régulier
Que ceux du chêne et du hêtre
Qu'une loi condamne à n'être
Ni frêne ni peuplier.
« Chaque arbre est un
Caractère
Dont la forme sort de terre
Tout comme de notre esprit ,
Sans qu’on les ait prononcées,
Des paroles, des pensées
Que l’on fixe par écrit .
Elles font, dans le langage ,
Une sorte de branchage
Aussi net et régulier
Que ceux du chêne et du
Hêtre
Qu’une loi condamne à n’être
Ni frêne ni peuplier » …
N'être pas un arbre a toujours été , de mes regrets,
Le plus constant. Et même alors que je m'aventurais
Dans le premier chemin offert à la dromomanie
En m'y promenant les bonheurs d'une route infinie.
Jacques Réda
Quel avenir pour la cavalerie ?
Rencontre animée par Alexandre Prieux
La poésie serait-elle une guerre ? le vers, le corps d'élite de la langue ? En retraçant l'histoire de notre prosodie, Jacques Réda dévoile les processus de transformation du français, aussi inéluctables que ceux de la physique. Où les poètes sont les exécutants plus ou moins conscients d'un mouvement naturel. du Roman d'Alexandre à Armen Lubin, en passant par Delille, Hugo, Rimbaud, Claudel, Apollinaire, Cendrars et Dadelsen, Jacques Réda promène son oeil expert sur des oeuvres emblématiques, et parfois méconnues, de notre littérature. Inspirée et alerte, sa plume sait malaxer comme nulle autre la glaise des poèmes pour y dénicher les filons les plus précieux. À la fois leçon de lecture et d'écriture, et essai aux résonances métaphysiques, Quel avenir pour la cavalerie ? constitue la « Lettre à un jeune poète » de Jacques Réda, et le sommet de sa réflexion poétique.
À lire – Jacques Réda, Quel avenir pour la cavalerie ? – Une histoire naturelle du vers français, Buchet/Chastel, 2019.
Le jeudi 28 novembre 2019 à 19h
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