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EAN : 9782070454662
400 pages
Gallimard (30/01/2014)
4.37/5   66 notes
Résumé :
L’auteur de À l’Ouest rien de nouveau a peint, avec Après , la fresque la plus tragique et la plus poignante de l’Allemagne après la guerre de 14-18, des premiers jours de la défaite aux derniers jours de la révolution spartakiste.


La déroute, l’émeute, la faim, le doute, Erich Maria Remarque les évoque avec une âpre sincérité, une violence vengeresse. Son livre est généreux et humain.

C'est un document et un acte de foi.
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Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
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L'histoire commence quand s'achève "A l'Ouest, rien de nouveau" : la première guerre mondiale se termine, et les soldats peuvent enfin rentrer chez eux. Sur les 200 hommes de la compagnie d'Ernst Birckholz, le narrateur, il n'en reste plus que 32, et tous ont hâte de quitter les tranchées des Flandres pour retourner au pays. Mais rien ne se passe comme prévu, car personne n'est en mesure d'accueillir, d'écouter et de comprendre ces survivants -et eux-mêmes n'arrivent pas à raconter, sauf lorsqu'ils se retrouvent entre eux pour entretenir leur camaraderie.

Quel récit impressionnant que celui-ci ! S'inspirant de sa propre expérience d'ancien combattant de 19 ans, Erich Maria Remarque relate le difficile (voire impossible) et douloureux retour à la vie d'une génération de soldats partis trop jeunes à la guerre, la tête remplie de romantisme patriotique. Il raconte leur incompréhension, leur amertume, leur colère, leur révolte, leur abattement en retrouvant un pays en proie à une Révolution qui a fait fuir l'Empereur pour lequel ils se sont battus : "Si l'un de nous avait fait ça, on l'aurait collé au mur !". Il décrit la transformation de ce pays, le triomphe du capitalisme cynique sur le conservatisme rance de ces années folles, où les cabarets se multiplient, toujours plus clinquants et bondés, alors que la misère sévit et que le peuple est encore soumis au rationnement.

Dès lors, il s'avère ardu pour ces jeunes gens de retrouver leur place dans cette Allemagne et dans cette vie, et certains en viennent même à regretter le Front : "Là-bas, il suffisait d'être vivant pour que tout aille bien !", alors qu'ici ils doivent affronter la mesquinerie, le chômage, la pauvreté, l'abandon, la maladie, la dépression, les traumatismes, les mutilations, le suicide... Et surtout, toujours, cette incompréhension et ce manque d'empathie pour ce qu'ils ont vécu : "Il y a un abîme infranchissable entre ceux qui ont été soldats et ceux qui ne l'ont pas été." Heureusement, il reste la camaraderie entre anciens combattants, et l'auteur exalte la solidarité qui unit ces hommes et le réconfort de la Nature, seule à pouvoir réparer les âmes malgré ses propres plaies.

Ce roman, écrit en 1931 et brûlé en 1933 (forcément), est d'une justesse et d'une sincérité bouleversantes. C'est un appel à l'intelligence, à l'Humanité, au pacifisme. Autant dire un roman qui paraîtrait naïf à notre époque déglinguée, s'il n'était traversé d'une férocité jouissive à l'égard des donneurs d'ordres et de leurs médiocres suiveurs. Il n'en reste pas moins un terrible constat de gâchis : "C'est à nous-mêmes que nous avons fait la guerre, sans le savoir."
L'Histoire n'en finit pas de se répéter.
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Erich Maria Remarque avait écrit «À l'ouest, rien de nouveau», qui relatait son expérience pendant la Première guerre mondiale. S'il y avait beaucoup à écrire sur le sujet, il y en avait autant à raconter sur ce qui s'est passé après. Les dernières heures dans les tranchées, alors qu'on sait qu'il y aura armistice, la survie, le chemin du front à la caserne, puis au village natal. le retour à la vie civile. Mais est-il possible de revenir en arrière et reprendre une existence ordinaire après avoir vécu les atrocités de la guerre ?

L'auteur a justement intitulé ce roman «Après». Il n'est plus question de la guerre et encore moins d'actions héroïques. Au contraire, ce sont des héros qui sont ramenés à une existence supposément normale et paisible. Mais les traumatismes de la guerre continuent à hanter et les empêchent de mener leur petit train-train quotidien comme si rien ne s'était passé. La société a repris son cours, les anciens combattants, eux, ne savent pas comment y parvenir.

Étude, travail, mariage… tout semble décalé. Ceux qui étudiaient, ils doivent réviser (comment se rappeler la matière après tout ce temps ?) et passer leurs examens à côté de gamins. Ceux qui avaient un emploi, ils l'ont perdu. Ceux qui avaient des femmes… eh bien… elles n'ont pas attendues. Cette société qu'ils ont tenté de féendre, on dirait qu'elle leur tourne le dos. Ils sont devenus des rien-du-tout. Très frustrant !

Tellement que, parfois, il leur semble que tout était plus simple sur le front avec la mitraille et les obus. « Ah Au front, c'était plus simple. Là-bas, il suffisait d'être vivant pour que tout aille bien !» Quand on y pense sérieusement, c'est désolant et décourageant !

Les personnages, Albert, Tjaden, Valentin, Willy et tous les autres, ils étaient des adolescents. En l'espace de deux, trois ou quatre ans, ils sont devenus des hommes. Mais des hommes qui s'ajustent difficilement. Tellement qu'ils me faisaient davantage penser à de grands enfants. Il est impossible de ne pas ressentir de la compassion, de l'empathie pour eux. Plus ils font des efforts pour s'adapter, plus c'est difficile. Certains sont tentés de retourner dans l'armée mais même cette option ne semble plus leur convenir.

Erich Maria Remarque a déjà abordé le thème des anciens combattants dans «Les camarades», où il était question de ce groupe de trois-quatre jeunes qui essaient de se créer une situation quelques années après le retour du front. le roman était très romancé et abordait plusieurs autres thèmes dont la passion amoureuse, la pauvreté à Berlin et la montée du nazisme. «Après» se concentre exclusivement sur le retour à la vie civile. Ça le rend d'autant plus poignant, bouleversant. Je le recommande vivement.
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Nombreux sont les témoignages qui nous relatent de l'expérience des soldats pendant la première guerre mondiale. Chez nous, français, on a les très célèbres le Feu d'Henri Barbusse ou encore Les croix de bois de Dorgelès et bien d'autres … Chez nos voisins allemands, on connaît surtout A l'ouest rien de nouveau d'Erich Maria Remarque. Sauf que ce dernier ne s'est pas arrêté là. Il a décidé de nous raconter la suite, l'après la guerre. Parce qu'il y a eu un après pour ceux qui ont eu la chance ( ?) d'en revenir.

Le récit s'ouvre, nous sommes encore dans les tranchées. Les obus fusent et explosent toujours. Les copains sont malades, blessés ou n'en réchappent pas. Et puis soudain, alors qu'on commençait à ne plus y croire après tant de fausses joies, un cri se propage : « La paix ! ». C'est fini. La grande boucherie ferme ses portes. On a du mal à réaliser mais on se met en route. Il est temps de rentrer chez soi. Sur le chemin, on reste sur ses gardes. le doute persiste. On croise des soldats qui, peu de temps encore auparavant, étaient nos ennemis. On se toise avec méfiance puis on sympathise, on s'échange des souvenirs pour les uns, de la nourriture et des produits de première nécessité pour les autres. Et on arrive enfin chez soi.

Mais l'accueil n'est pas celui qu'on attendait. On espérait retrouver notre vie là où on l'avait arrêtée en partant au front. Faire comme si la guerre n'avait été qu'une parenthèse, que le temps s'était figé et que la vie reprendrait son cours normalement au retour. Mais c'est impossible. Les jeunes adolescents qui étaient partis et qui n'ont que 3-4 ans de plus sont à présent devenus des hommes. Difficile de le faire comprendre à son entourage.

Pour Ernst et ses camarades survivants, le retour se place sous le signe de la déconvenue et de l'incompréhension. Comment accepter de nouveau la futilité du quotidien et de la vie quand on a connu l'horreur et côtoyé la mort d'aussi près ?
On se raccroche à ce qu'on peut. Les études, le travail, l'amour ou la famille. Mais ça ne marche pas. Ajoutons à cela les cauchemars et les hallucinations. Chaque membre du groupe tente de se faire une nouvelle place dans cette société qui, pourtant, ne leur correspond plus. D'autres s'engagent à nouveau dans les rangs de l'armée mais en reviennent écoeurés. L'esprit de camaraderie qui régnait pendant la guerre n'est plus. Ils semblent tous être passés à autre chose. Sauf eux.

Dans ce sublime roman d'une cruauté blessante, Erich Maria Remarque brosse le portrait de plusieurs poilus allemands, nous montre leurs difficultés à retrouver une vie normale. On se rend compte que le choc est terrible. Plus rien ne semble avoir de sens. le fossé entre ceux qui ont combattu et les autres est énorme et apparaît comme infranchissable.

« Il me faut serrer la main de quelques personnes et je commence à suer. Les gens d'ici sont bien différents de ce que nous étions, nous autres au front. En comparaison, j'ai l'air aussi lourd qu'un tank. Ils se tiennent comme s'ils figuraient dans une vitrine de tailleur, et ils conversent comme sur un théâtre. Avec précaution, je cherche à dissimuler mes mains, car la boue des tranchées s'y est incrustée, comme un poison. Je les essuie à mon pantalon à la dérobée. Malgré ces précautions, ma main est toujours moite au moment où je dois la tendre à une dame. »

Le monde qu'ils ont laissé n'est plus le leur au point que l'un d'entre eux retournera sur le champ de bataille s'y donner la mort. La destinée de nombre d'entre eux est tragique. Certains culpabilisent même de rentrer indemne là où les copains sont tombés ou d'autres sont revenus estropiés. Parfois même leur sort leur paraît plus enviable. Car personne ne se soucie de ceux qui sont revenus et leurs proches sont incapables de les comprendre et ne les reconnaissent plus.
Erich Maria Remarque évoque aussi les troubles politiques et sociaux de cet après-guerre douloureux pour l'Allemagne : la défaite, la fuite du Kaiser, les révoltes des soldats qui se sentent trahis et abandonnés, les grappillages de vivres car on a faim.

Roman tragique, d'une force redoutable, Après m'a fortement marquée. Certains passages sont criants de désespoir. Il n'y avait que l'un d'entre ses soldats pour nous expliquer à nous autres qui n'avons pas connu ça ce qu'ils ont vécu et comment, l'impact psychologique que la guerre a eu sur eux, ces réflexes acquis et qui sont devenus naturels.

Après est un roman percutant, bouleversant et surtout indispensable. A lire absolument !
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Le sujet de ce livre a été traité à de nombreuses reprises. Après toutes les guerres, de tout temps et en tous lieux, des hommes se sont mis à témoigner de leurs difficultés après des années passées dans l'enfer des combats de revenir à la paix d'une vie civile.
Tous n'avaient pas le talent d'écrivain d'Erich Maria Remarque, tous n'avaient pas connu les tranchées de 14-18 et tous n'étaient pas allemand, ce qui fait de ce témoignage romancé, un document d'importance.
Ce récit pourrait être lu comme la suite du célèbre : «  A l'ouest rien de nouveau » du même auteur.
Il en a les mêmes qualités narratives.
L'auteur nous délivre un message de paix universelle, lorsqu'il déclare par exemple qu'il se sent plus proche d'un « poilu » que de ses propres compatriotes restés en arrière du front. Au delà d'un simple récit d'événement, ce livre est parcouru par de nombreuses pensées profondes sur la place de l'Homme dans nos sociétés... Sur la vie.
Il est à noter que l'oeuvre de l'auteur a été interdite par le régime nazi... Excellente raison pour la lire !
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Auteur populaire et acclamé depuis que son roman A l'ouest rien de nouveau est étudié par les élèves au collège, Erich Maria Remarque continue de s'illustrer en littérature par la publication posthume de ses récits sur la guerre 14-18 côté allemand. Alors qu'A l'ouest rien de nouveau rapportait le quotidien des soldats dans les tranchées, il s'attaque dans Après à un moment peu exploité en littérature et qui pourrait bien donner un nouveau souffle aux récits sur la Première Guerre mondiale, surtout en cette période de commémoration du centenaire de la Grande Guerre.

En effet, Après montre le retour des soldats allemands à leur vie "d'avant", dans un pays meurtri par des années de guerre et ayant abouti à la défaite.

Le roman s'ouvre sur le spectacle de combats dans les tranchées, écho à son oeuvre précédente. On y découvre des jeunes hommes, en proie à la violence des combats, transformés par ceux-ci mais surtout soudés dans la lutte. A la débâcle allemande, le trajet retour se fait lentement, comme au ralenti, dans une atmosphère d'anticipation pesante qui montre le poids de cette guerre perdue et le décalage entre la vie qu'on menait les soldats pendant leur service et la vie qu'ils vont retrouver. Et quand viennent enfin les retrouvailles, le spectre des tranchées pèsent au-dessus de chaque famille, comme si l'on ne pouvait jamais vraiment en revenir.

Cela se confirme par la suite. Jamais aucun soldat ne peut échapper à ce qu'il a vécu là-bas. Les souvenirs sont omniprésents, de même que les rancoeurs et les vengeances. L'écart se creuse entre les soldats et leur famille dans leur langage, leurs habitudes.

Ils gardent le réflexe de marcher au pas, de porter leur uniforme. Ils sont une famille, la guerre les a unis et la séparation ne semble pas être une option. Ils sont comme déconnectés de la vie réelle, celle qu'ils avaient connu jusqu'à leur mobilisation. Et quand ils doivent reprendre le chemin de l'Ecole Normale, l'absence des camarades tombés (plus de la moitié) les ramène à leur condition. Ils ne sont plus des gamins, des élèves, des frères. Ils sont des soldats. Dans ces conditions, comment penser sérieusement qu'ils peuvent reprendre le cours de leur vie tel qu'ils l'ont laissée? La guerre n'a pas été pour eux un intermède, elle les a changé. Comment se tenir debout face à une classe et enseigner quand, quelques mois auparavant, on se tenait debout, mais un fusil à la main et prêt à tirer?

Alors qu'au début l'auteur n'hésite pas à détailler les effets d'un obus sur le corps et l'esprit des soldats, l'introspection prend peu à peu le pas. Il est "amusant" de voir comment certains silences en disent bien plus long sur les sentiments des personnages que certaines descriptions assez crues de la guerre. On en dit moins mais le malaise qui les habite n'en est que plus explicite.

Mais ce roman, c'est aussi l'histoire d'une désillusion, celle des soldats face à la guerre. Alors qu'on leur avait inculqué les raisons de ces combats à l'école, quand tout cesse enfin et qu'ils réalisent qu'ils ont été bernés, ils ne croient même plus en la vie. Les fondements de ce pour quoi ils se battaient s'effondrent, et eux suivent aussi, petit à petit.

>Après est un roman réaliste qui offre une vision déprimante de l'autre versant de la guerre. Sans en avoir l'air, Erich Maria Remarque délivre une excellente leçon d'histoire! Il donne envie de poursuivre et j'aimerai maintenant beaucoup lire Les camarades, sorte de suite à Après sur fond de montée du nazisme!
Lien : http://mariae-bibliothecula...
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Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
C'est extraordinaire. Nous sommes tellement accoutumés aux trous d'obus et aux tranchées que le calme, et l'apparence paisible de la contrée dans laquelle nous pénétrons maintenant, nous inspire de la défiance. Nous avons l'impression que cette tranquillité n'est qu'un piège destiné à nous attirer sur un terrain secrètement miné.
Et voilà qu'ils y vont, nos camarades, sans précautions, tout seuls, sans fusils, sans grenades : Ah ! courir après eux, les ramener, leur crier : "Mais où allez-vous donc, qu'allez vous faire la dehors, tout seuls ? Votre place est ici, avec nous ; il faut rester ensemble, peut-on vivre autrement ? ..."
Ah ! cette étrange roue qui tourne dans nos têtes : avoir été soldats trop longtemps !
Le vent de novembre siffle dans la cour vide. Toujours plus nombreux, les camarades s'en vont. Encore un instant, et chacun sera de nouveau seul avec lui-même.
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J'ai couru longtemps, partout et partout, j'ai frappé à toutes les portes de ma jeunesse, avec la volonté d'y rentrer. Je pensais qu'elle serait obligée de m'accueillir à nouveau, parce que je suis encore bien jeune et que j'aurais tant aimé oublier... Mais elle se dérobait devant moi, comme un mirage, elle se disloquait sans bruit, elle s'effritait comme de l'amadou, dès que je l'effleurais, et je ne pouvais pas comprendre ... Tout de même, ici, quelque chose aurait dû survivre ! ... J'ai essayé, sans trêve, au point que j'en suis devenu ridicule et triste. Et je me rends compte maintenant qu'une guerre sourde et silencieuse a ravagé aussi le pays du souvenir et qu'il serait insensé de ma part de chercher encore ...
Entre ma jeunesse et moi, le temps est comme un large abîme ; il est impossible de revenir en arrière ; il n'y a pas d'autre issue que de marcher de l'avant, et vers n'importe quoi puisque je n'ai pas encore de but.
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Ludwig, dont le cousin est tombé dans le secteur, se mouche d'un revers de main et tourne les talons. Nous le suivons lentement, nous arrêtant plusieurs fois encore pour regarder alentour.
Et alors, immobiles, nous nous rendons compte soudain que tout ça, là devant, cet enfer d'horreur, ce coin de terre martyrisé, crevé d'entonnoirs est attaché au plus intime de notre être ; on dirait presque - malédiction ! si seulement cette absurdité qui nous dégoûte à vomir n'était pas en jeu ! - on dirait presque que ce coin de terre nous est devenu familier comme une patrie douloureuse et tourmentée et que nous lui appartenons - simplement.
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Ils continuent à parler ; mais moi, je ne suis plus maître de mes pensées. Elles m'échappent à chaque instant. Je me lève et je jette un regard par la fenêtre. Des caleçons sèchent sur la corde à linge. Ils se balancent, gris et inertes dans le crépuscule. Dans l'enclos, un clair-obscur mouvant. Soudain, à l'arrière-plan, comme une ombre lointaine, se lève une autre vision : du linge flottant, le son d'un harmonica isolé dans le soir, une marche en avant dans le demi-jour, un grand nombre de nègres tués , en capote bleu pâle, les lèvres éclatées et les yeux sanglants - les gaz. Pendant un instant l'image est précise, puis elle oscille et s'efface, les caleçons flottent au travers, l'enclos réapparait et je sens de nouveau derrière moi la chambre avec les miens, la bonne chaleur, et la sécurité.
Tout cela est passé, me dis-je avec soulagement, et je me détourne vite.
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Mon regard embrasse toutes ces choses et il me paraît que je les vois aujourd'hui pour la première fois. Elles me semblent, soudain, si peu familières que je ne les reconnais presque plus.
Est-il possible que ce bout de gazon sordide et mouillé, là, devant moi, appartienne vraiment aux années de mon enfance, ces années dont ma mémoire a conservé un souvenir si radieux, si ailé ?
Est-il possible que cette place déserte et morne avec la fabrique- vis-à-vis- constitue vraiment cette parcelle du monde que nous appelions le pays natal et qui seule, dans le flot d'horreur du front, évoquait l'espoir et le sauvetage avant la noyade ?
Est-ce bien elle et pas une autre, cette rue grise avec d'affreuses maisons dont l'image, pendant les rares trêves que nous accordait la mort, s'élevait au-dessus des trous d'obus comme un songe farouche et mélancolique ?
N'était-elle pas plus lumineuse et plus belle, plus large et plus animée dans mes rêveries ?
Tout cela ne serait-il plus vrai ?
Mon sang m'a t-il menti, mes souvenirs m'on-ils trompé ?
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Vidéo de Erich Maria Remarque
Extrait du livre audio "À l'Ouest, rien de nouveau" d'Erich Maria Remarque lu par Julien Frison. Parution CD et numérique le 11 août 2021.
https://www.audiolib.fr/livre/louest-rien-de-nouveau-9791035405885/
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