No More Dying Then
Traduction :
Marie-Louise Navarro
ISBN : 9782702422540
Ce roman appartient à la série des Wexford mais, pour être juste, c'est surtout l'adjoint de ce dernier, l'inspecteur Michael Burden, qu'il met en quelque sorte en vedette. Veuf depuis le Noël dernier, Burden a dû faire appel à sa belle-soeur, Grace, pour qu'elle vienne s'occuper de la maison et de ses deux enfants, Pat et John. Bien que, au physique, elle soit une réplique quasi parfaite de la défunte Jane, Grace, elle, a fait carrière dans les soins infirmiers et c'est uniquement pour tirer son beau-frère d'une situation que les exigences de son métier rendent encore plus difficile qu'elle a accepté. Bref, elle ne l'a fait qu'à titre provisoire et, au début en tous cas, c'est bien comme cela que Burden l'entendait. le problème, c'est que le malheureux ne parvient absolument pas à "faire son deuil" et s'abrite de plus en plus derrière ses obligations professionnelles pour éviter ses pénates. Quant à ses frustrations sexuelles, mieux vaut jeter sur elles un voile pudique. Il essaie d'ailleurs de n'y penser qu'un minimum car, tous les lecteurs de
Ruth Rendell vous le diront, Mike Burden est un sacré puritain. En tout cas, officiellement.
A cette époque de l'année, s'annonce ce que, à Kingsmarkham, on a l'habitude d'appeler "le petit été de la Saint-Luke", un mini-été indien local que tout le monde voit avec plaisir, surtout si l'été officiel s'est montré plus grognon. Tout est donc doux, mou et confortable comme un nuage, agréable, plaisant, lorsque tombe la nouvelle qui va glacer tout le village : le petit
John Lawrence, un gamin de cinq ans, qui vivait avec sa mère, Gemma Lawrence, une bohème londonienne venue se réfugier, après son divorce, dans la la maison que lui avait léguée sa tante, n'est pas rentré d'un après-midi de jeux avec ses copains. Une battue est organisée mais ne donne rien. L'enfant semble s'être volatilisé ...
Volatilisé ... le mot rappelle aux policiers locaux une affaire qui, elle, s'est passée à la fin de l'hiver précédent et qui n'a jamais été résolue puisqu'on n'a jamais retrouvé l'enfant, morte ou vivante : l'affaire Stella Rivers. le contexte était cependant différent : d'abord, le sexe de l'enfant et puis son âge : Stella avait douze ans. Après avoir vainement attendu son beau-père, qui devait venir la chercher à la fin de son cours d'équitation, elle s'est mise en route toute seule ... et a disparu.
Curieusement, le premier choc passé, la mère de Stella, Rosalind, s'est consolée plutôt vite. Il faut dire que, chez elle, le sentiment maternel - s'il existait - venait en second derrière l'adoration passionnée qu'elle vouait à son époux, Ivor Swan, une espèce de Ken ayant bien vieilli, narcissique et velléitaire comme il n'est pas permis et, de manière générale, assez déplaisant en dépit d'une amabilité naturelle. Bien sûr, on a pensé à lui comme coupable possible. Mais il s'entendait plutôt bien avec Stella et celle-ci aurait eu même un vague béguin pour lui, mais rien de bien grave. En plus, son alibi a été vérifié et revérifié.
Bien évidemment, l'affaire Lawrence fait renaître tout le passé et Burden, ressassant ses chagrins et ses désirs inapaisés dans une promenade en des lieux où il fut heureux avec Jane, a le plaisir, plutôt douteux, de découvrir le corps de la petite Stella, morte étranglée. Mais par qui ? La question demeure.
Et, si elle est morte,
John Lawrence, lui, est-il également passé de vie à trépas ? Rien n'est moins sûr ... D'ailleurs, le commissariat reçoit trois lettres successives d'un maniaque assurant qu'il a enlevé l'enfant mais qu'il ne lui fera pas de mal. La première est accompagnée d'une mèche de cheveux mais aucun rapport avec ceux de John ...
Wexford nage plus ou moins. Il a pour habitude de discuter des affaires traitées avec Burden, pour qui il éprouve une réelle sympathie en dépit de cette raideur qui le rend parfois si désagréable à vivre. Mais Burden est aux abonnés absents. Faisant fi de toute éthique, emporté par ses pulsions et apitoyé par la tragédie qu'elle vit, il est devenu l'amant de Gemma Lawrence et ne songe plus qu'à en faire la seconde Mrs Burden. A dire vrai, Wexford redoute le moment où il se verra contraint de le rappeler à l'ordre. Alors, patiemment, il prend un temps maximum pour défaire la partie de l'écheveau qui lui revient. Et, ô miracle, le voilà qui tombe sur une vieille histoire qui, une vingtaine d'années plus tôt, mettait encore en relation un Ivor Swan alors âgée de dix-neuf ans et une adolescente de l'âge de Stella. Mais là, il n'y a pas eu étranglement : la petite s'est noyée.
Wexford remonte une piste bien refroidie. Seul appât : le coroner avait passé un fameux savon au jeune Ivor et lui avait dit que, même s'il n'avait pas tué physiquement la petite, il était responsable de sa mort puisque c'était "parce qu'ils le dérangeaient" (sic), qu'il s'était refusé, dans la barque où il pêchait, à entendre ses appels au secours.
En ce qui concerne l'anonyme qui prétend retenir le petit John dans sa ferme, on finit par le coincer : un respectable père de famille, par ailleurs complètement cinglé .
Et toujours pas de John Lawrence ...
Un bon Rendell et un bon Wexford, avec ces petites touches précises, minutieuses, qui, peu à peu, à la manière incomparable de l'auteur, nous brossent un décor tout d'abord joyeux et qui s'assombrit très, très vite. Les fils de l'écheveau s'emmêlent à plaisir, certains n'ont pas leur place là-dedans, d'autres, que l'on croit de peu d'importance, en ont bien plus qu'on ne le croit et, comme toujours, tout à la fin, le miracle s'accomplit et le puzzle se met en place. A ne pas manquer. A mon avis. Mais ce n'est qu'un avis. ;o)