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La Québécoite" prétend être un roman sur l'expérience immigrant. La protagoniste qui est vraisemblance l'alter de Robin ego décrit son aliénation à Montréal la deuxième moitié du 20e siècle où sa culture n'a pas de "part dans l'imaginaire de la ville." (p. 187) Robin écrit: "La parole d'immigrante est insituable, intenable. Elle ne s'est jamais où on la cherche, où on la croit. Elle ne s'installe pas. Paroles sans territoire et sans attache, elle a perdu ses couleurs et ses tonalités." (p. 205)
À mon avis, Robin se trompe. Son roman est plutôt le récit du parcours "d'une juive ukrainienne de Paris installée provisoirement à Montréal , donnant des cours dans des universités anglophones (McGill)" p. 175. C'est vrai que l'héroïne est une immigrante mais les détails présentés sur son héritage culturels sont tels que l'on ne peut pas la considérer comme étant une immigrante comme toutes les autres.
Il faut très bien connaitre l'histoire des juifs de la Pologne et de l'Ukraine afin comprendre "
La Québécoite". Au début, la narratrice parle des origines de sa famille en "Volyhnie" qui est le terme employé pour une territoire actuellement en Ukraine mais qui faisait partie pendant des siècles de la Pologne. Robin mentionne plusieurs fois les massacres de Chmielnicki (1652) et les pogroms de Petliura (1918-1921) qui sont très peu connus en dehors de l'Ukraine et de la Pologne. Elle discute longuement du mouvement messianique du Sabbatai Zevi (Jakob Frank, 1726-1791) qui en peu connu même en Ukraine et en Pologne. (Pour ce qui veut savoir plus sur le Sabbatai Zevi je recommande "
Les Livres de Jakob" le roman d'
Olga Tokarczuk qui n'a pas réussi à rendre le Frankism.) À mon avis, c'est la spécificité juive-ukrainienne qui est la véritable force du roman. Cependant, cette spécificité rend la lecture du roman très difficile pour le lecteur canadien.
Ce qui le lecteur canadien va reconnaitre est l'absurdité linguistique à Montréal causé par le bras de fer entre les francophones et anglophones. Robin se sert des "techniques de collage"(p. 207). Elle reproduit la liste des " noms des stations de métro -
Lionel-Groulx, Pie X, Atwater, Peel, Berri-de-Montigny" afin de mettre en lumière "l'étrangeté" (p. 53) de la situation.
Aussi, Robin présente le classement de la ligue majeure de Québec (p. 85) et les programmes de télévision (p. 128-132) pour créer l'ambiance montréalais dans son roman. Finalement elle nous donne des extraits du menu du restaurant: "L'omelette St. Louis":
L'omelette Émile
Nelligan (jambon - fromage-tomates-oignons) $2.95
L'omelette Catherine Tekakwitha (pétoncles - champignons-fromage)$4.15
etc.
Les critiques de Robin sont assez juste pour la plupart, mais j'ai trouve qu'elle est très sévère avec le catholicisme québécois et qu'elle a trop de sympathie pour le laïcisme. Elle se moque des martyrs en 1649 aux mains des Iroquois de Jean Brébeuf et Gabriel Lalemant. Également elle manque de respect envers le chanoine
Lionel Groulx. Pourtant elle est assez respectueuse envers
René Levesque,
Marie Claire Blais ,
Jacques Godbout et les autres héros de la gauche-indépendiste de Québec.
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La Québecoite" est un calvaire à lire. Lisez-le seulement s'il se trouve sur le programme d'un cours que vous suivez.